VIII – Purge

Dies Irae

« La folie est de toujours se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent. »

Albert Einstein, Physicien théoricien du 21ème siècle.


       Dans les nouveaux locaux du ministère de la défense fédérale situés à Brighton. Trois sidoniens traversèrent les bureaux du ministère encore sans dessus-dessous. Le personnel était encore néophyte et le fonctionnement peu opérationnel. Les trois individus enfoncèrent la porte du patron du ministère sans avoir à prendre rendez-vous. Deux d’entre eux restèrent en arrière-plan et celui du milieu s’avança pour s’entretenir avec le ministre, qui dégusta un bon vieux whisky de 2035. Ayant entendu son interlocuteur venir tambour battant, le ministre posa son verre sur le bureau.

       –L’empereur Néron ne supporte pas que ses projets de coalition avec les humains soient mis en retard ! La septième flotte et ce vaisseau pirate se sont unis et représente un réel problème ! Ils ont retardé un chargement important pour notre effort de pacification.

       –Je comprends bien, commandant suprême. Mais je ne peux rien y faire. L’amiral Nash est détenteur des clefs de lancement et seul lui ou ses successeurs peuvent rendre hors combat la septième flotte. De plus, je n’ai plus d’armée sur laquelle je peux exiger des résultats pour mettre hors d’état de nuire ses agissements n’entrant pas dans les accords de l’armistice.

       –Madame ! Vous êtes responsable de l’engagement de la septième flotte peu avant la guerre. En tant que haut fonctionnaire de votre gouvernement, vous avez surement connaissance d’un moyen pour arrêter vos anciennes unités. Un virus, une clef secrète, des armes, n’importe quoi qui peut cesser les agissements de votre ancien officier fédéral Nash.

       –Je suis la seule ministre encore en place depuis que le gouvernement a changé, d’autant plus d’un ministère que l’on dit responsable de la défaite. Ce que je peux vous apprendre, c’est que nos amiraux en navigation sont indépendants. Il n’y a rien à faire pour tenter de pirater le vaisseau s’il est hors ligne. C’est l’une des premières choses qu’apprends un aspirant à l’école de guerre en cas d’attaques extérieures. Jamais Nash ne remettra sa flotte en ligne, surtout depuis que vous avez accès à toute notre base de données, commandant suprême.

       –J’exige que vous me donniez les plans de conceptions de l’Aegis. Nous ne les avons pas trouvé, dans aucuns des endroits tenus secrets de votre gouvernement.

       –Il s’agissait de plans secrets sur support scriptural, malheureusement l’atomisation de Londres à eu raison des plans et du cabinet d’ingénierie au sein de nos anciens locaux et de ses travailleurs. Vous avez frappé à un moment qui à éliminer nos hommes clefs. Ces plans et ses hommes qui l’ont conçu n’existent plus. J‘en suis navrée.

       Le commandant Stanislas s’approcha de la ministre Swan et frappa de ses puissants poings son bureau, sans n’y montrer aucune conviction intérieure. Claire n’y voyait là qu’une démonstration de force brutale, elle ne fut guère impressionnée.

       –Ceci étant dit, nous nous accordons à dire que la contribution sidonienne pour les humains est appréciable. Est-ce un effet post-guerre ou les progrès technologiques apportés avec vous. Les sidoniens ont su contribuer à étendre l’employabilité humaine et du bien-être dans le domaine de la santé. Bref, vous savez que ce qui reste de ma flotte est à la disposition de l’armée régulière sidonienne.

       –Vous êtes futée Swan. Suffisamment pour savoir que vous n’êtes là que pour assurer une transition. Je compte bien utiliser un ou deux croiseurs fédéral, ainsi que quelques-uns de vos blackhornet furtifs.

       –Faites, ainsi nous verrons bien une transition se faire, commandant.

       –Le croiseur Atlas a survécu à la guerre et finit ses réparations sur la station Béotos, comme vous le savez. Evidemment, je compte sur votre signature pour m’autoriser à le passer sous commandement intégré à une flotte sidonienne.

       –Quelle sera la nature de l’équipage ? Demanda-t-elle.

       –Il sera composé d’humains et de sidoniens, je compte l’intégrer à une de mes flottes pour stopper l’incontrôlable septième. Je pense que de les voir affronter le nouveau visage de votre race, de nos nouveaux rapports post-guerre, ainsi que le fait d’affronter leurs anciens frères d’armes. Cela les feront sûrement réagir et les rendront plus faibles pour qu’ils se rendent ou se laisse tuer.

       –Je retrouve bien là le côté cynique sidonien. Commandant suprême Stanislas, je signerai votre demande d’autorisation pour la réquisition de l’Atlas et d’hommes de l’armée fédérale. La plupart de nos militaires sont loyaux et obéiront à la volonté du gouvernement de se joindre à vos forces. Cependant, ils ne sont que de modestes hommes alors sachez que je ne me porte pas garante de leurs résultats.

       –Je choisirai les plus faibles et je leur ferai payer s’ils désobéissent.

       –Commandant Stanislas, je pense bien que cela fait longtemps que vous avez perdu le cœur de savoir ce que les êtres dénués de logiques purs et bruts tels que nous, sommes capables de faire. 

       Cette réplique lâché par Claire pour conclure, qui s’était retournée vers la vue du haut de sa tour ne laissa guère Stanislas de marbre. Le chef suprême de la flotte impériale sidonienne avait souhaité garder Swan à son poste, contrairement aux autres postes clefs du gouvernement qui avaient étés remplacés. Sans savoir pourquoi, Stanislas apprécia la nature désinvolte de Swan, plutôt que de n’importe quel autre membre de l’ancien gouvernement. Il trouva les autres mous et jetables mais pas elle, sans doute ignorait-il son véritable vécu et âge. Elle avait tendance à l’intriguer, cela était profitable à Swan. En effet, ce doute qu’il avait d’elle, lui permit de se maintenir à son poste. Elle pouvait alors  continuer à faire ce dont elle œuvra à faire depuis toujours.

       Pendant ce temps-là, les informations officielles diffusaient la nouvelle que les protestataires du nouveau gouvernement fédéral. C’est-à-dire trente-cinq mille personnes avaient été exécutées car ils nuisaient à la paix retrouvée. Sans doute afin de dissuader toute nouvelle forme de rébellion d’autrui.

       On ne parla guère de la septième flotte, si ce n’est qu’elle était portée disparue depuis bien avant la guerre. Les exploits qu’ont vécus Nathan et les siens restèrent confinés qu’à eux-mêmes.

