III – Destruction

Air

« Si vis pacem, para bellum »

« Qui  veut la paix prépare la guerre »

Végèce, écrivain romain Fin 4ème siècle.

       La flotte sauta vers la galaxie d’Andromède, en direction de la balise Panopticon la plus proche. Ce saut paraissait durer une éternité, les portails électriques apparaissaient au nez de chaque vaisseau en les faisant traverser. Le processus de saut traversa les hommes, la matière, et chacun le vit toujours venir arriver autour de lui, comme englouti. C’était à chaque fois un stress de découvrir l’envers du décor. Le Bellérophon, tête de flotte, fut le premier à le franchir.

       Puis le reste de la septième flotte suivit. Toute la septième se retrouva de l’autre côté, Bellérophon, Stella Serena, Andrasta et l’Eureka Nine. Près de la dernière balise du système Panopticon auxquels les ordinateurs de bords se connectèrent au réseau central de la flotte. Panopticon était géré par les stations orbitales Eole vers la Terre et Béotos vers Terra Nova. C’était des hubs importants de la navigation spatiale humaine, ils géraient les routes commerciales ainsi que l’emplacement des bâtiments militaires en temps réel grâce à ses balises servant de relais disséminés dans les deux galaxies.

       –Rapport ! demanda l’amiral.

       –RAS, répondit l’officier radar Oswald.

L’amiral attendait la suite logique des événements routiniers. Il attendait le « RAS » du lieutenant Luciano pour continuer. Seulement ce dernier ne répondit pas immédiatement et était occupé à pianoter sur son clavier tactile tout de verre. Nathan, agacé, reprit :

       –Lieutenant Luciano?!

       –Monsieur ! Il semblerait que nous ayons un problème. La balise Panopticon 761 refuse de répondre.

Nathan regarda l’écran de contrôle de gestion de la flotte humaine en temps réel, disponible depuis le retour sur Andromède. Curieusement, il ne vit rien. Aucun bâtiment militaire ne circula et la circulation civile était inhabituelle. L’amiral commença vraiment à s’énerver :

       –Luciano, RAS radar, au rapport ! Avons-nous un problème avec la balise ? La connexion ? Faites votre analyse sans quoi nous faisons un saut vers la suivante si celle-ci dysfonctionne. 

       Au même moment, trois portails de sauts longues distances typiquement sidonien firent leurs apparitions. Toute la passerelle resta figée, observant la scène. Nathan donna immédiatement des ordres clairs :

       –Lieutenant Da Silva, ordonnez à toute la flotte de se mettre hors ligne du réseau !

       –Monsieur ?

       –Tout de suite lieutenant ! 

       –A vos ordres ! 

Elle fit un signe de la tête à son subalterne qui transmit l’ordre aux autres vaisseaux de la flotte, puis tous se mirent hors-ligne. Disparaissant ainsi des écrans du logiciel de navigation instantanée des Panopticons. Les sidoniens sont alliés des humains et pouvaient utiliser l’espace spatial humain comme bon leur semble. Les trois croiseurs sidoniens finissaient leurs bonds et apparaissaient face à la septième flotte. Le croiseur amiral sidonien placé au milieu des trois exigea une communication visiophone avec l’amiral Nash. Le signal de demande clignotait à vue de Nathan. Nash, dans la confusion, se demandait ce qu’ils voulaient :

       –Da Silva, acceptez l’appel, intercom flotte.

L’écran visiophone de la passerelle du Bellérophon s’alluma, ainsi que celles des autres passerelles et tous les hauts parleurs de la flotte. L’amiral n’aimait pas avoir ces discussions sous seing privé. Puis, de l’autre côté de l’écran visiophone, à bord de l’appareil sidonien. Tous virent, deux officiers diplomatiques, l’un humain, l’autre sidonien :

       –Colonel Ferguson, Commandant sidonien, salua Nathan.

