VI – Paradis

Ma Vlast

« Loi immuable de l’univers : Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. »

Antoine Laurent Lavoisier, chimiste économiste et philosophe français du 18ème siècle.


       Nathan se réveilla en sursaut, il comprit qu’il n’était pas dans ses quartiers. Il bougea la tête vers la droite et vit Da Silva, toujours endormie. Il remarqua rapidement qu’il était à l’infirmerie, à bord de l’Andrasta, et qu’il y avait beaucoup de monde. Il se leva et enleva ses perfusions, il ne manqua pas de voir sa blessure au bras. L’infirmière se précipita vers lui pour s’assurer qu’il ne tomba pas.

       Il se rassit, il demanda combien de jours il avait été inconscient. Elle lui répondit quatre, il se releva aussitôt et pris ses affaires pour se changer. L’infirmière téléphona à Powell pour lui dire qu’il était réveillé. Pendant qu’il se changea il remarqua qu’il avait perdu le sens du toucher à son bras droit. L’infirmière dit à Nathan que Powell l’attendait dans ses quartiers, et que le Bellérophon était sous contrôle et aux commandes de Miller. Cela le rassura, la folie de Sting et Hansen était fini. L’amiral marcha jusqu’aux quartiers de Powell :

       –Comment tu te remets Nath ?

       –Ça va, j’ai étrangement pas mal au bras et les médocs me rendent encore un peu groggy.

       –Ils t’ont sacrément amoché, et Keller t’avait drogué pour te requinquer.

       –L’interrogatoire de Sting, reprit-il.

       –En parlant de lui, il est dans une geôle sur ton vaisseau, Miller a bien faillit le tuer m’a-t-on dit. Le règlement t’autorise à le condamner toi-même. Tu te doutes bien que c’est un individu dangereux tant qu’il est vivant.

       –Et son complice ? Mon pilote Hansen ?

       –Il a fini dans l’espace, éjecté depuis la passerelle. Ils doivent être en train de changer tes vitres.

       –Combien de personnes sont mortes, James ?

       Powell se leva et se rendit à son bar, il prit deux verres ainsi qu’une bouteille de whisky, puis posa tout sur son bureau.

       –Presque la moitié de ton équipage est blessé ou mort. Ils étaient une centaine à se rebeller contre toi sur le Bellérophon, une vingtaine d’entre eux est emprisonnée. 

Nathan but son verre cul-sec pour se médicamenter.

       –Tu n’as pas connu de troubles à bord ?

       –Si bien sûr, je les rassure chaque jour sur ce que nous faisons même si tout repose sur toi, mes marines l’ont bien vu. Je pense qu’au fur et mesure que les réserves vont s’évaporer je ne tiendrais plus la situation, j’espère que ton voyage s’achève bientôt et que tu avais raison.

       –Avons-nous bougé ? Ou dévier de la trajectoire ?

       –Non.

       –Alors nous arriverons bientôt, je te laisse James, merci pour le verre.

       Nathan était rassuré, il se retira pour se rendre sur le pont d’envol afin de monter dans un vulture et retourner sur son vaisseau. Les fois où il pouvait voir son vaisseau de l’extérieur étaient rares. Il avait de grosses cicatrices de guerre, sa teinte argentée était parsemée de taches noires.

       Une fois à bord, en se promenant dans les coursives, il remarqua que l’intérieur était meurtri également par une guerre fratricide, impacts de balles, traces de sangs séchées. Mais tout le monde travailla dur à remettre un peu d’ordre et de propreté à tout cela. Le vaisseau était leur maison, ils y vivaient chaque jour. Inutile de voir les traces de la mort partout à l’intérieur.

       L’amiral retourna sur la passerelle, le rideau blindé était abaissé et les vitres étaient en train d’être changées. Tout le monde se retourna, Nathan leur fit le salut militaire et ils le lui rendirent tous. Ils étaient tous un peu émus de se retrouver après un tel carnage. Même s’il manquait toujours le major. Nathan s’avança vers la table tactique, Miller lui rendit sa place et lui fit une synthèse des différents rapports de bords. Bellérophon compte presque cinq cent âmes, deux cent cinquante sont utiles au fonctionnement du vaisseau, le restant représentait les trois escadrilles de chasses. 

       Tout confondus, ils avaient 148 morts, 32 blessés, 27 prisonniers. Il avait déjà perdu une cinquantaine de personnes au combat depuis le début. Il observa les noms de ceux qui étaient morts pendant la mutinerie. Il y avait des tas de personnes bien qu’il appréciait beaucoup. Il pensait aussi à leurs rôles à bord, difficiles à remplacer, ces pertes humaines, gaspillés étaient irremplaçables, insupportables. Il claqua sur la table tactique le calepin avec les rapports. Tout le monde le regarda, Nathan croisa le regard de Miller, qui le compris car il avait lui aussi vu l’hécatombe. Le seul rapport qui soit tristement positif concerne les réserves de nourritures qui s’amenuiseront moins vite. Il aurait suffi que les mutins soient un peu plus patients. Nathan était déçu de ne pas avoir pu leur donner la confiance nécessaire à ce voyage, peut-être était-ce dû à la partie de lui-même qui doutait.

       Nathan demanda comment était mort le sergent Hansen. Avant de retourner sur le pont d’envol, Miller lui répondit en détaillant tout. Il finit par dire :

       –Il aurait pu appuyer sur le détonateur, je me voyais déjà mourir. Il ne l’a pas fait. 

Nathan n’avait pas si échoué que cela finalement. Hansen avait pas été jusqu’au bout de sa folie furieuse même s’il le pouvait.

       Il prit les commandes de bond de la flotte qui se mit en condition de saut. Il sortit son morceau de papier et il tapa les coordonnées du onzième bond. La septième fit l’avant dernier saut et se retrouva de l’autre côté, toujours dans l’inconnu. Les étoiles au loin étaient quasi-inexistantes, toujours plus difficiles à distinguer.

       Il fallait avancer deux jours droit devant pour exécuter le dernier saut. Nathan remit un peu d’ordre dans son bâtiment de guerre, il sollicita l’équipage de l’Eureka Nine pour compléter le sien. Un nouveau pilote et nouvel officier artilleur furent nommés à la passerelle, rigoureusement sélectionnés par Nash.