       Cependant les médias –comme toujours- avaient l’art de se prostituer pour déplacer le centre de l’attention publique sur des sujets pour lesquelles ils gagnaient à en parler. Des sujets étaient abordés ou oubliés en fonction de ce qui arrangeait une infime partie de la population dirigeante. Ainsi depuis la fin de la guerre, on parlait beaucoup du processus de bio-mécanisation, phénomène s’étant accentué. Mais aussi de l’intérêt des puces identitaires et géo localisatrices afin de mettre fin aux actes illégaux d’insurgés qui nuisirent à toute la société. Les médias, opium premier du peuple parlaient aussi de la fin d’un grand chômage de masse et du fait qu’on trouve enfin à tous des occupations bien au-delà de l’ennuyeux revenu minimum universel de subsistance.

       Malgré tout, leur cheval de bataille depuis bientôt dix années avec toutes les provinces du monde, resta d’essayer de donner l’envie aux citoyens d’enfanter. Un savant mélange d’avantages fiscaux et de matraquages médiatiques.

       La vie sur les deux mondes humains avaient bien changé, le gouvernement fédérale fut sous tutelle sidonienne et renouvelé selon ses besoins. L’armée d’occupation sidonienne terrestre ne comportait pas énormément d’effectifs sidoniens. Les patrouilles, la surveillance ainsi que le maintien de l’ordre se faisait à l’aide de robots humanoïdes, soutenus par de puissantes machines de guerre automatisées. Ils avaient l’intelligence de faire ce qui été demandé et ils étaient commandés par un soldat sidonien, jamais loin. Cependant, une résistance discrète s’était organisée contre l’occupant, les projets de sidoniens étant de plus en plus compréhensibles par les citoyens les plus clairvoyants.

       Pendant ce temps-là, dans les confins de la galaxie d’Andromède, la septième flotte navigua toujours entre les étoiles. L’amiral Nash, Le commandant Powell, le Capitaine Pallas, leurs seconds ainsi que les chefs d’escadrilles discutaient ensemble dans la salle tactique du Bellérophon, le docteur Keller était aussi de la réunion.

       La flotte, guidée par le Lazare avait pris le chemin de Sidonie, le monde originel de leurs ennemis. Les humains n’ont jamais pu connaître son emplacement, toujours tenu secret par les sidoniens. Les hommes ne connaissaient uniquement que leur base avancée appelée la Verrière, mais la cible n’intéressait pas Nathan. Trop bien protégée et inintéressante, si ce n’est que pour troubler leur logistique, puisque énormément de leurs transports transitaient par ce monde glacée.

       Nash était plus intéressé de pouvoir connaitre son ennemi d’avantage, sur ses terres mais surtout afin de lui rendre châtiment. Nathan était très curieux et posa beaucoup de questions au capitaine Pallas. A savoir par exemple s’il s’était déjà montré sur place récemment, faisant comprendre aux sidoniens qu’il connaissait ce monde. Pallas assura ne s’être jamais fait remarquer dans leur monde, il répondit connaitre l’emplacement sur une carte en suivant l’appel d’âmes damnés et piégées.

       Nathan lui fit comprendre avoir du mal avec ses métaphores et Pallas lui répondit comme toujours à son aise, que tout le monde n’avait pas la même perception de l’univers. L’amiral comprit et se tût, il avait confiance en Pallas depuis qu’ils se sont trouvés sur Gaia, pas par le fruit du hasard. Il savait que Pallas guidera la flotte et l’aidera jusqu’à ce que sa mission s’achève, alors ils étaient sur la bonne voie. Les sidoniens venaient vraiment d’un lieu bien éloigné des galaxies d’Andromède et de la Voie lactée, il faudrait presque deux années et un tanker supplémentaire pour y aller en succession de sauts.  Mais la qualité exceptionnelle du minerai de l’ethériumprovenant du satellite de Gaia permettrait de faire ce voyage à en peine trois mois d’après Pallas.

       Désormais, la flotte pouvait surconsommer les réserves de carburant sans avoir à faire souvent de longues manœuvres de pleins et de maintenance. L’équipage du commandant Logan de l’Eureka Nine avait été réduit, ayant moins de travail dans la conversion du minerai. La septième peut sans aucun doute assurer ce voyage vers cet endroit méconnu de l’espace.

       Ce n’était pas une première pour les hommes et femmes de la flotte de naviguer vers l’inconnu. Une fois cette question réglée, un autre sujet houleux fit débattre les dirigeants. La décision qu’eu Nathan d’enclencher l’Aegis, le sacrifice de sa fille et des trente mille prisonniers politiques exécutés, arguant le fait que les sidoniens n’étaient pas humains. Alors il donna la parole au docteur Keller, qui lui avait déjà sauvé la mise grâce à ses travaux. Elle prit la parole et expliqua que les sidoniens étaient entièrement robotisés et mécanisés. Ils étaient doués d’intelligence comme les humains mais qu’ils étaient des machines d’alliages d’acier, de composites, recouverts de peau synthétique tels que les hommes.

       –En quoi cela vous a-t-il donné le droit de refuser la reddition ? Demanda Miller.

       –Nous ne pouvons laisser notre espèce aux mains de machines, l’humanité a déjà failli le faire. Un rapport déclassifié historique était arrivé sur mon bureau il y a longtemps. Il disait qu’à la fin du 21ème siècle, l’humanité était sur le point de disparaitre, faute de ressources énergétiques pour les êtres organiques. Alors les entreprises de l’informatique et les anciennes nations occidentales cherchèrent à perpétuer la vie à tout prix. Ils voulurent que l’héritage de l’humanité soit l’intelligence artificielle robotisée, consommant moins d’énergie, ayant moins de besoins vitaux. La donne put changer quand les hommes ont découvert l’ethérium sur Mars, permettant l’exploration spatiale, découvrant Terra Nova. Le problème des artificielles, c’est qu’elles n’ont pas le sens de la vie et de l’existence.

       –C’est la mort qui donne un sens à la vie, reprit Pallas.

       –Peut-être serait-il temps de laisser la main. Ils veulent peut-être nous remettre dans une voie qui nous fera évoluer. Il faut admettre que les machines ne se soucient guère des problèmes humains. Elles se fichent de l’argent, du pouvoir, elles ne sont ni dominantes, ni orgueilleuses ni quoique ce soit de malsain qu’on retrouve chez nous, répondit le capitaine Miller.

       –Ce sont aussi là leurs faiblesses, ils répondent à des lois mathématiques, à un environnement strict et conditionné. Ils sont rigides, sans prendre en considération les sentiments, le cœur même de l’âme des êtres vivants. Et je ne vous parle pas de la diversité des individus inexistante, c’est un truc que j’ai toujours remarqué chez les sidoniens, ce sont des photocopies, lui répondit Powell.

       –Et votre fille ? Demanda Da Silva.

       –Elle est morte depuis longtemps, répondit Nash.