       –Amiral, je suis officier administrateur-général de la diplomatie sidonienne. Nous avons sorti le colonel Ferguson que vous connaissez de sa retraite. Il va vous exposer la situation. 

       Nathan devint soudainement très inquiet, son intuition lisible sur son visage inquiéta les autres officiers de sa flotte. Ferguson était une connaissance personnelle de longue date à Nathan. Les deux hommes ont déjà servis ensemble, ils se connaissaient bien et partageaient les mêmes convictions.

       Bien que colonel fût un grade inférieur, l’amiral le salua en premier. Nathan avait des principes et respectait cet homme dont il salua son ancienneté bien avant les protocoles militaires. Le colonel Ferguson reprit la parole, d’une voix tremblante trahissant sa mélancolie.

       –A toute la septième flotte du corps expéditionnaire. J’ai une importante annonce en tant que chargé de mission du gouvernement fédéral sous tutelle sidonienne. Tous les visages se décomposèrent. Estomaqué, Nathan hurla d’un ton sec et grave :

       –Colonel !

.      –Monsieur, il s’est passé des choses pendant votre absence.

       –Que s’est-il passé? En quoi sommes-nous sous tutelle sidonienne? demanda-t-il impatient.

       Ferguson regarda l’officier sidonien. Ce dernier, se tenant là si fièrement, lui accorda d’un regard l’autorisation de parler plus librement avec Nash.

       –Bien, Il y a quatre mois, durant votre voyage. Une guerre a éclaté entre les humains et les sidoniens. Cela a commencé durant l’opération conjointe, ils ont attaqués les flottes mobilisées, la une, quatre, huit et douze ont étés détruites lors de cette bataille. Les sidoniens disposaient d’une plus grande flotte leur assurant une supériorité numérique. Ils prirent le dessus de la guerre grâce à leur gigantesque vaisseau-monde. La force de défense spatiale humaine a été débordée et neutralisée. Ils ont pris d’assaut les stations Eole et Béotos, prenant le contrôle des Panopticon. Ils ont pu traquer les drapeaux blancs ou les vaisseaux isolés qui étaient restés sur le réseau des balises. Pendant ce temps, ils ont bombardé à l’ogive nucléaire à fission certaines les plus grandes métropoles humaines de la Terre et de Terra Nova. Toutes les plus grandes villes ont étés anéanties depuis l’orbite, sans prévenir pendant que les derniers vaisseaux humains continuaient à se battre. Paris, Londres, Néo-Tokyo, Babylonia, New York et j’en passe. Ils voulaient détruire les centres de représentation de pouvoir de notre société afin d’avoir l’impact psychologique sur la population. Je suis navré, peu de gens ont eu le temps de fuir ou de se mettre à l’abri, il y a eu énormément de victimes. La guerre a continué jusqu’à ce que l’Empereur sidonien se déclare et réponde enfin positivement à notre demande de reddition sans condition. Je suis sincèrement désolé de vous l’apprendre comme ça à tous, il y a eu une guerre et nous l’avons perdue, tout est terminé. Ils m’ont amené ici pour vous l’annoncer.

       Tout le petit monde de la septième flotte était sous le choc. En à peine quelques secondes, le temps de cette explication, ils venaient d’être assommés. Ils comprirent tous qu’ils venaient de perdre des êtres chers. L’amiral se tenait stoïque mais c’était très difficile, il était en colère et son cœur battait tambour. Il sentit comme une lame froide percer son cœur, percer son âme, comme tous les siens. Une douleur imperceptible qui lui fit brutalement sentir qu’il ne reverrait plus jamais sa famille. Il posa ses mains sur la table tactique, serra la mâchoire. Des milliers de questions envahirent son esprit en si peu de temps, mais ce n’était pas le moment de craquer. Il leva à nouveau les yeux vers l’intercom. L’administrateur-général sidonien reprit la parole :

       –Amiral, le gouvernement humain a signé une reddition sans conditions. En conséquence, la flotte que vous commandez doit être désarmée. Vous devez nous remettre les codes des clefs de lancements et d’armements de la septième. Elle sera remorquée jusqu’à la station Eole comme le veut la procédure. Je vous envoie le document numérique signé par votre gouvernement.