       Les deux jours passés, les réparations et le nettoyage se finirent. Les cinquante personnes sollicitées de l’Eureka Nine étaient formés aux missions militaires mais ils n’avaient pas encore l’expérience du combat. Le second officier, le major Da Silva revint sur la passerelle. Nathan sourit et lui fit le salut militaire, comme tout le monde, heureux de la revoir de son prompt rétablissement. Elle reprit sa place de l’autre côté de la table tactique face à Nathan. Elle sourit à Nathan et lui parla :

       –Heureuse de reprendre du service amiral, je me suis assez reposée.

       –Heureux de vous revoir major, vous tombez bien, nous allons bientôt faire le dernier saut. Mais avant cela, nous avons une dernière chose à faire.

       Elle comprit puis ils quittèrent tous les deux la passerelle et se rendirent dans la prison du vaisseau accompagnés de marines. Ils y retrouvèrent le lieutenant Sting, déchu et battu. Ce dernier redressa la tête et fixa Nathan puis il se retourna de l’autre côté, il sut. Les marines se saisirent de lui et tous partirent silencieusement en direction du hangar du pont d’envol. Une fois devant un sas, Sting demanda à avoir les mains libérées. Nathan approuva puis Sting entra de lui-même dans le sas.

       Miller, venant de l’apprendre, arriva au même moment. Sting fit un geste de la main pour montrer qu’il voulait être exécuté par balle à la tête. Nathan demanda à son meilleur tireur d’avancer, ce dernier se mit en position. Sting se tint droit au garde à vous, fièrement. Nathan donna l’ordre de faire feu, le soldat tira juste en pleine tête et le corps désormais sans vie de l’ancien pilote tomba au sol. Miller ferma le sas intérieur puis ouvrit celui de l’extérieur, éjectant le cadavre de ce dernier dans le vide spatial. Le chef d’escadrille fut exécuté de manière assez solennelle.

       Quelques heures plus tard, Nathan reprit les commandes de saut de la flotte. Tout le monde était stressé et excité de la finalité de ce voyage. Il sortit de la poche de son uniforme, le papier du Naglfar donné par la ministre de la défense. Puis Il tapa un à un les chiffres du dernier saut spatial, son cœur palpita. Il était confiant en ce qu’il pourrait trouver, mais il était terrifié de ce plongeon vers l’inconnu. Il finit de composer les treize chiffres de saut et enclencha la procédure. La lumière des portails enroba les vaisseaux un à un, le Bellérophon tête la première. Nathan ferma les yeux, jamais un saut spatial ne lui sembla aussi long. Puis, ils se retrouvèrent rapidement tous de l’autre côté, il rouvrit les yeux. L’espace sombre, un soleil visible depuis la passerelle, les vitres se teintèrent aussitôt. On ne pouvait plus voir les étoiles au loin, jamais un endroit de l’univers que tout voyageur spatial avait connu ne pouvait être aussi sombre.

       –Amiral, système planétaire position 7.3.7.9.1 cap 34, vit le lieutenant Oswald au radar.

       –Exo planète et son satellite en visuel amiral, remarqua le lieutenant Luciano.

Nathan s’approcha des baies vitrées et s’appuya sur la chaise de Peters, le nouveau pilote.

       –On a les fesses au chaud proche du soleil, faites avancer la flotte jusqu’à l’exo planète, lieutenant.

       Le major Da Silva mit la visiophonie avec l’Andrasta et l’Eureka Nine. Logan fit part de son inquiétude du fait de l’absence d’étoiles à proximité ainsi que l’absence de présence qu’elle soit humaine ou sidonienne. La septième flotte d’exploration arriva proche de l’orbite de la planète inconnue. Vue d’aussi haut cette planète était magnifique, pleines de couleurs vives et recouverte d’eau.

       –Mettez la flotte en condition un. Lieutenant Luciano, je veux une zone d’atterrissage et d’exploration dans l’heure. Major, dites aux docteurs Haiden et Keller de se préparer à descendre. Et que le pont du hangar me prépare deux vultures ainsi que huit chasseurs d’escortes, qu’ils préparent aussi deux drones d’observation.

       –A vos ordres.

       Tous s’hâtèrent à la tâche pour découvrir cette nouvelle planète, ils étaient excités à l’idée de la découvrir. Elle n’était pas comme celles qu’ils découvrirent habituellement, sombres, froides et désolantes. Celle-ci semblait lumineuse, chaleureuse et accueillante.

       –Je dois descendre, déclara l’amiral.

       –Je viens avec vous ! Enchérit Da Silva.

       –Bien, lieutenant Luciano, vous avez les commandes du Bellérophon et vous nous guiderez, Powell, vous avez la flotte. Nathan glissa ses doigts sur la table tactique et fit le transfert de commandement en conséquence.

       Cependant, les coordonnées de l’endroit restèrent toujours secrètes, ce qui inquiéta Powell.

       –Ne vous en faites commandant s’il devait m’arriver quelque chose, ma puce s’arrêtera et vous aurez l’historique de notre voyage et toutes les commandes.

Nathan venait de mentir, il ignorait s’il y avait de l’ethérium sur ce monde et ne cèdera jamais les coordonnées comme il l’avait promis à Swan.

       Puis, l’amiral et le major quittèrent la passerelle pour se rendre dans le hangar du pont d’envol.

       –Amiral, Major ! Je serais votre pilote, s’exclama satisfait Miller.

       –Repos Miller, je trouve étonnant que vous vouliez piloter un vulture, sans doute voulez-vous voir ce qu’il y a en bas. 

       Pendant que tout le monde finissait de se préparer et commençait à embarquer, Luciano avait fini la cartographie de ce monde par drone. Il avait trouvé une zone d’atterrissage, à priori, sans dangers climatiques. Le docteur Haiden, cet homme à l’air de savant fou, pensa Nathan en s’approchant de lui.

       –Amiral, vous semblez bien vous porter cela fait longtemps. Vous serez heureux d’apprendre qu’avec votre ingénieur des armes nous avons trouvé la possibilité de débrider les canons photons pour augmenter leurs portées et leurs puissances. Il faudra juste votre accord pour valider des modifications de paramétrages. 

       –Je suis ravi de l’apprendre docteur, mais quelle est la contrepartie? S’ils ont étés réglés ainsi ce n’est pas pour les pousser d’avantage, non ?

       –Vous userez bien plus vite les cristaux, c’est sûr que vous devrez les changer dans deux ans, mais je doute que notre situation dépasse les deux ans. Ses paramètres avaient été ainsi faits pour des raisons d’économies budgétaires. La flotte fédérale ne se bat jamais en temps normal, amiral.