       –En êtes-vous sûr ? Ce pas parce qu’elle n’a pas su répondre à votre question…

       –Elle savait la réponse, j’en avais rediscuté avec elle avant mon départ. Je sais que jamais elle n’aurait pu oublier. Ils se servent de nos données personnelles pour retracer nos vies et créer ce genre de scénarios absurdes et abjects. Elle est morte à Paris avec sa mère, l’attaque est survenue en période de travail en semaine. Il n’y avait aucune raison pour qu’elle soit absente. Cela fait longtemps que j’ai perdu espoir de les revoir, Major.

       –Il ne faut jamais perdre espoir quand on tient à quelque chose, insista le capitaine Pallas. Nathan releva les yeux vers lui sans dire mot.

       –Comment sont morts les soldats sidoniens ? Demanda Powell.

       –Question pertinente et je n’ai pas tous les éléments de réponses. Il semblerait qu’ils se soient éteints en quelque sorte, il n’y a aucun dégât physique sur eux. Je devrai demander au lieutenant Luciano de m’aider, je sais qu’il est doué en informatique.

       Le débat toucha à sa fin et les dirigeants s’étaient mis d’accord sur le fait que les hommes devaient garder la maîtrise de leur destin quoiqu’il arrive. L’histoire a montré qu’exister sous occupation étrangère se finit rarement bien.

       Concernant le plan militaire, la victoire totale sur l’ennemi n’était pas certaine mais il fallait tenter le coup, Pallas aida bien en cela. Il fallait les avoir à l’usure et au compte-goutte disait-il. Ils se mirent d’accord sur le fait qu’il fallait improviser une fois arrivé sur Sidonie, chose pour laquelle Pallas dit qu’il fallait passer.

       Le major Da Silva, influente au sein de la flotte, comprit la position justifiée de Nathan. Elle sut qu’elle aurait à calmer les tensions qu’elle avait provoquées au sien de la flotte. C’était aussi la raison pour laquelle, Nathan et Powell la fit pas enfermer.

       Ainsi le voyage long de trois mois vers Sidonie se fit dans une entente cordiale entre tous. Les équipages étaient un peu tristes de s’éloigner de leurs maisons à nouveau. La perte récente de proches qu’elle soit vraie ou fausse, l’isolement, l’attaque atomique d’il y a un an. Cela fit beaucoup de doutes qui subsistaient et certains croyaient encore qu’il valait mieux rentrer sauver ce qui peut l’être. D’autres encore, pensaient qu’il valait mieux avancer et passer à autre chose, pour servir son serment de protéger les hommes de la Terre et les générations futures, quoiqu’il en soit.

       2235 arriva, voilà deux mois que la flotte progressa vers Sidonie et une nouvelle année commença. Faire partie de la septième était stressant et surprenant, personne ne savait l’avenir, car il pouvait changer du jour au lendemain.

       Nathan fit ses vœux à la flotte comme le veut la tradition et ses hommes retrouvèrent un peu le cœur à faire la fête pour oublier la guerre. Ils profitèrent de la magnifique salle de réception du Bellérophon, d’être ensemble, de discuter, de danser. Comme d’habitude les hauts officiers buvaient ensemble en philosophant. Miller réconforta de ses bras Lydia et passèrent leurs temps ensemble à échanger des gestes et des regards sur la piste de danse. Ainsi ils finiront par partager la même couche, comme beaucoup d’autres. Nathan savait bien ce genre de choses, interdits par le règlement mais il fermait les yeux comme d’habitude.

       Les jours se suivirent et se succédèrent calmement. Un jour, le Lazare entra en contact avec l’amiral pour signaler que Sidonie était proche mais qu’il était préférable de ne pas avancer plus pour éviter d’être repérés. Nash informa toute la flotte de l’arrivée imminente vers Sidonie.

       Il ordonna alors une mission d’exploration et d’espionnage à l’aide d’appareils furtifs. Les petits vaisseaux, dont l’un était piloté par Miller sortirent du pont d’envol du Bellérophon et sautèrent aussitôt pour se rendre à proximité de Sidonie afin faire des relevés en discrétion. Miller pilotait la mission et connaissait son rôle, il fallait s’approcher le plus discrètement possible et envoyer un drone furtif faire le tour de l’orbite de Sidonie afin de sonder leurs puissance militaire défensive. Seuls les blackhornets pouvaient avancer ainsi, le vulture devait rester loin pour récupérer des données importantes en cas de problèmes. La flotte était toujours en alerte et attendit le rapport de sondage du chef d’escadrille. Cela pouvait prendre du temps et ainsi la flotte attendit avec impatience pendant près de deux heures que ses espions reviennent. Les trois vaisseaux légers firent leurs rapports et une réunion des chefs de la flotte eut de nouveau lieu dans la salle des opérations de l’Andrasta cette fois-ci. Il était l’heure des bilans et des relevés. Ainsi Miller commença son speech :

       –Les sidoniens vivent sur des planètes jumelles qui sont glacées, en effet leur système planétaire dispose que d’une étoile naine. Il y a encore de l’activité sur l’une des planètes, cela est certain car des tankers vont et viennent, on dirait qu’ils passent leurs temps à exporter du matériel.

       –S’ils arrivent à exister sur un monde glacé, cela explique pourquoi ils sont machines, aucun être vivant ne pourrait survivre là-bas, comprit Powell.

       –Même pour des êtres mécanisés, les basses températures ne doivent pas être évidentes, répondit Da Silva.

       –Quoiqu’il en soit l’un des mondes semble protégé et l’autre abandonné et sans activité comme je le disais. Ainsi le premier monde sidonien dispose d’une grande station orbitale, un peu comme nos Eole et Béotos. Pour les vaisseaux sur place, nous avons compté les patrouilles. Deux croiseurs, l’un amarré à leur station, l’un est en navigation et trois autres frégates en supplément. On ignore s’il y a plus de forces ennemies dans un secteur plus ou moins proche. Mais nous continuerons de sonder plusieurs jours pour connaitre leurs habitudes, reprit Miller.

       –Nous avons du temps, je veux tout savoir sur leurs capacités défensives, répondit Nash.

       Ainsi, les hommes de la septième prirent le temps d’examiner leur cible, Sidonie. Pendant presque un mois la flotte resta en attente afin d’espionner les habitudes de l’ennemi. Nathan, Powell et Miller remarquèrent qu’ils étaient réglés comme une horloge suisse. Ils faisaient sans cesses les mêmes mouvements perpétuels, y compris les tankers qui venaient et quittaient la planète.