       –Monsieur. La signature numérique est authentique. Le document provient bien du gouvernement fédéral, lui dit le lieutenant Da Silva d’une voix tremblante.

       Automatiquement, après la reconnaissance de la signature numérique, la flotte entière passa en alerte zéro. La table tactique numérique de l’amiral afficha sous ses yeux un clavier, ainsi qu’une demande d’empreinte digitale. Il devait écrire son code et montrer patte blanche pour céder définitivement le contrôle de la septième flotte à l’armée sidonienne, comme le veut le traité de reddition.

       Nathan baissa la tête réalisant que tout était finit et qu’il avait été absent. Tous étaient silencieux et l’observaient. Il releva la tête et fixa d’un regard rempli de haine l’officier sidonien, se tenant là, si fier de lui. Toute la passerelle, tous les commandants de la septième flotte fixèrent Nathan. Le diplomate sidonien, ne comprenant pas ce que Nash pensa, sembla inquiet et recula d’un pas. Il demanda à l’officier humain à bord de son vaisseau :

       –Colonel ?

Fergusons’avança et regarda l’écran principal, celui de Nathan, il regarda un à un les femmes et  hommes de la passerelle du Bellérophon. Un peu plus haut sur son écran,  il voyait les mêmes regards sur les passerelles de l’Andrasta et du Stella Serena. Il sourit, puis il déclara :

       –Je reconnais ce regard que vous avez tous, je l’ai déjà eu. Fiston, comme dirait nos anciens, envoie-moi cette poubelle par le fond. Puis, il fixa Nathan en souriant et fit un salut militaire.

       Immédiatement, le diplomate sidonien s’énerva, persuadé que l’officier humain était fiable, et qu’il pousserait la septième à se rendre. Ferguson avait bien joué, il l’avait doublé en une phrase, suffisante.

       –Les ordres, amiral ? Demanda l’officier exécutif Da Silva.

Nathan leva à nouveau les yeux vers l’écran visiophone et fixa le commandant sidonien, puis dit à son second :

       –Alerte de niveau trois, déverrouillez armes, tout le monde à son poste de combat.

       –Amiral Nash, avez-vous perdu la tête ? Si vous faites feu, cela sera considéré comme acte de piraterie, vous ne serez plus sous la protection juridique de votre gouvernement fédéral et nous vous tuerons tous ! Hurla le sidonien.

       –A vos ordres ! Reprit Da Silva.

       La flotte se mit en alerte, la reconnaissance vocale de l’amiral avait déverrouillé les armes. Meyer et Powell ordonnèrent de cibler les vaisseaux sidoniens, désormais ennemis. Suivant la procédure de sécurité, l’Euréka Nine fit un saut en sureté car il avait peu de moyens défensifs pour ce genre de bataille.

       –Monsieur ? Demanda l’artilleur Dogett.

       –Feu, ordonna Nathan. 

Il visa le vaisseau amiral sidonien, placé en tête de leur flotte. Un coup du canon photon central du Bellérophon partit en direction du vaisseau sidonien qui tenta d’esquiver via une manœuvre latérale tardive, il fut touché. Cela secoua le vaisseau et fit chuter sur les rotules son officier commandant, il se releva, toujours visible sur visiophone. Il sortit son arme de service et la pointa sur la tête du vieux colonel Ferguson et menaça :

       –Je le tuerai si vous refusez de vous rendre, amiral ! Ceci est un ordre, votre gouvernement a signé la reddition !

Fergusson ferma les yeux et fit un signe négatif à Nash qui le fixa, puis il dit :

       –Fiston, je ne crains pas de mourir, vous pouvez soulager votre colère.