       –Parfait, si ça marche vraiment, c’est du bon travail. Mais nous verrons cela plus tard docteur, répondit Nathan.

A travers les hauts parleurs du hangar, Luciano déclara :

       –A tout l’équipage d’exploration, attention, attention. Chargement de l’itinéraire en cours. A tous les pilotes, embarquement imminent. 

       –Allez ! Cria l’amiral à tous ces gens qui embarquèrent.

       Tout le monde embarqua dans les deux vultures qui remontèrent l’ascenseur du sas et se retrouvèrent sur le pont d’envol. Les deux vaisseaux de transports décollèrent et quittèrent le pont. Nathan vit la tour de contrôle du pont d’envol qui fut explosé par un missile ennemi lors d’une bataille. Il n’oublia pas cette cicatrice de guerre comme s’il avait été touché lui-même. Les escortes étaient déjà en train de voler et rejoignirent les vultures. Il fut coupé dans ses pensées par le docteur Keller, face à lui, toute souriante. Elle connaissait une partie de l’énigme du voyage, elle avait hâte.

       –D’après moi, il faudra que nous soyons prudents. Vu comment cette planète est couverte d’eau et suffisamment proche du soleil, il y a de fortes chances pour que la vie soit présente dessus, laquelle je l’ignore, dit-elle.

       –C’est pourquoi je prends mes précautions docteur.

Nathan appuya sur son oreillette.

       –Amiral à passerelle, envoyez les drones. 

Luciano fit partir deux torpilles du Bellérophon, l’une après l’autre en direction de la planète. Elles laissèrent une trainée de fumée blanche derrière elles. La première s’ouvrit comme une pistache en orbite et un petit satellite d’observation avec ses panneaux solaires se déploya. La seconde torpille entra dans l’atmosphère de la planète et s’ouvrit pour déployer un drone d’observation et de combat. Nathan suivit la progression de l’opération sur sa tablette, c’était un succès. Il déclara à Keller :

       –Voici notre assurance vie docteur. 

La flotte reçut les premières images de la zone d’atterrissage et du nouveau monde. Cela sembla sûr et c’était magnifique. Tous voulurent voir cela de ses propres yeux, rien que pour sortir des coquilles de fer.

       Les vaisseaux entrèrent en atmosphère et se dirigèrent vers la zone d’atterrissage prévue. Ils transpercèrent les nuages blancs coton de la planète et l’équipage commença à survoler et à découvrir les premiers paysages. Ils étaient tous époustouflés, c’était magnifique et sauvage. Une immense forêt vierge, verte claire à perte de vue, serpentée par un long fleuve bleu ciel en son milieu. C’était un monde rempli de couleurs vives, à ne plus savoir où donner de la tête. Les vaisseaux passèrent au-dessus d’une clairière orangée, Nathan vit un animal étrange, un prédateur, courant après un troupeau, cela le fit sourire.

       –Soyons prudents, présence d’animaux sauvages hostiles.

La vie sauvage en dessous d’eux ne se préoccupa absolument pas des oiseaux de fers qui déchiraient le ciel de leur environnement. Les vultures commencèrent à ralentir et à atterrir dans cette large clairière orange. Le petit choc fit sourire tout ce petit monde de braves explorateurs. L’escorte de chasseurs resta en ronde dans le secteur et le drone de combat survola le groupe.

       –Oxygénation ok, on peut laisser les combinaisons de côté, informa Miller.

       –Ouvrez la porte capitaine, ordonna Nathan.

       Nathan enleva complètement sa combinaison, puis il se mit devant la porte qui s’ouvrit. Il prit une immense bouffée d’air frais et pure, cela lui fit tellement de bien. Il n’était pas aussi pur dans les vaisseaux qui le synthétise ou sur les mondes terriens, sur lesquelles il n’en avait jamais connu d’aussi pur, ayant perdu toute sa saveur.

       Les équipages sortirent des vultures et découvrirent le nouveau monde. Nathan regarda autour de lui, c’était comme un soir d’été dans la campagne, il faisait chaud, le ciel était orangé et refléta sur les herbes hautes jaunis. La nature avait sa propre odeur, un mélange de chaleur, de flore le tout transporté par une brise. Il avait l’impression que ses sens étaient en train de se réveiller. Il saisit sa tablette et voulut partir à l’aventure de ce monde. Il venait de fouler les pieds sur ce dont il avait toujours rêvé de trouver, ce dont pourquoi la septième flotte était partie vers l’inconnu il y a dix mois. La raison de cet homme venait de se concrétiser à cet instant.

       Il avait été ambitieux dans sa carrière militaire, il avait suggéré d’utiliser sa flotte à des fins d’explorations auprès du ministère pendant des années uniquement pour ce moment-là.

Il venait de réussir, il voulut le faire pour laisser un héritage plein d’avenir et de promesses pour sa fille et tous les autres enfants. Infiniment plus puissant qu’un dérisoire héritage pécunier.

       Pour Nathan, l’argent était un outil de pouvoir illusoire pour les esprits égoïstes, voraces, obsédés par le contrôle. Nathan détestait ces gens, il pensa qu’ils ne mériteraient pas de fouler le pied ici. Puisque c’est ce genre de parasites paranoïaques qui ont transformé la Terre et Terra Nova en terres de tristesse et de désolation. C’est ce qu’il comprend, jamais la condition humaine n’aura su restée raisonnable. S’il n’y avait pas eu la guerre et qu’il aurait rapporté l’existence de ce monde. Il finira pillé, saccagé, et modelé aux besoins des hommes. Il ne le rapportera pas, il tiendra parole à Swan, même si elle était surement morte.

       Ainsi, quelques jours plus tard, d’autres équipages d’explorations commencèrent à venir pour découvrir le nouveau monde, c’était un monde sauvage. Il y avait de quoi ressourcer les équipages en besoins alimentaires et moraux, mais rien concernant l’ethérium. Il dut finir par admettre à tous qu’il ne savait pas ce qu’il aurait trouvé de plus qu’un refuge à ces coordonnées. Ses propos ne surprirent personne, si cet endroit était répertorié, il y aurait eu des colons et des sidoniens. Nathan attendit un miracle, il n’avait pas été mené ici par hasard, il le savait. Faute de ce précieux carburant, la septième flotte ne pouvait bouger. Il refusa de croire qu’il devrait abandonner l’humanité sous le joug des sidoniens.