       Ils y virent tous plus clair, alors les grands chefs de guerre se réunissaient encore et mirent au point leur plan de bataille. Il fallait passer à l’attaque, la cible et ses moyens de défense semblaient faciles à combattre. Le plan de guerre établi était classique, il fallait toujours compter sur l’effet de surprise. Les humains avaient cet avantage car jamais aucun d’entre eux n’avait pu connaitre l’emplacement de Sidonie. Toutes les forces sidoniennes étaient absentes, elles devaient chercher après eux dans la galaxie d’Andromède. Ils devraient remettre des mois à revenir sur ce monde quand ils comprendront que la septième l’attaque.

       La septième flotte, Bellérophon en tête se mit en branle-bas de combat, en condition trois. Tout le monde était à son poste de combat et Nathan ordonna de charger l’Aegis. Il fit mettre en position des blackhornets sur la future zone de combat. Le puissant canon du vaisseau amiral était en train de se charger quand Nathan ordonna à la flotte de sauter sur l’orbite du monde sidonien.

       Les trois portails se formaient côte à côte, les sidoniens le remarquèrent aussitôt et réunissaient leurs patrouilles qui étaient autour de leur planète mère afin de former une flotte de quatre vaisseaux.

       Les blackhornets réagissaient aussitôt et les torpilles qu’ils lancèrent partirent droit en direction des moteurs arrière des vaisseaux. Ainsi Nathan et Miller constatèrent, pour leur plus grand bonheur que les vaisseaux sidoniens n’étaient pas préparés contrairement à ceux de la galaxie d’Andromède. Ils n’avaient pas défendus leurs poupes et ils furent complètement démolis, seul  le croiseur s’était bien défendu et perdit peu de sa mobilité.          Les blackhornets avaient réussi leurs missions. Nathan décela la faille de l’ennemi, ils n’avaient pas préparé leur flotte défensive de Sidonie. Alors que les flottes d’Andromède s’adaptaient à chaque combat.

       Ainsi, au même moment la puissance de feu dévastatrice du Bellérophon fut libérée sous l’ordre de l’amiral et poursuivit sa course sur les frégates handicapées. Le croiseur amiral sidonien prenait la fuite dans un ultime saut, il était le plus éloigné mais la priorité était les cibles les plus proches. Le feu de Bellérophon transperça une frégate puis une autre, faiblissant, il se dirigea in extrémis vers la troisième. Toutes finirent par exploser coupés en deux, détruites par cette puissante arme.

       Les deux derniers vaisseaux sidoniens purent fuir. Cela était regrettable car Nathan craignit que l’ennemi appel des renforts proches. La septième flotte se mit à encercler la station spatiale orbitale et à tourner autour en tirant. Cette dernière se défendait comme elle le pouvait avec ses tourelles de défense fixes. L’amiral voulait empêcher le croiseur stationné de démarrer. Il voulut aussi aveugler les sidoniens de leur moyen de défense entre la planète et l’espace. Le croiseur stationné avait allumé les gaz et était bien défendu par la station et une multitude chasseurs.

       Il voulut décoller mais le capitaine Pallas perdit patience et arrêta de tourner afin de jeter le nez de son vaisseau droit au milieu du  croiseur sidonien. Le Lazare fit route sur sa cible sous un feu ennemi nourri en provenance de toutes leurs batteries. La proue du Lazare transperça le croiseur stationné et finit sa course dans le ventre de la station orbitale. Le vaisseau pirate était si solide que le croiseur sidonien se déchira en deux, se disloquant en deux morceaux de feu. Les tourelles du Lazare ne cessèrent jamais le feu et décomposèrent en lambeaux d’aciers la station orbitale dans laquelle il s’était fourré.

       Pour Nathan, la défense sidonienne était trop facile à vaincre car il n’y avait plus aucune résistance pour protéger leur maison. Alors qu’ils étaient capables de faire mieux en termes de puissance et de stratégie, surtout pour s’adapter tactiquement contre lui.

       Les trois vaisseaux ne cessèrent jamais d’ouvrir le feu, ainsi la station de défense orbitale, affaiblie et peu en mesure de se mouvoir fut complètement anéantie. Le feu l’envahissait peu à peu et la consomma de l’intérieur. Le Lazare ne bougea pas, puis il s’avança dans les débris et dans l’aveuglement de l’explosion, sortant victorieux.

       La défense ennemie de leur monde originelle avait été vaincue si facilement. L’amiral prit un risque et donna ses ordres, il fit dispatcher les trois vaisseaux de la flotte afin de mieux cartographier le monde ennemi. Cependant, il la rendit plus vulnérable à un éventuel et fort probable retour des sidoniens. Le lieutenant Luciano fit envoyer ses drones pour cartographier la planète. Nathan lui demanda de faire vite :

       –Luciano, il faut que je sache où se trouve les grandes villes sidoniennes dans l’immédiat, faites aussi vite que possible. Lieutenant Peters, retournez le vaisseau pour mettre les lanceurs face aux terres ennemis. Lieutenant Olsen, libérez les tubes de lancement et armez les ogives nucléaires. Major, entrez votre code d’armement des têtes nucléaires. 

       Le major Da Silva, officier en second, entra son code pour autoriser la mise à feu des armes nucléaires du Bellérophon. Elle releva la tête et fixa Nathan :

       –Nous ne savons pas encore ce que nous allons découvrir en bas. Cependant, vous vous doutez bien que nous ne vaudrons pas mieux qu’eux si on leur fait subir un génocide.

       –Major, ils ont exécuté trente-cinq mille personnes. Il est vrai que nous avons souvent eu des désaccords mais croyez-moi que si le capitaine Pallas nous a amené ici pour détruire, c’est qu’il y a de bonnes raisons, répondit l’amiral. 

       –Amiral, faire plus de victimes a toujours été une excuse pour stopper une guerre. Mais ça ne fait toujours plus dans l’horreur de la surenchère.

       –Les sidoniens ne se sont pas posés ce genre de questions avant de tuer nos familles et d’avoir pris en otage les survivants. D’ailleurs, votre nièce était sur la liste, major, reprit Luciano.

       –Je suis navré, major mais je crois vraiment que cette tâche ingrate nous incombe.

       Piquée au vif, Lydia baissa les yeux et ne répondit pas. Elle entra son code des armes sur la table tactique. Les trois vaisseaux de guerre se mirent la tête à l’envers, les tubes des ogives face à la planète Sidonie. Les trappes blindées des ogives nucléaires s’ouvrirent et ces dernières étaient prêtes, en attente de l’ordre de tir pour libérer les rampes de lancement. La passerelle n’attendait plus que les relevés des chefs d’escadrilles et de leurs drones dont les informations étaient centralisés par les officiers cartographes. C’était l’affaire de quelques minutes pour faire le nécessaire, mais séparer la flotte était vulnérable. Tous attendaient impatiemment les relevés préliminaires pour se positionner sur leurs zones cibles.