Le sidonien, surpris, lâcha Ferguson et reprit les commandes de sa passerelle. Il était énervé et engagea sa flotte en combat, avant de couper la communication. L’amiral détourna du regard et donna ses ordres de mouvement de flotte aux autres commandants :

       -Powell, Meyer, tenez la ligne, Bellérophon en tête de convoi !

Puis il appuya son oreillette et glissa son doigt sur sa table tactique afin d’avoir son chef d’escadrille :

       –Miller ! Partez en avant et mener la défense sur le flanc tribord.

Pendant ce temps, Da Silva s’occupa d’ordonner sur la passerelle du vaisseau :

       –Dogett, ciblez vaisseau amiral sidonien, priorité sur les moyens offensifs ennemis. Oswald, mise à jour radar, je veux savoir où les chasseurs sidoniens attaquent. Sergent Hansen, angle d’élévation à vingt degrés, calibrez soixante pourcent, direction flanc tribord du vaisseau ciblé.

       Tous se mirent en action pour la bataille qui fit rage. Les vaisseaux se tirèrent les uns sur les autres, les chasseurs se prenaient au jeu du duel. Le Bellérophon et le croiseur sidonien entrèrent dans un duel à mort, les deux autres vaisseaux de la flotte prirent un autre vaisseau de guerre ennemi en combat singulier. Les chasseurs escortant les vaisseaux s’affrontèrent pour atteindre et détruire les atouts ennemis. Les batteries anti-aériennes tournaient à plein régime contre toute offensive ambitieuse de chasseurs ennemis. Les cinq grosses tourelles photoniques ciblaient le vaisseau de guerre amiral sidonien en mouvement. Chaque coup porté à l’un ou l’autre était critique.

       Le combat à mort acharné se poursuivi. La scène était figée dans le temps depuis les yeux de Nathan, hurlant ses ordres ici et là. Da Silva, la chevelure dorée en bataille était en action via l’oreillette. Dogett serra les dents, s’acharnant sur sa cible à l’aide de sa tourelle. Oswald, se concentra sur ses points rouges à l’écran, indiquant les mouvements offensifs sidoniens. Luciano vérifiait que tout était en ordre, il craignit un hack informatique ennemi, surveilla ses lignes de codes. Quant à Miller, il dispatcha les escadrilles à la défense d’une multitude de chasseurs sidoniens arrogants à l’approche du Bellérophon.

       Les coups infligés par le croiseur amiral sidonien atteignit le Bellérophon, l’endommageant. Les alertes rouges critiques à l’écran apparurent. Personne n’y prêta attention, prêts à mourir dans ce combat enragé. La belle teinture grise argentée du Bellérophon revêtit un sombre habit de guerre sous les coups.

       Quand soudain le commandant Meyer du Stella Serena informa sur l’écran visiophone l’autorisation d’abandon du combat, ayant trop souffert de son combat singulier. Nathan ne s’en préoccupa guère, plongé dans ses écrans et son oreillette. Son second Da Silva continua de donner ses ordres tactiques à bord d’un Bellérophon encaissant des chocs. Ils étaient tous absorbés par l’action du combat, elle ne vit pas d’inconvénients que la frégate batte pavillon blanc.

       Alors Meyer ordonna à ses escadrilles la protection du Bellérophon, incapable de faire le moindre bond spatial. Le vaisseau fuyait la mort se plaçant dos au combat, hissant pavillon blanc. Une fumée grise épaisse et des morceaux de tôles trainaient derrière son sillage. Il était inlassablement poursuivit par des chasseurs sidoniens qui voulaient le finir.  L’équipage de la frêle frégate continua de se défendre d’eux.