       Les jours passèrent et les explorateurs avaient posé un camp sur la planète, faisant une main basse sur des ressources alimentaires végétales ainsi que l’eau essentiellement. Il fallait surtout que les hommes et femmes sortent des vaisseaux, où ils étaient enfermés.

       La planète avait une faune et une flore très riche, des animaux sauvages hauts en couleurs et des fruits et légumes tout aussi colorés. Heureusement le docteur Keller savait distingués grâce à son laboratoire mobile ceux qui pouvaient être mangés pour les hommes.

       Il y en avait pour tous les gouts, car ce monde s’était développé de lui-même sans intervention, jamais aucune. En observant ce monde, Keller développa même une théorie sur l’équilibre des formes de vie. Une forme de vie plus intelligente que les autres nuirait au développement naturel de cet environnement en l’appauvrissant. Quand Da Silva entendit cela elle ne put s’empêcher de lui demander pourquoi. Le docteur lui répondit que la forme de vie intelligente chercherait à contrôler son environnement pour sa survie. C’était le genre de conversation qui se tenait autour d’un feu de camp, assez fréquent le soir.

       L’amiral prit à part le docteur Haiden et exigea qu’il utilise tous les moyens dont il peut disposer pour essayer de trouver un minerai d’ethérium sur la planète. Nathan en avait besoin pour faire avancer ses vaisseaux car il compte bien repartir et continuer le combat.          Il se rend bien compte que beaucoup prennent goût à cet agréable répit sur cette planète. Il espérait ne pas avoir été envoyé là par Swan pour préserver l’humanité en dernier recours, loin des sidoniens, loin de la guerre. Nathan aimait ce monde mais il voyait mal les hommes restés ici. Il était dans sa tente, toujours content de fouler pied à terre et regarda les photos de sa femme et de sa fille sur sa tablette, en buvant son verre de whisky. Il ne pouvait pas supporter de ne plus jamais les revoir.

       Pendant ce temps, Miller et Da Silva s’étaient éloignés du camp pour s’isoler, au pied d’un grand arbre, jeunes, ils rêvassaient encore. Elle dit à Miller que ce monde était parfait, qu’il y avait tout à faire et qu’elle se verrait bien y vivre comme ça, avec lui, indéfiniment. Miller essaya de lui faire comprendre qu’ils ne pouvaient restés là, car il ne se voyait pas rester ici.

       De beau matin frais, Nathan sortit de sa tente, il faisait chaud, il était vêtu du minimum, un t-shirt et un pantalon léger. Il alla se promener jusqu’au bord du lac faire tremper les pieds, le paysage était spectaculaire. Il y avait des montagnes derrière cet immense lac. Chaque endroit où l’on pouvait se promener ou explorer réservait toujours son lot de surprises.

       Les collectes de ressources alimentaires et d’eau avaient toutes été identifiées et calculées de manière efficiente pour remplir les réfrigérateurs des vaisseaux et garder les équipages frais encore plus d’un an. Cela n’était pas bien dur au vu de l’abondance des ressources sur la planète. Cependant, le docteur Haiden n’avait toujours pas repéré la moindre source d’ethérium. Cela exaspéra l’amiral qui pensa qu’il commençait à être temps de partir. Il ordonna à des vultures de chercher des astéroïdes ou des amas de roches pouvant éventuellement en contenir dans le système.

       Deux jours plus tard, alors qu’il discutait de l’environnement de la planète dans sa tente avec Luciano, Da Silva et d’autres officiers. Un marine entra en trombe dans tente, il avait reçu un appel urgent du commandant Powell. Nathan rebrancha aussitôt son oreillette et prit l’appel.

       –Amiral, je mets la flotte en condition trois, alerte de combat. Le vaisseau pirate Lazare vient de sauter dans la zone. Je sais bien qu’ils nous ont aidé, mais je me prépare au pire. Je n’ouvrirai pas le feu le premier. J’ignore comment ils sont arrivés là ! Vous devriez peut-être vous planquez vous tous en bas.

       –Vous faites très bien commandant, n’ouvrez surtout pas le feu, attendons de voir ce qu’ils veulent, nous restons en contact. 

       Au-delà du ciel, le Lazare s’approcha de la septième flotte et se stationna à proximité. Un vaisseau de transport de troupe léger quitta son pont d’envol et se dirigea vers la planète. Ce dernier envoya une torpille de lumière qui servit à indiquer une position. Tous les officiers radars le remarquèrent aussitôt.

       –Amiral, ici Oswald le vaisseau pirate à envoyer des hommes sur la planète et nous ont indiqué la position où ils semblent vouloir atterrir. Je vous envoie les coordonnées sur tablette, c’est à cinq kilomètres au nord-est de votre position. Terminé. 

       Nathan et ses hommes se mirent en route pour se rendre au point de rendez-vous donné par les pirates. Il était pressé de voir le capitaine des pirates, Pallas, en vrai.

       Nathan déplaça son drone au-dessus de lui pour se faire une idée visuelle, c’était une clairière. Il y avait des éléments faits de pierre, comme des veilles ruines.

       L’équipage marcha pendant une heure et demi, jusqu’au point de rendez-vous. Une fois sur place, les deux équipages se faisaient tête, chefs en premiers. Nathan était si curieux de voir leurs visages depuis tout ce temps. C’était un moment solennel, les pirates qui obsédèrent tant le ministère se trouvèrent juste là, devant eux. Pallas était un homme grand, brun, se tenait droit avec un regard sombre et fier. Il sembla ne rien craindre et inspira le respect. Il y avait bien ses veilles ruines en pierres qui étaient là entre les deux groupes au beau milieu de cette clairière. Il y avait deux bancs face à face avec une sorte de table entre les deux ainsi qu’un autre bloc de pierre plus en retrait.

       Pallas s’avança jusqu’au premier bloc de pierre en retrait, il posa sa main sur son arme. Ce qui ne manquait pas les militaires de vouloir dégainer la leur. Il la retira de son étui et la posa sur ce premier bloc. Il retira également un sabre qu’il avait sur lui, ainsi qu’un couteau de combat. Nathan fit de même, il s’avança, se désarma et posa tout sur le premier bloc. Puis Pallas s’avança jusqu’au banc de pierre et s’assit, Nathan en fit tout autant. On avait l’impression qu’ils respectaient succinctement une sorte de rituel.

       Nathan et Pallas se trouvaient là, assis l’un face à l’autre, loin des autres. Nathan avait beaucoup d’interrogations, énormément de choses étaient liées mais il n’avait jamais eu de réponses concrètes, il espérait enfin en avoir, alors il ouvrit la discussion.