Miller reprit la parole :

       –BH-77 à passerelle, relevés cartographiques des drones terminés.

       –Traitement des relevés en cours, poursuivit Luciano.

       –Calcul des trajets de la flotte pour zones de bombardements en progression, releva le lieutenant Peters.

       –Flottes en position, ordonna Nash.

Ainsi, les trois vaisseaux commençaient à se mouvoir sur les zones de bombardements pré-calculées.

       Quand soudain un portail sidonien fit son apparition proche du Bellérophon. Il s’agissait du croiseur amiral qu’ils venaient de combattre et qui avait pris la fuite. Il pointa à peine le bout de nez que les tourelles du Bellérophon étaient pointées sur lui et ouvraient le feu. Il encaissa et finit son saut, Nathan ordonna de charger l’Aegis. Le croiseur amiral sidonien ne réagissait pas comme les vaisseaux ennemis habituels. Il poursuivit inlassablement sa route sous le feu du Bellérophon et n’engagea pas le combat de manière conventionnel. Le croiseur sidonien faisait comme le Lazare, il prenait le chemin le plus court pour foncer droit sur le Bellérophon. Nathan compris que pour une fois, un commandant sidonien face à lui avait le courage de faire quelque chose qui n’était pas dans leurs mœurs de guerre. C’était d’autant plus étonnant puisque visiblement, ils ne connaissaient pas les tactiques offensives de sa flotte pratiquées depuis des mois dans Andromède. Tactiques que tous les sidoniens avaient plus ou moins appris à se préparer pour s’en défendre, mais pas eux. Aussitôt, Nathan comprit l’étonnante manœuvre suicidaire.

       –Lieutenant Peters, allumez les gaz et préparez à partir à mon signal. Luciano ! Nous allons nous décaler par rapport à la cible prévue initialement. Olsen ! Ne le lâcher pas ! Hurla l’amiral.

       Le croiseur sidonien amiral désormais en proie aux flammes, se refusant d’esquiver sous les tirs du Bellérophon. Il poursuivit sa route sans relâche vers le vaisseau humain à son envers. Au moment de son ultime approche suicidaire, le bâtiment de guerre sidonien mit les gaz. Une tactique funeste classique pour les officiers terriens tels que Meyer eut à faire.

       Nathan ordonna au même moment ou Peters pensa le faire, la manœuvre pour esquiver le croiseur ennemi qui ne fit que passer. Ainsi la tour de la passerelle du vaisseau sidonien passa juste au-dessus de celle du Bellérophon en opposition. Pour les deux équipages, ils n’avaient plus qu’à lever la tête pour se voir mutuellement, ce qu’ils firent instinctivement les uns et les autres. Les deux équipages ennemis levèrent les yeux et se regardèrent mutuellement, les deux officiers commandants ne se lâchèrent pas du regard. L’Aegis était chargé et prêt à tirer, alors le vaisseau sidonien en flamme dut fuir et entama un bon spatial. Il était très endommagé, cette rencontre étrange ne laissa pas la passerelle du Bellérophon indifférente. Pallas dit à Nathan à l’oreillette :

       –Il vaut mieux ne pas faire feu, amiral. 

       Pendant que le vaisseau sidonien fuit en faisant son saut au-dessus de leurs yeux. Nul n’ordonna la mise à feu de l’Aegis, qui alla dans le vide droit devant laissant ainsi fuir le croiseur sidonien qui disparut des écrans radar.

       Quelques instants après, le Bellérophon se remit en place au-dessus de la stratosphère de ce qui semblerait être une grande métropole du monde sidonien. L’amiral, avant de pouvoir se venger des sidoniens, resta intrigué des propos du major. Peut-être avait-elle raison. Il ne s’agissait pas uniquement d’appuyer sur un bouton afin de réaliser un score mortel afin de détruire celui des sidoniens qui avaient bombardé leurs mondes. Il pouvait s’agir de vies qui étaient menées simplement, qui ignoraient, refusaient de se soucier par dépit des agissements de leur gouvernement impérial. D’un gouvernement qui ne pense qu’à se vendre pour nourrir le pouvoir d’une minorité cynique et insatiable, tels que les humains l’ont fait et le feront toujours.

       Nathan pensa déjà que comme toujours, ça allait être les plus faibles qui paieraient le tribut. Il en était hors de question, Nathan avait juré de servir, de protéger et d’obéir. Il avait déjà désobéi à plusieurs reprises mais il ne pensait pas pouvoir servir et protéger ses mondes s’il anéantissait des vies innocentes comme son ennemi l’eut fait. Alors l’amiral mit en attente la mise à feu nucléaire et ordonna à Miller.

       –Capitaine Miller, pénétrez le seuil stratosphérique de la métropole survolée, envoyez véhicule d’observation et d’espionnage terrestre. Terminé. 

       Ainsi, un petit drone volant et roulant fut chargé dans un tube-torpille. L’équipage du hangar la plaça dans le tube de lancement d’un vulture. Il était préférable de procéder ainsi, Nathan craignant que ses hommes soient abattus par des défenses fixes s’ils s’approchèrent trop.

       Le vulture piloté par Miller quitta le pont d’envol du Bellérophon et s’approcha de la métropole glacée sidonienne. Il lança la torpille-tube qui se dirigea à toute vitesse en direction de la métropole sidonienne. Elle ne fut pas interceptée par une quelconque défense. Miller largua également le drone d’observation qui une fois au-dessus, transmettant aussitôt en direct les premières images sur les grands écrans des passerelles de la flotte.

       Tous les hommes étaient mus de découvrir ce monde, toujours gardé secret. Les humains allaient enfin découvrir plus de choses sur les sidoniens. Pallas n’en avait rien à faire, il se mit en attente. La torpille-tube atteignit le sol de glace pour se planter dedans à quelques centaines de mètres de la ville. Après quoi elle put s’ouvrir en deux morceaux et libéra le véhicule automne d’observation radiocommandé par Luciano.

       Les hommes avaient vu sur l’une des plus grandes villes sidonienne d’après les relèves cartographiques. Les premières images et les relevés satellites du suivi depuis le drone coupa le souffle des hommes. Tout était parfaitement bien aligné, les voies de circulation, le découpage des quartiers, tout était parfait. Comme s’il avait décidé de fabriquer machinalement leur monde sans imperfections. Alors que l’imperfection fait partie de la nature même de la genèse de l’être vivant.

       Luciano démarra le robot au sol qui déplia ses hélices afin de se mettre en vol pour prendre un peu de hauteur afin de s’approcher de la ville. Il y avait quelque chose d’encore plus frappant que Powell fit remarquer aussitôt. Il y avait des routes mais pas de voitures, des trottoirs mais pas de passants des structures habitables mais pas de lumières. Lydia suggéra alors à tous les explorateurs qu’à cause du froid, les sidoniens vivaient peut-être enfermés et que les bâtiments étaient connectés par un réseau de tunnel. C’était une idée pertinente.