       Dogett infligea personnellement avec un de ses canons photon un coup critique à la frégate en duel avec le Stella qui le poursuivit. Dans un courageux élan d’espoir que ces derniers, souffrant trop de ce coup, abandonnent la chasse. Ce fut un succès, le bâtiment ennemi stoppa la chasse et s’éloigna de la zone de combat. Un coup pris pour un coup donné, désormais chacun avait un vaisseau hors-jeu. Mais les sidoniens ne respectèrent pas la loyauté du combat numérique.

       Deux nouveaux portails typiques à leur technologie s’ouvrirent sur les flancs des deux derniers vaisseaux de guerre de la septième flotte encore en œuvre. L’administrateur générale sidonien avait des renforts en réserve, ce ne qui ne lui manquait pas. Ils étaient désormais quatre contre deux.

       Le colonel Ferguson apprécia chaque secousse infligée par le Bellérophon sur le vaisseau sidonien à bord duquel il était. Inquiet de voir le radar, et la supériorité numérique sidonienne, encore à l’œuvre. Au moins, les siens se seront battus jusqu’à ce que mort s’en suivent pensa-t-il. Il espérait vraiment que ce combat l’achève, il avait trop souffert de la mort de ses proches lors de cette guerre. Il supplia par la pensée Nash de le tuer afin d’achever cette douleur. Nathan voyant sa nouvelle cartographie de guerre, fut peu surpris de l’arrivée de renforts sidoniens.

       Le nombre de chasseurs encore en combat se réduisit surmenés par le nombre, endommagés voir détruits au combat. Beaucoup d’autres devaient apponter pour recharger en munitions. Bellérophon commença à souffrir, encaissant trop de coups. A l’écran de contrôle le vert se dissipa pour le rouge, l’Andrasta était au bord de la suffocation. Ce moment emplit de désespoir paraissait durer une éternité. Nathan leva les yeux, aucun officier abandonna, concentré au combat. Le drapeau blanc n’était pas encore envisageable, il regarda tout autour de lui, plongé dans ce désastre de mise à mort. Il savait que sa décision, bien qu’unanime était en train de tuer des femmes et des hommes d’équipage.

       –Lieutenant Dogett, dit-il en reprenant son souffle. Ce dernier s’interrompit pour se retourner vers Nathan.

       –Chargez Aegis.

       –Amiral ? Interrogea son second.

Ils s’étonnèrent de cet ordre incertain, c’était comme un moment de vérité. Nathan n’avait plus le temps d’attendre, il voulait tenter un tout pour le tout.

       –Exécution ! Exigea Nathan.

Alors Dogett mis en charge en charge l’Aégis, l’arme expérimentale du Bellérophon, se chargeant d’énergie issue du vide spatial. Théoriquement puissante et contrôlable mais jamais expérimenté. Tous se remirent en position de combat pendant son chargement qui durera deux longues minutes.

       –Administrateur général, importante source d’énergie concentrée détectée sur la position du Bellérophon. Vos ordres ? Informa un sidonien de la passerelle de son croiseur.

       –Concentrez vos efforts sur ce dernier, répondit-il.

L’Andrasta était libéré des efforts de guerre des quatre vaisseaux sidoniens. Ils concentraient désormais leurs offensives sur le Bellérophon. Ne supportant pas la vision de cette abominable scène de guerre, le Stella Serena fit demi-tour.

       Une frégate sidonienne n’avait pas encore fini de franchir son portail de saut que l’amiral ordonna :

       –Lieutenant Dogett ! Frégate sidonienne tribord terminant son saut à portée de tir! Faites-moi un de ces tirs fracassant!

       Le lieutenant se concentra, pris la cible en joue, un des canons photons face à la tour de contrôle tourna en direction de la frégate arrivant sur le théâtre d’opération. Concentré, il pressa la détente. Les sidoniens s’étaient imprudemment trop exposer en sautant si près de Bellérophon. Un silence, le coup partit et continua sa longue course lumineuse jusqu’à sa cible, la tour de contrôle du vaisseau. Il fut touché, le tir atteignit son objectif qui explosa littéralement. La tour de contrôle était anéantie, les tuant tous sur le coup. A peine arrivé, la frégate était désormais hors service, incapable de manœuvrer sans sa passerelle elle continua sa course effrénée droit devant vers le flanc tribord du Bellérophon. 