       –Ces derniers jours, je me suis demandé si vous finiriez par venir comme vous l’aviez promis. Vous m’avez dit quelque chose sur cet endroit que j’ai déjà entendu quelque part.  « Un endroit où les êtres ayant perdus l’espoir se rendent. » D’ailleurs où sommes-nous au juste ?

       –Nous appelons ce monde Gaia et cet endroit existe depuis l’existence même de l’univers. C’est un monde équilibré et pur sur lequel aucune ne forme de vie n’empiète sur une autre. Ici, personne ne vient bousculer l’évolution permettant à une espèce d’en écraser une autre. Gaia est au centre même de l’univers et est un point d’équilibre. Parfois un point de convergence pour les autres formes de vies perdues de l’univers qui se donnent le mérite de vouloir retourner aux sources pour s’élever.

       –Vous, qui êtes-vous ? Cela fait plus d’un siècle que le Lazare arpente les routes spatiales humaines. Il n’existe aucune information concernant votre vaisseau ou votre équipage, qui semble être tout ce qu’il y a de plus humain. Aucun chantier sur le Lazare, aucuns registres, rien, néant.

       –Vous nous voyez comme cela vous semble, nous sommes pirates, nous sommes sans bannières, nous sommes plus avancés technologiquement. Nous sommes comme une sorte de gardiens, nous protégeons ce monde et l’équilibre de certaines choses. Nous avons voulu briser un déséquilibre. Malheureusement, nous avons échoué.

       –Vous parlez des sidoniens ?

       –Amiral, la plupart des sidoniens ne sont plus ressentis en tant que forme de vie, beaucoup n’ont plus la lumière en eux. Ils devaient être arrêtés, nous avons harcelé vos échanges commerciaux, car nous savons que les sidoniens n’ont jamais voulu de bien à l’humanité. Ils veulent prendre aux hommes ce qu’ils n’ont plus. C’est le début d’une sorte de processus vampirique de masse de la lumière.

       –Je ne vous comprends plus. Que veulent-ils ? Nos âmes ?

       –Nous dirons cela. Nous voulons rejoindre la septième flotte afin de combattre à vos côtés. Nous pouvons vous apporter beaucoup afin de pouvoir les arrêter.

       –Capitaine, j’apprécierai beaucoup votre aide cela est certain, ils ont une énorme puissance militaire.

       –Leur force ne réside pas dans leur puissance militaire. Elle réside au sein de quelques individus chez eux.

       Nathan sortit son bout de papier Naglfar et le donna à Pallas

       –Je dois savoir, quelle est l’histoire du Naglfar. Ce papier contenant les coordonnées de ce monde provenaient d’un journal de petite fille du vaisseau. Pourquoi Claire Swan, ministre de la défense d’avant la guerre m’a donné cela ?

       Pallas se pencha et prit le document, il sourit.

       –Vous ignorez qui elle est vraiment n’est-ce pas ? Je me demandai bien comment vous auriez fait pour venir jusqu’ici mais j’ai bien fini par comprendre. Elle devait vraiment avoir foi en vous pour vous guider comme messager jusqu’à moi. Personne je dis bien personne ne connait ce monde à part ceux en qui nous avons confiance. Celle que vous appelez Claire vous a fait un cadeau énorme, elle doit vraiment croire en vous.

       –Qui est-elle réellement alors? Demanda Nash qui se mit à écouter attentivement.

       –Je vais vous raconter son histoire mais je dois d’abord vous rappeler le contexte. A cette époque les pirates de l’espace et autres corsaires façonnaient le paysage maritime spatial. On se fondait dans le décor et nous combattions au côté des êtres humains libres de la doctrine dominatrice de contrôle de masse dont votre gouvernement est serviteur. Nous soutenions la piraterie, voilà pourquoi nous en sommes toujours aujourd’hui, la bannière sans règles.  Le but était de permettre à certains d’entre vous d’échapper à des règles voulues par des individus dirigeants obsédés par le contrôle. Nous traquions les vaisseaux de guerre de l’armée régulière. Mais la piraterie avait parfois aussi ses déboires. En 2152, j’ai ressenti une petite lumière dans l’obscurité, un appel au secours. Lazare nous a guidé jusqu’à elle, elle était en train de s’éteindre mais elle avait un fort potentiel de bienveillance. Nous nous y sommes rendus, nous avons trouvé dans un endroit inconnu des humains ce vaisseau marchand, le Naglfar. Ce vaisseau semblait s’être perdu, mais il avait combattu. Mes doutes se sont confirmés quand je suis entré à l’intérieur. C’était un carnage, des personnes avaient étés abattue de sang-froid, ils n’avaient pas fait de quartiers. A ce moment-là je me suis dit que c’était peut-être une erreur d’avoir trop soutenu la piraterie. Les systèmes de survie du vaisseau allaient bientôt s’arrêter et son journal de bord avait été dérobé. Nous avons cherché, j’ai vu une grille d’aération ouverte alors j’y suis entré et je l’ai trouvé, la petite fille châtaine aux yeux noisettes. Elle tenait son jouet préféré entre ses mains, elle était terrifiée et rien ni personne n’aurait pu la sauver dans cet endroit perdu, sombre et froid de l’univers. Je lui ai alors tendu la main, elle m’a regardé dans les yeux. Elle a pris ma main et nous sommes sortis de là. Je l’ai prise dans mes bras et nous sommes retournés sur le Lazare. Son nom était Elizabeth Naos, elle a fait partie de notre équipage pendant presque cinquante ans.

       –Qu’est devenue cette petite fille, quels liens avec Swan? Demanda Nash.