       –Mais ce sont des machines, ils pourraient survivre, suggéra Luciano.

       –Peut-être pas à ses températures si basses, répondit le major.

Le drone continua à survoler tranquillement une ville vide et sans vie, sans être intercepté. Il offrit toujours un large panorama d’une grande métropole fantôme. Le robot volant montra une vue plus détaillée et proche que le drone. Il n’y avait tristement rien, rien à voir, rien à faire.

       Powell suggéra que la défaite de la défense orbitale sidonienne avait alerté la population et que c’était peut-être pour cela que l’on ne vit personne. Ils se devaient alors d’avoir des plans d’urgences très rigoureux et bien respectés. Il ne pouvait pas y avoir de végétaux ni d’êtres vivants sur ce monde glacé aux températures extrêmes sans chaleur ni lumière. C’était ce que cet endroit démontra, le vide sans la lumière.

       Soudain, le drone marqua en cible un mouvement et se dirigea droit dessus. Il s’agissait d’une grande réserve d’animaux, des espèces propres à leurs mondes qui vivaient là, enfermés. Cela devait être un zoo sans visiteurs, ces animaux n’émanaient aucune chaleur thermique et ne semblaient ni avoir un comportement domestique, ni sauvage mais plutôt machinales. L’une des bêtes était au sol, à ce moment là tout le monde comprit. Les animaux étaient aussi machines et ils étaient entretenus par d’autres machines qui firent une maintenance automatisée. Cependant, on avait plutôt l’impression que cette étrange machine-bête se faisait dépouiller de pièces détachées par ses homologues. On ignorait si un sidonien était au bout de la chaine.

       En tout cas, personne ne remarqua encore l’intrusion du drone humain. Même si ce monde était absent de personnes, il sembla toujours fonctionner ainsi. Il remarqua que les relevés de sources énergétiques étaient toujours viables et très actifs. Alors il ordonna à Luciano d’y diriger le robot, en périphérie de la ville.

       Le robot des hommes croisa un petit aéronef automatisé qui poursuivi son chemin et qui alla vers cette endroit. C’était un grand bâtiment, et en s’approchant on remarqua des aéronefs qui ne faisaient qu’entrer et sortir de sa multitude de conduits. Luciano fit pénétrait son robot volant par l’un des nombreux conduits d’entrées situé dans le bâtiment, puisque de toute façon rien n’attaqua son appareil d’espionnage.

       Les aéronefs entrant se dispatchaient ici et là dans les conduits, Luciano en suivit un au hasard. Il déposa de la matière première et repartit aussitôt, sans attendre la moindre seconde, le dépôt fut avalé par une autre machine qui allait en faire quelque chose. Il s’agissait là de déchets de métaux variés, en suivant la chaine de production, tout était trié, dispatché. Une fois une certaine quantité atteinte, l’outil de production relança le recyclage de ses matières premières. Il était intéressant de voir comment fonctionna cette usine entièrement automatisée, les machines savaient adapter l’outil de production par rapport à la demande.

       Ainsi, en voyageant dans cette grande usine, les hommes découvrirent que des machines en démontèrent d’autres afin d’en monter des nouvelles pour augmenter ou réduire la production afin de l’optimiser. Ils semblaient surtout fabriquer et convertir beaucoup de machines pour augmenter l’outillage de production.

       Tous les hommes étaient stupéfiés mais à la fois terrifiés du génie sidonien. Le robot humain suivi la production jusqu’en bout de chaîne. Nathan voulait absolument savoir ce qu’il leur était indispensable de produire au-delà de l’entretien de leur monde-robot et de leurs armées.

       Ainsi, tous voyaient enfin la réponse à l’écran, les sidoniens se produisaient eux-mêmes. Il s’agissait de pièces détachées de machines humanoïdes. Elles étaient ensuite toutes chargées et transportées, le robot des hommes suivit la livraison. Elles étaient disposées plus loin vers un aérodrome afin d’être entreposées, puis expédiées en tanker.

       Le docteur Keller n’arrivait pas à croire que la population sidonienne robotique pouvait croitre ainsi. Les pièces étaient prêtes à être utilisées, il ne manquait plus qu’à y injecter une forme d’intelligence artificielle, de l’assembler pour avoir un sidonien.

       –Pourquoi ne pas l’assembler directement sur place ? Ils semblent être du genre à ne pas perdre de temps, se demanda Nathan.

       –Peut-être pour le voyage ou le transport car c’est plus facile. En tout cas, ils cherchent à faire croitre leur population et surement leur armée, s’exclama le major.

       –Cela n’a pas de sens, ils ne leur restent plus que nous comme ennemis dans l’univers. Ils ont le contrôle de nos mondes, pourquoi vouloir agrandir leurs armées, non je ne pense pas que ce soit cela, répondit Nathan.

       –Ils ont peut-être d’autres ennemis que nous ignorons. Il  leur faut surement de la main d’œuvre qui nous ressemble pour mieux contrôler nos mondes.

       –En tout cas, cette place est mal défendue, voir délaissée. S’il y a un cerveau derrière tout cela, sa forteresse n’est pas ici, reprit Nash.

       L’amiral voulut savoir s’il y avait un mode de vie de la population sidonienne. Alors il fit retourner le robot en ville. Le robot espion volant avança péniblement dans la tempête de neige. Nathan le fit arrêter face un immeuble entièrement givré ressemblant à n’importe lequel d’autre. Luciano fit avancer la machine à la recherche d’une entrée, il y en avait une au sol. C’était une porte en acier verrouillée, le lieutenant passa le robot espion en mode terrestre. Puis il déploya son chalumeau afin de découper la porte en acier, cela ne fut pas un problème. Le robot espion pu entrer dans le bâtiment, il fit sombre et l’intérieur était très austère mais bien entretenu. On y vit dans le sas d’entrée un robot ménager encore en service mais inoffensif. C’est dans cet immeuble à la décoration minimaliste que le robot espion progressa, les lieux semblaient n’avoir jamais été abandonnés même s’il n’y avait guère de vie.  

       Nathan fit arrêter le robot face à une porte quelconque, car elles se ressemblaient toutes. Le robot espion commença à découper la porte, quand cela fut terminé il entra dans la pièce. Il s’agissait d’un petit appartement plongé dans le noir mais proprement tenu. Il y avait une vitre donnant sur l’extérieur morne de ce monde, toujours avec cette tempête hivernale éternelle.