       –Hansen ! Manœuvre d’esquive ! Hurla l’amiral.

Ce dernier appuya sur les leviers de commandes de toutes ses forces espérant éviter l’épave fraiche du vaisseau ennemi en feu. Garry faisait tout son possible mais il était déjà trop tard pour l’esquiver. Le Bellérophon ne pouvait pas éviter l’impact alors que l’Aegis était proche de la fin de son chargement dans le même temps. Le combat continua de s’intensifier, mais il paraissait clair que c’était trop tard. Tous virent sur le radar, le retour du Stella Serena de Meyer, à pleine vitesse fonçant droit sur la carcasse ennemie avançant sur le Bellérophon. La visiophonie avec le Stella Serena s’ouvrit, c’était le commandant Meyer :

       –Mes amis, Nous avons tous pris cette décision, nous sommes fiers d’avoir servir avec vous tous. Courage à vous !

Puis ils coupèrent la communication et des vultures s’échappèrent de la frégate en zizanie. Nathan hurla, tapota son clavier pour rouvrir un canal communication car il connaissait la manœuvre entreprise par Meyer. Il n’y avait rien à faire, ils l’avaient décidé et ils rejetèrent toute demande de communications visiophones. Nathan baissa les yeux, il avait compris. Il tourna la tête à tribord et vit le Stella Serena filant droit devant. Au travers de ces baies vitrées blindées, la passerelle de Meyer croisa visuellement celles du Bellérophon via les quelques trois cent mètres d’espace les éloignant. Nash le premier et ses hommes firent un salut militaire à la passerelle du Stella Serena. Meyer et son équipage présent le rendirent, comme pour se dire adieu. Une centaine de personnes allaient mourir, se sacrifiant pour sauver le vaisseau amiral. Cela commencé à devenir lourd pour la conscience de Nathan qui perdit ses hommes.

       Le Stella Serena continua sa course pour entrer en collision avec la frénétique frégate sidonienne. Le choc entre les deux frégates stoppa net la course de ce dernier. Le Stella Serena l’avait carrément embouti et dévia sa trajectoire. Les dommages de la collision créèrent trop d’avaries d’air dans les deux vaisseaux en flammes qui commençaient à s’embraser de l’intérieur. Cela créa une gigantesque explosion qui offrit un sinistre spectacle de flammes éphémères. Anéantissant les deux vaisseaux de guerre en quelques secondes, ne laissant que des morceaux d’épaves carbonisés flottant dans le vide spatial. Tous les autres regardèrent cet effroyable spectacle. Ils étaient consternés par le courage et l’audace du Stella. Tout le personnel du Stella Serena n’ayant pu évacuer sont désormais morts afin de protéger la fenêtre de tir du Bellérophon. Car c’était le seul et unique objectif de Meyer, qui accablé de dégâts, était revenu pour se sacrifier. Comme l’enseigne le livre de l’école de guerre à l’académie des officiers aspirants « Si vous n’avez plus d’armes, n’oubliez jamais que votre vaisseau en est une et qu’il peut faire la différence pendant une bataille décisive lors d’une guerre »

       Proches du Béllerophon, l’explosion du Stella Serena et de la frégate sidonienne envoyèrent leurs feux d’explosion et de débris, qui se fracassèrent sur les vitres, à tribord  de la tour. Tous les combattants restant étaient subjugués par ce qu’il venait de se passer. Pendant quelques secondes, toute la flotte resta hors combat, le temps de réaliser.