       –Laissez-moi finir de vous raconter l’histoire de cette petite fille. D’abord, elle a cherché des réponses. Elle a cherché à se venger, elle savait que ses parents avaient étés tué dans d’horribles circonstances. Sur le Lazare, on s’est bien occupé d’elle, c’était la petite sœur de l’équipage. Elle apprit à tirer, à manier le sabre, à naviguer, à utiliser l’artillerie lourde du vaisseau, elle passait aussi beaucoup de temps à se cultiver et à chercher ses origines terriennes. Elle a même commencé à  mener des opérations d’abordage sur des bâtiments qui devait être sabotés, militaires, marchands, pirates, de tout. Personne ne comprit le Lazare, sans foi ni loi, qui pilla à tout bout de champ. Nous devions freiner la folie des vôtres, nous avions malheureusement fini par imposer une politique de la terreur, devenant ennemi public.        Alors nous voulions disparaître mais Elisabeth ne voulait pas renoncer à ses origines Elle refusa de renoncer à trouver ceux qui avaient sauvagement tué sa famille. Avant toute chose, elle voulut absolument venger l’équipage du Naglfar. Après des années d’errance, d’abordages et de recherches sur ces âmes, nous avons fini par tomber sur eux. Elle mena l’assaut et tua le capitaine du vaisseau qui avait tué ses parents. Elle tua aussi de sa main le membre de l’équipage survivant du Naglfar qui avait trahi ses parents en donnant des signaux de leurs positions, permettant aux pirates de toujours retrouver le Naglfar. Lorsqu’elle lui demanda pourquoi il avait fait cela, il répondit pour l’argent. Ces pirates qu’elle venait de tuer, commençaient à se faire très vieux par rapport à elle qui était toujours dans la fleur de l’âge. Ils étaient proches de la mort, et ils étaient finis de toute façon depuis qu’ils avaient perdu la bataille de la banque du Tynx. Cette défaite emporta leur retraite dorée. C’était une bataille entre les navigateurs libres et l’armée régulière, sonnant le glas de la liberté spatiale de circuler sans contrôles.

       –La banque de Tynx a été jugée illégale par le gouvernement fédéral en 2202, et fut prise de force par l’armée fédérale. C’était un lieu de blanchissement d’argent et d’évasion fiscale, reprit Nash.

       –En 2202, vous étiez si jeune amiral. Vous savez aujourd’hui uniquement ce que les gros titres ont bien voulu vous montrer. La banque lunaire de Tynx était une plateforme de dépôt en toute forme pour les contrebandiers, marchands, pirates et autres trafiquants à l’époque de votre âge d’or. Il faut que vous sachiez que la piraterie avait été pas mal financée par des fonds obscurs pour attaquer des vaisseaux de compagnies marchandes indépendantes telles que la Galaxy Express Corporation dont le Naglfar appartenait. Le but était de créer un monopole logistique entre les deux mondes, Terre et Terra Nova.

       –Pourquoi ? Demanda Nash.

       –Pour faire pression sur les flux d’échanges vitaux entre les deux mondes, permettant un meilleur contrôle sur les gouvernements pour les besoins croissants d’une puissance financière. Cela eut pour conséquence de déclencher une guerre dix ans plus tard, celle que vous avez connue. C’est à ce moment-là que le gouvernement terrien et terra-novien se sont soumis à une doctrine de gouvernement unifié. Dans tous les cas, quand les pirates n’ont plus étés utiles une fois le monopole logistique réussi. Leurs puissants investisseurs ont récupéré légalement l’argent investis sur la piraterie quand l’état pilla leurs coffres forts sur Tynx. Le trésor public a légitiment récupéré le butin de tous les pirates, quelle opération médiatique cela fut. Ils ont omis de dire que le complexe militaro-industriel d’état fédéral avait créé des dettes publiques. L’Etat fédéral dut rembourser les dettes aux banques, qui finirent par renflouer ces mêmes investisseurs qui avaient financé la piraterie. Vous comprenez là l’intelligence de la guerre économique ? Il faut tenir les deux camps puis ramasser le butin. Ce qui est dommage, c’est de voir comment une puissante minorité obsédés par le pouvoir a renforcé sa position dominante. C’est votre monde, amiral, voilà comment il se régit depuis si longtemps. Bref, suite à cela, Elisabeth compris que les pirates n’étaient pas les seuls responsables, ils avaient étés motivés par l’argent, par un système. Elle ne trouva pas le soulagement de les avoir tués, car eux-mêmes avaient étés biaisés par ce système. Ils avaient tant pillé, tant tué, en espérant être récompensés généreusement pour leurs crimes. Elle remarqua qu’elle avait assassiné des hommes qui se laissèrent mourir car ils avaient compris trop tard de leurs erreurs, car ils avaient vendu leurs âmes au diable sans aucunes récompenses. Ils étaient juste condamnés à servir puis à mourir. Alors, elle fit un énorme sacrifice pour le genre humain dont elle avait fait partie.

Elle renonça à son rôle en tant que gardienne avec nous. Elle renonça à la vie éternelle, elle renonça à la connaissance de soi pour les autres afin de servir. Elle se constitua un pactole de guerre financier. Elle avait passé 53 ans avec nous, mais elle n’en avait que 17 en tant qu’humaine. Elle repartit sur Terre, très riche et intelligente. Elle put étudier grâce à cet argent. Ainsi, Elizabeth intégra une grande école d’administration et de gestion publique, fort coûteuse. Elle commença alors une grande carrière dans la fonction publique fédérale, puis elle gravit un à un  les échelons, fort de son expérience de vie. Tout ça dans le seul et unique but de gangréner un système pourri de l’intérieur afin de répandre son virus à elle et d’inverser la tendance. Elle cacha bien son jeu et se joua de ses adversaires politiques, jamais elle ne montra ses réelles aspirations et toujours elle se fit passer pour un élément pourri d’un système pourri. 

       Nathan releva les yeux. Il commençait enfin à comprendre. Il n’arrivait pas à y croire. Pallas reprit :

       –De son vrai nom Elisabeth Naos, elle a changé d’identité pour cacher ses origines une fois revenue sur Terre. Elle s’appelle aujourd’hui Claire Swan, votre ministre de la défense. Ce papier qu’elle vous a donné, c’était pour vous guidé à moi, car elle a foi en vous. Elle avait arraché cette feuille de son journal enfant, elle avait noté les coordonnées de sa main dans son journal de petite fille. Elle les avait vus quand elle était seule à bord du Naglfar sur l’écran de contrôle. Elle espérait rentrer chez elle, sur la Terre. Elle avait cette feuille sur elle quand je l’ai prise dans mes bras et je le lui ai laissé, cela la rassurait de savoir qu’elle retrouverait son chemin. Elle a dû rajouter les dernières coordonnées plus tard, quand je lui ai montré la beauté de Gaia. Je le savais et je l’ai laissé partir avec ça, car je savais qu’elle voulait sauver les autres. Faire avancer sa civilisation vers quelque chose de plus grand. Maintenant, amiral, vous connaissez toute son histoire.

       Nathan était complètement stupéfait par ce qu’il venait d’entendre. La chambre de petite fille dans le vaisseau fantôme était celle de la ministre. Elle aurait vécu pendant près de 80 ans mais elle n’en parut que moitié moins. Elle connaît ce monde merveilleux, Gaia.