       La caméra du robot espion fit le tour de la pièce, il y avait peu d’affaires personnelles  toutefois il y avait une veille photo composée de trois personnes, un homme, une femme et un enfant. Il y avait quelques habits mais il n’y avait plus rien en choses utilitaires. Les robots d’aides avaient tout remplacé, visiblement il n’y avait que le strict minimum pour vivre et se distraire.

       Il y avait ce coffrage, un peu à part, comme si cela était un objet sacré. Il avait taille humaine et on se doutait bien de ce qu’il pouvait y avoir dedans. Cependant, Nathan voulut en avoir le cœur net. Il s’imagina déjà que les sidoniens s’étaient mis en vieille puis mis en pièce en attendant de conquérir les mondes humains.

       Luciano mit son robot en mode araignée et ce dernier escalada le sarcophage afin de chercher à l’ouvrir. Il n’y avait aucune ouverture extérieure, alors Luciano utilisa le chalumeau du robot sur les charnières afin de les découper. Puis le robot fit levier afin d’en ouvrir le couvercle, caméra pointer vers l’intérieur.

       Il y avait un sidonien civil à l’intérieur, en sommeil. L’intérieur du sarcophage était blanc et lumineux. Une fois que le couvercle fut séparé de son support et tomba à terre, cette lumière s’éteignit. Le sidonien à l’intérieur ouvrit les yeux brutalement. Il tourna sa tête à droite et à gauche, il vit le robot et le poussa. Le robot se redressa ainsi que le sidonien, ce dernier était paniqué et sortit de son sarcophage. Il en fit plusieurs fois le tour puis il constata rapidement qu’il était complètement cassé. Puis sans se préoccupé du robot des hommes, il se précipita vers la fenêtre et regarda la tempête dehors. Il cogna violement sa tête sur la vitre en la fissurant puis il se retourna vers la porte de sortie. En passant, il vit son cadre photo, il le prit très précieusement entre ses mains et le fixa ainsi plusieurs instants.          

       Puis il sortit de son appartement, le robot humain le suivit. Il courut et chercha à entrer dans un autre appartement de l’immeuble. Il courut ainsi dans les couloirs à la recherche d’une autre porte qui lui sembla plus favorable, il s’arrêta enfin face à l’une d’elle. Il put entrer à l’intérieur mais elle était en train d’être vidée, il n’y avait plus le sarcophage. Il donna un coup de pied dans un robot de nettoyage qui ne protesta guère puis il se laissa tomber sur ses genoux en fixant sa photo, désespéré. Pendant que les robots finissent de vider cette pièce.

       Il resta bloqué ainsi, le sidonien hurla de douleur et plongea sa main dans sa carcasse robotique s’infligeant ainsi une profonde entaille. Il s’y arracha quelque chose comme un tuyau dont l’huile de couleur violette s’en réchappa et coula sur le sol. Il était pris d’une profonde souffrance et jamais aucun humain n’avait vu un sidonien ainsi.

       C’était comme s’il voulait pleurer pour exprimer sa douleur mais qu’il n’y parvint pas. Il se releva, il regarda la photo qu’il enleva du cadre afin de la mettre dans sa poche puis il regarda vers la grande baie vitrée.

       Il commença alors à courir vers la fenêtre. Il plongea afin d’y passer son corps tête la première. La vitre se brisa et le sidonien passa au travers, il fit une chute de quelques étages avant de se fracasser la tête sur le sol enneigé.

       Il venait de choisir d’en finir avec son existence. Ce qui venait de se passer était incroyable, tous l’équipage de la septième flotte était bouche bée. Pendant que tout le monde se regardait afin d’essayer de comprendre ce qu’il venait de se passer. Des machines automatisées était déjà en train de faire le ménage, elles étaient en train de réparer la porte du bâtiment et de vider l’appartement de celui qui venait de se suicider dans l’indifférence totale.

       C’était également de petites machines qui virent afin de démanteler le corps du sidonien dans la rue. Les aéronefs de l’usine étaient déjà là pour ramasser les pièces de la dépouille afin de le recycler. Le major demanda un arrêt sur image sur la photo du sidonien venant de mourir sur laquelle on vit bien les trois personnes. En la regardant de plus près, on s’apercevait qu’il faisait jour, il y avait de la verdure, un soleil. Ils étaient souriants, on aurait dit une photo de famille dans ces jours heureux, ils avaient aussi l’air d’être plus vivants que machines.

       Nathan baissa les yeux de l’écran, cela lui fit penser à sa famille, à sa fille. Les sidoniens avaient tenté de la copier, Nathan n’avait pas été dupe par eux à ce sujet. Il savait qu’elle n’aurait jamais pu oublier le soir de son seizième anniversaire. Ce n’était pas les données numériques copiées qui purent apporter une réponse.

       L’amiral commença à s’énerver et il fronça des sourcils en voyant ce sidonien civil mort au sol, nettoyé comme un déchet. Il était l’un des leurs, poussé au suicide pour une raison douteuse mais qui sembla être, comme pour les hommes, l’usure de l’esprit et du cœur.

       Nash regarda ses chefs de guerre à l’intercom et déclara :

       –Ça suffit, j’en ai assez vu comme ça. Ce monde est délaissé, abandonné, automatisé, ces habitants vivent dans des rêves enfermés dans leurs sarcophages. Il n’y a plus de vies sur ce monde mort depuis longtemps. Major, préparez les trajectoires de tirs, déployez les rampes de lancements pour toute la flotte, Lazare y compris.

       –Vous êtes sûr, amiral ? Demanda Powell.

       –Ce sera une délivrance, voyez comment ces gens vivent si l’on peut dire qu’ils vivent, répondit l’amiral. Powell ne répondit rien à cela.

       –Opération de positionnement en cours, reprit le lieutenant Peters en coupant court à la conversation.

       –Rampes de lancements dégagées, têtes armées, reprit le lieutenant Olsen.

       –Flotte armée et prête à faire feu, attendons ordre de tir, amiral, dit le major Da Silva.

L’amiral leva les yeux car il s’apprêta à annihiler des millions de vies endormies. Bien que son être était convaincu de faire le bon choix. Il s’agit là de se prendre pour Dieu, à vouloir supprimer autant d‘existences en si peu de temps. Qui est-il pour décider ce qui doit vivre ou mourir ?  Il reprit son souffle et ordonna l’ordre de bombardement nucléaire.

       –Ordre de tir nucléaire confirmé, reprit Olsen.

       L’horizon de la planète Sidonie était visible depuis la passerelle du Bellérophon qui était à l’envers. Un premier missile quitta la trappe devant la première tourelle, laissant une large trainée blanche et poursuivit inéluctablement son chemin vers la ville visité par le robot humain.