       Les tirs ennemis continuaient de faire trembler Bellérophon, leur rappelant le combat :

       –Dogett ! Combien de temps pour Aégis ? Demanda l’amiral.

       –Quelques secondes mon amiral !

       –Miller, au rapport !

       –On ne tiendra pas longtemps, amiral ! Les nôtres tombent comme des mouches, les sidoniens sont trop nombreux !

       –Tenez encore un peu, lui demanda Nathan.

La bataille fit rage et les quatre croiseurs sidonien continuèrent de s’acharner sur le Bellérophon. Mais ce vaisseau était solide, il put continuer d’encaisser. Les tirs ennemis endommagèrent la coque, les batteries anti-aériennes automatisées, et firent de nombreuses avaries qui déclenchèrent de nombreux incendies, faisant de nombreuses victimes. Chaque seconde, l’amiral perdit des hommes sur tous les fronts car ils avaient refusé de se rendre.

L’Andrasta avait bien souffert du combat mais continua à s’acharner sur deux cibles en même temps. Les escadrilles de la flotte dont celle du Stella Serena continuèrent à se battre avec acharnement. Puis, Dogett informa :

       –Amiral, Aegis prêt à faire feu !

Nathan entra alors son code de mise à feu et répondit à son subalterne :

       –Lieutenant Dogett, Aegis armé, tirez.

Tous retirent leurs souffles car ils n’avaient qu’une idée théorique de cette arme. En dehors des simulations informatiques, il n’y avait jamais eu de mise à feu réelle. Arme soit disant capable de libérer un important flux d’énergie dévastateur contrôlable dans l’espace. Il était temps enfin de tester et de savoir, il n’y aurait eu jamais meilleure occasion. Dogett se concentra, il était extrêmement stressé que tout reposa sur ses épaules. Il visa le vaisseau amiral sidonien. Il était un homme capable de contrôler ses peurs au mieux, il soupira, il suffit de presser la détente. Nathan valida l’autorisation de tir, il sua mais resta concentré, puis il pressa la détente en fermant les yeux, cap sur la cible.

       Un torrent d’énergie se libéra du canon de feu de l’Aegis faisant trembler le vaisseau, le faisant reculer de quelques mètres sous son effet. L’imposant flux d’énergie lumineux se libéra du Bellérophon, Dogett n’avait plus qu’à théoriquement, le diriger. Ce déluge de feu d’énergie concentré du vide spatial se dirigea droit face au vaisseau amiral sidonien à une vitesse ahurissante. Le commandant en diplomatie sidonien ordonna une manœuvre d’esquive. Fergusson y vit une lumière enfin libératrice, ce torrent d’énergie entra droit dans la proue avant du croiseur, cela le transperça tel un couteau dans une motte de beurre. Le vaisseau sidonien, incapable d’avoir le temps d’esquiver, incapable d’y résister, explosa sur le coup. Le vaisseau amiral ennemi venait d’être détruit. Ferguson venait de mourir, Nathan eut une pensée pour son vieil ami.

       Réalisant son effet dévastateur, ainsi que son potentiel destructeur encore actif. Dogett dirigea le tir avec aisance vers les deux autres croiseurs ennemis dont la vitesse du tir Aegis ne leur permis pas d’esquiver. Malgré une perte d’énergie à force de pénétrer la matière et de poursuivre sa course. Le tir pénétra sans difficulté la coque du premier bâtiment, heurtant des points sensibles tels que ses réserves d’énergies. Cela créa une réaction en chaine qui le fit exploser, puis atteignant le second, il fut incapable de se mouvoir. Apres cette troisième victime, Dogett continua de diriger le tir vers le dernier vaisseau ennemi encore capable de combattre, malgré que le feu d’Aegis arriva à bout de souffle et que ce vaisseau était suffisamment éloigné des autres. Cependant, dans son dernier souffle d’énergie, le tir parfaitement contrôlé dans l’espace permis de surprendre le croiseur stellaire sur son flanc et pénétra sa coque afin de lui porter un coup critique en son milieu. Cela le transperça littéralement, lui occasionnant de nombreux dégâts et de lourdes pertes en personnel capables de manœuvrer le vaisseau. 