       –Je n’arrive à vous croire, qu’elle ait pu vivre aussi longtemps, que vous ayez pu être présent depuis plus d’un siècle sans jamais vieillir, comment cela est-il possible ?

       –Nous ne vieillissons pas, amiral. Nous sommes ce que vous voyez, et nous contribuons là où nous le devons à l’équilibre de l’existence. En tant que régulateur universel, nous disparaitrons un jour de votre plan d’existence, et nous agirons ailleurs, autrement. Jamais votre gouvernement n’aurait pu nous capturer, en ria-t-il.

       –Pourquoi avoir fui le combat alors il y a bientôt un an et demi capitaine ?

       –Cela fait partie des événements, qui vous ont conduit jusqu’ici. Elle avait besoin d’un messager. Nous avons cherché et provoqué sa création, vous.

       –Pour venir jusqu’ici nous avons traversé un univers sans physique, d’un blanc lumineux, c’était incroyable, qu’est-ce que cela était?

       –Il est dommage que vous ne puissiez en voir sa beauté, amiral. L’avoir traversé est une expérience bizarre pour un vivant. Mais il s’agit d’un monde pour un tout autre type de voyageurs, un monde qui permet à leurs âmes de se libérer et de retrouver les leurs. C’est un monde au plan d’existence passager, pour passer d’un état à un autre. Les êtres vivants oublient mais leurs lumières ne fait que passer d’un état à un autre, sans jamais s’arrêter, toujours en étant redistribué, toujours en étant proche des uns et des autres. Les guerres fratricides entre vivants sont un bien grand dommage. Il est l’œuvre de mon alter-égo, cherchant à faire pleuvoir les péchés.

       –Votre alter-égo se matérialise-t-il comme vous aussi ?

       –Il a malheureusement gagné le cœur de bien trop d’hommes faibles. La structure de vos modes de vies créent ce genre d’individus, car ils sont tentés très jeunes. Le pouvoir des uns sur les autres dès la naissance crée ce genre d’individus avides. La nature régule ce genre d’individus dangereux d’une espèce l’évolution mais la civilisation l’enlève.

       –Capitaine Pallas, je discuterai bien philosophie avec vous pendant encore de longs moments mais j’avais une guerre à mener. Je voudrai savoir en quoi vous pouvez nous aider comme vous le proposez.

       –Amiral Nash.  Il est vrai que vous avez une guerre à faire et je propose de me joindre à la septième. Je peux aussi vous apporter de quoi renforcer les capacités offensives et défensives de la flotte. Nous avons le matériel adéquat, des tôles d’un alliage résistant et souple à la fois, des cristaux de diamant purs comme vous en avez jamais vu pour l’artillerie. Le satellite de Gaia vous fournira l’ethérium le plus pur que vous pourriez trouver dans l’univers pour vous donner une autonomie de naviguer, impressionnant vos meilleurs savants. Heureusement que les humains n’ont pas accès à ce monde, ils pilleraient tout dans une logique de profit.

       –Il fallait chercher sur son satellite. J’apprécie votre aide, j’enverrai l’Eureka Nine en forage. Capitaine, c’est avec plaisir que nous accepterons la livraison des tôles et des cristaux diamants. Surtout s’ils s’avèrent aussi efficaces que vous le dites.

       –Nathan, nous serons bons alliés, nous réussirons, et vous trouverez ce que vous êtes venus chercher.

Pallas se leva et présenta sa main à Nathan. Les deux hommes se serrèrent la main, ainsi les deux êtres venaient de passer un accord.

       Nathan et son équipage retourna à son campement et les pirates repartirent sur le Lazare. Aussitôt revenus au camp, tous les officiers encadrant dont Powell bombardèrent de questions l’amiral qui se contenta de dire que la septième flotte comptait un nouveau vaisseau de guerre. Les équipages continuaient de profiter d’avoir pied à terre, d’avoir un ciel, un soleil, un air frais et de magnifiques paysages à contempler.

       Pendant ce temps Logan siphonna le satellite de Gaia, le Docteur Haiden fut surpris de la qualité exceptionnelle et rarissime du minerai. Il rêvait déjà de faire fortune s’il pouvait en importer quelques cuves sur Terre Nova sans la guerre. Il reçut avec l’ingénieur des armes et celui des structures la livraison discrète des matériaux pour renforcer les coques de la flotte et leurs canons photons. Il remonta à Nathan des rapports extrêmement positifs sur les tests préliminaires du matériel pirate. Alors Nathan le fit installer, il autorisa au docteur Haiden le coup d’augmenter la puissance des canons de la flotte comme il lui avait parlé dans le pont du hangar. Le Lazare resta en orbite, en attente pendant que c’était le branle-bas de travail au sein de la flotte. Le personnel était occupé à remettre d’aplomb les deux croiseurs stellaires, les rendant plus puissants qu’à l’origine.

       Grace à ses nouveaux alliés, Nathan se préparait à la grande guerre, la vraie. Celle qui n’avait jamais eu lieu car les dés avaient déjà étés jetés. Il se rendit compte qu’il apprécia voir toute cette dynamique, car ils allaient tous se battre pour la justice.

       Au bout de quelques jours Da Silva alla voir l’amiral dans ses quartiers pour lui demander pourquoi ils ne s’installeraient pas ici. Pourquoi vouloir reprendre la guerre qui sembla être perdue, qui coûtera des vies alors qu’un monde nouveau et vierge se présente à eux, permettant de tout reconstruire en étant caché de l’ennemi sidonien. C’était au pied d’un arbre avec son amour inavoué, le capitaine Miller que cette idée lui vint. Il faut vivre caché pour vivre heureux lui dit-elle. L’amiral avait compris l’essence même de la vie sur Gaia, il balaya sa proposition, il savait qu’elle était trop jeune pour comprendre. Il essaya de lui faire comprendre que des gens, peut-être même parmi ceux qu’elle avait connu, prièrent pour un miracle, pour être libérés. Il n’y avait personne d’autres qu’eux pour les sauver, qu’elle devait faire preuve de moins d’égoïsme. Car s’il y avait bien une chose que Nathan venait d’apprendre de Pallas et du parcours de Swan, c’est le sens du sacrifice et que la vie parasite à caractère dominante humaine n’aurait jamais sa place sur Gaia. Un monde si pur et si beau, comme il l’avait toujours rêvé finirait sans aucun doute par être souillé par l’homme s’il n’évolua pas dans sa conscience. Nathan savait que cette conscience serait perdue au fil du temps si les humains repartaient de zéro.