       Une fois ce missile lancé, le Bellérophon se mit en route afin de lancer un autre missile sur une autre position. Tous les autres vaisseaux de la flotte en firent autant afin de couvrir un maximum de zones en un minimum de temps et de la manière la plus efficace qu’il soit dans le seul but de bombarder toutes les cibles de la planète.

       Pendant que le vaisseau amiral bougea, le premier missile nucléaire lancé par le Bellérophon arriva dans le ciel de la plus importante ville sidonienne. Le capot du missile se releva, libérant une multitude de têtes nucléaire qui s’éjectèrent les unes après les autres afin de couvrir plusieurs zones de la ville.

       Le plan étant la destruction totale du monde sidonien, les petites têtes s’éparpillèrent toutes vers différents points de chutes de manière quasi simultanés sur cette cité. Les sidoniens étaient toujours anesthésiés dans leurs sarcophages quand les premières ogives touchèrent le sol. Les puissants souffles de flammes commencèrent à envahir les rues de glace et à tout détruire. Il n’y avait aucune manifestation d’un quelconque vent de panique en bas.

       L’amiral Nash avait ordonné la destruction totale de ce monde. Alors ce monde était désormais en train de se consumer sous les flammes des ogives nucléaires des trois vaisseaux de guerres alliés. Ainsi toutes les villes et tous les lieux stratégiques comme les usines automatisées étaient en train d’être anéanties sans résistance. Plongés dans les rêves éternels au sien même de leurs sarcophages, ils mourraient tous les uns après les autres sans jamais se réveiller ni même sans rendre compte.

       Les sidoniens vivraient dans un autre monde fait d’un sommeil profond que leurs sarcophages semblèrent leur offrir. Le retour à la réalité pour l’un d’eux fut invivable. Leurs machines continuaient leurs travails et tentaient de s’adapter aux lacunes des bombardements jusqu’à la dernière. Sidonie brula, personne ne stoppa l’attaque de la septième flotte qui poursuivit inlassablement son œuvre de destruction autour de ce monde.  

       Ainsi tous les hommes et femmes de la passerelle regardaient le monde sidonien sans défense en train de s’embraser. Ils avaient tous cette incompréhension qui les envahirent, concernant le manque de défenses de Sidonie alors qu’ils ont su conquérir les mondes humains si aisément. Les hommes regardaient les missiles partirent sous leurs yeux afin de détruire ce monde sans vie, sans avenir, figé dans un obscur hiver éternel glacé.

       Les trois vaisseaux alliés avaient terminé leurs bombardements, près des deux tiers du stock nucléaire de la flotte avaient été utilisés. Les dernières explosions finirent inéluctablement leurs travails, ainsi les flammes consumèrent tout.

       La flotte se rassembla et satellite donna ses dernières images d’un ciel d’une couleur chaude rouge sang effrayante. Ainsi, les bombes avaient refaçonnés ce monde en ayant fait fondre la glace au sol. Puis il se remit à neiger sur les flammes de Sidonie, les températures si basses, le vent glacé et le manque de combustible eurent déjà raison des flammes. Petit à petit un épais manteau de blanc recouvrit les décombres de ses anciennes cités. La Sidonie retrouva à nouveau le calme, le chaos purgatoire était déjà fini.

       Nash et ses hommes pensèrent avoir vengé l’humanité de ces morts injustes causés par leur guerre. Ils voulurent s’assurer de ne pas avoir fait une erreur de jugement sur ceux qu’ils tueraient. Il avait désormais le sentiment d’avoir apporté un repos éternel à un monde qui avait perdu sa folle course contre le temps.

       La septième flotte resta en attente quelques instants, il n’y avait eu aucunes représailles, aucun vaisseau de guerre ennemi venu défendre ce monde.

       Tous les soldats de la flotte regardaient, ils étaient silencieux, comme s’ils étaient endeuillés. 

       L’amiral regarda les images de la planète jumelle, il n’y avait plus rien là-bas depuis très longtemps. Seulement des ruines d’anciennes constructions également recouvertes par la neige, ce monde ci avait été abandonné il y a plusieurs siècles. Il ressembla à la Terre du 22ème siècle, avec ses imperfections en urbanismes, ses erreurs architecturales. Ce monde-là ne ressemblait pas à Sidonie, ce n’était pas les mêmes êtres qui avaient peuplés ces deux mondes là.

       Quand Nathan vit ce qu’il était advenu des civilisations dans ce système planétaire, il se dit qu’il avait tout à craindre pour l’avenir de l’espèce humaine entre les mains des sidoniens. Le silence resta toujours maître dans la passerelle. L’amiral Nash le brisa en ordonnant aux trois bâtiments de guerre de faire un bond pour rejoindre l’Eureka Nine afin de retourner errer pour continuer les embuscades.

       Quelques jours plus tard, sur le chemin du retour, le capitaine Pallas vint voir l’amiral dans ses quartiers.

       –Nash.

       –Pallas, répondit-il en levant les yeux.

       –Vous avez pris la décision qu’il fallait prendre.

       –Ce n’est pas vous qui avez eu à la prendre. C’est à moi d’assumer la décision d’un génocide, mais il est vrai qu’après ce que nous avons vu. Ce n’était peut-être pas une si mauvaise chose que de détruire Sidonie.

       –Vous les avez ramenés, dit Pallas avec assurance.

       –Ramenés où ? J’ai toujours eu des discussions remplies de doubles sens que je ne saisis pas toujours avec vous. Cela fait longtemps que je vous fais confiance et que j’ai accepté cette part d’inconnu avec vous autres. Mais mon putain de devoir, c’est de libérer l’humanité.

       –La lumière, amiral. L’humanité, je sais que vous allez la libérer. Nous montrerons ce qu’elle ne doit pas devenir, ne pas faire les même erreurs que les Sidoniens. Sachez que vous avez bien fait, vous les avez délivrés.

       –Votre philosophie me dépasse.

       –Ses sidoniens vivaient endormis dans leurs sarcophages. C’était un sommeil dans un monde de rêves à l’image de leurs désirs, loin du temps et de l’espace. Ses illusions ne sont que tromperie, en se réveillant, ils le ne supportent pas. C’est ça, l’enfer pour une âme, c’est d’être piégé dans ses propres illusions.

       Le capitaine Pallas dit à Nash ce dont il avait besoin d’entendre. Les sidoniens tournaient vite en rond dans leurs enfers. Alors, ils avaient besoin de vampiriser les autres.

       Nathan ne douta pas qu’il prit la bonne décision. Il avait délivré ces gens qui s’étaient perdus et piégés eux-mêmes.

       Puis Pallas sortit de la pièce, Nathan reprit la construction de sa maquette, un bateau trois mâts. La septième flotte traversera ainsi une partie de l’univers pendant trois mois, pour retourner vers Andromède dans l’espoir de libérer les hommes, avec plus de détermination que jamais.