       L’Ingénieur des armes du Bellérophon rencontra son homologue du Lazare. Ce dernier n’était pas officier, car le Lazare n’avait pas besoin de hiérarchie comme un vaisseau militaire terrien. Avec l’aide de l’expert en matériaux, le docteur Haiden, Pallas prétendait pouvoir améliorer l’Aegis en le faisant charger en dix minutes au lieu de vingt. Il fit venir un nouveau système de refroidissement conducteur pour la ligne de chauffe de l’Aegis dans un alliage inconnu mais visiblement efficace.

       Ainsi au bout de trois longues semaines de plus qui s’écoulèrent sur Gaia. Tous avaient beaucoup travaillé, tous avaient bien profité de la planète, de ce qu’elle offrit. C’était avec beaucoup de regrets et d’amertumes que les voyageurs spatiaux retournèrent dans leurs coques de noix métalliques. Nathan récupéra même son drone et son satellite, ce qu’il avait tendance à abandonner sur place. Mais il voulut ne laisser aucune trace de son passage, respectueux de l’endroit. Les cicatrices de son campement dans la broussaille aillaient vite disparaître avec la force de la nature. Il y revoit encore sa tente et l’endroit précis de son lit où il passa beaucoup de temps. Il le revit déjà redevenir un endroit insignifiant de la planète. Tous les voyants étaient au vert, provisions, eau, carburant, armes. Même s’il manqua toujours une tourelle de combat au Bellérophon ainsi que sa tour sur le pont d’envol, le vaisseau resta bien plus puissant et efficace avec l’aide du Lazare.

       Nathan et le docteur Keller furent les seuls à pouvoir monter sur le Lazare. Nathan remarqua qu’à bord, chacun savait sa place, chacun était égal dans ce vaisseau. Quand Nathan posa la question à Pallas de l’éventuelle organisation anarchique, ce dernier lui répondit sans détour :

       –Sans compromis.  

       Pallas expliqua que chacun faisait ce qu’il savait faire et qu’il avait envie de faire. Il n’y avait pas de statuts avec privilèges, pas de salaires, pas de passe-droit à une fonction, rien qui puisse les diviser. Ils étaient unis pour aussi longtemps qu’ils voulaient être ensemble. Il ajouta même que si le temps ne s’écoula pas à bord, il y en avait qui entraient et  d’autres qui sortaient, telle que Swan.

       L’amiral et le commandant Powell se revirent, toujours avec de quoi étancher leur soif. Powell apprécia l’aide des pirates mais il émit de sérieux doutes. Nathan savait que c’était l’image d’ennemi public du pirate depuis plus d’un siècle qui lui donna cette idée. Ils n’avaient pas d’autres choix que de croire en lui pour continuer le combat. Malgré tout, le pirate avait la confiance de Nathan car il sut donner des explications justes au nœud de circonstances l’accablant. Nathan essaya alors de convaincre Powell en lui expliquant que jusqu’à maintenant, ce dernier n’avait pas trahi ses promesses sur ce qu’il apporterait à la flotte.

       Les dirigeants de la septième se réunirent pour la suite après Gaia, avec la compagnie du capitaine Pallas à bord du Bellérophon. Tous pensaient que Pallas pouvait apporter beaucoup d’informations sur l’ennemi. Hélas, ce n’était pas le cas, cependant il en savait bien plus que tout ceux réunis dans la pièce. Il avait une très vague idée de la puissance militaire sidonienne. Il savait les flairer, mais surtout il savait où se trouver leur planète d’origine, Sidonie. Ce qui intéressa beaucoup l’amiral, il fut unanimement décidé de poursuivre un plan de bataille de harcèlement guérilla avec les Blackhornets, invisibles sur les radars pour l’effet de surprise. Ce nouvel allié, toujours aussi énigmatique pour Nathan était vraiment de poids pour les batailles qui s’annoncèrent.

       Les équipages de la septième étaient détendus suite à cette escapade dans la nature. Ils étaient déstressés et n’avaient plus la pression du vide de l’espace sur eux, pression qui avait eu tendance à s’accentuer avec l’appauvrissement des ressources. Il n’y a rien de pire que d’agoniser dans l’espace.

       L’amiral était sur la passerelle, soulagé comme tout le monde de repartir sur de nouvelles bases. Il appuya sur sa table tactique numérique pour avoir les commandes vocales de la flotte, il fit une déclaration :

       –Votre attention à tous, ici votre amiral. Je vous ai promis à tous un nouvel espoir après cette longue traversée. J’ai eu du mal à le croire moi-même mais jamais de ma vie je n’ai autant aimé me retrouver les pieds sur la terre ferme. Une personne importante a eu foi en nous et a compté sur nous afin de nous voir revenir sur nos mondes, pour aider l’humanité. Cette personne a fait un pari risqué, qu’on se le dise. Nous avons fait le plein, nous sommes prêts, nous avons un nouvel allié qui terrorise l’ennemi. Aegis a fait un énorme progrès technique, se trouvant plus puissant et efficace que jamais. Je sais bien malgré tout que nous avons tous perdu des gens. Nous avons tous qu’une hâte, c’est de savoir ce qu’il en est sur nos mondes, l’ampleur du désastre de cette guerre. Nous le serons bientôt, nous continuerons cette guérilla jusqu’à ce qu’on puisse rentrer chez nous la tête haute, comme en partant. Terminé. 

       Puis Nathan contacta le capitaine Pallas, ce dernier lui indiqua qu’il avait un raccourci pour sortir de la galaxie de Gaia, seule et loin des autres étoiles sœurs. Pallas envoya alors à l’amiral les coordonnées de saut que Nathan entra. Avant de repartir, il contempla Gaia une dernière fois. Elle était vraiment si belle et colorée vue depuis l’espace. Il valida son saut et la septième quitta cet endroit pour toujours. Arrivée de l’autre côté, les étoiles se fient plus proches tout à coup. Ainsi le capitaine Pallas guida Nash et la flotte, qui en moins de douze sauts et moins de temps, se retrouva quasiment arrivée chez elle proche de la galaxie d’Andromède.

       A partir de ce moment-là, Nathan fit partir des vultures en mission de reconnaissance un peu partout autour d’eux. Pallas prétendait avoir de l’intuition et promis une belle cible dans le secteur de la septième.