       Ainsi, en même pas quelques secondes, le théâtre d’opération venait de changer et le calme était revenu. Le puissant Aegis du Bellérophon venait de défaire une flotte sidonienne supérieur en nombre.

Les chasseurs sidoniens se replièrent et rejoignirent les deux derniers vaisseaux sidoniens encore capables de fuir. Celui, déjà éloignée qui fuit l’Andrasta ainsi que celui qui venait de prendre un coup critique par l’Aegis. Toute la septième flotte était subjuguée de découvrir la puissance de destruction réelle de l’Aegis qui venait de renverser le cours du combat en quelques secondes seulement. Les carcasses sidoniennes flottaient dans l’espace et ses deux derniers vaisseaux de guerre fuirent le combat, laissant un sillage enfumé et de tôles froissés derrière eux.

       Instantanément, les coups cessèrent de frapper Bellérophon. Dogett ne revenait pas de ce qu’il venait de se produire de sa main, lâchant la gâchette de tir, la main encore toute tremblante. Nathan ordonna de poursuivre les vaisseaux fuyards, n’ayant pas de pitié pour eux. Tout comme ils n’en n’avaient pas eu en poursuivant le Stella Serena, battant pavillon blanc.

       Le Bellérophon et l’Andrasta mirent les gaz et rattrapèrent peu à peu les derniers vaisseaux sidoniens encore en lice de ce combat, beaucoup trop lent suite aux dommages encaissés. Les chasseurs sidoniens continuaient à fuir, n’ayant que faire des lents et lourds croiseurs sidoniens, peu à peu à la merci des hommes. Les deux vaisseaux de la flotte firent feu sur l’arrière d’une frégate, incapable de se mouvoir, fonçant droit devant dans l’espoir de fuir la mort. Les canons photons longues portés de la flotte touchèrent à plusieurs reprises l’arrière du vaisseau sidonien, ainsi que quelques missiles de chasseurs SS-16.

       Ce dernier souffrit des dégâts de l’Aegis, puis il se décala vers bâbord dans une ultime manœuvre d’esquive et de réponse aux tirs. Mais une explosion le pris par l’arrière, entrainant le feu sur tout le vaisseau qui se stoppa net. C’était terminé, ainsi la frégate sidonienne venait de périr sous le regard enfin assouvit des survivants de la septième flotte. Le dernier vaisseau survivant, suite à son combat contre le Stella Serena était trop loin devant et avait réussi à remettre en marche son bond spatial. Ils en profitaient pour sauter, les derniers rapides chasseurs sidoniens en profitaient pour franchir le portail avec le dernier vaisseau, ainsi ces survivants fuirent. Le combat était terminé, en regardant à travers les vitres de la tour, on pouvait y apercevoir les débris d’un Stella Serena déchu ainsi que quatre bâtiments sidoniens. Ils furent détruits en si peu de temps, sans compter les nombreuses victimes dans les deux camps. Cet endroit de l’univers était devenu un véritable cimetière.

       –On s’en va, ordonna l’amiral.

       –Où ? lui demanda perdu, le lieutenant Luciano.

       –Nous allons sauter aux coordonnées d’urgence tactique. 

       Ainsi les survivants de la flotte de combat rejoignirent l’Eureka Nine qui était en sureté, loin du combat. Logan compris qu’il manquait un vaisseau, Powell lui fit un rapport de ce qu’il s’était passé.

       Une fois arrivé à destination en zone sur et caché, sur la passerelle du Bellérophon, le choc des événements retomba. Tous les membres de l’expédition se demandèrent ce qu’il avait bien pu se passer pour que les sidoniens aient voulu attaquer les humains. Chaque personne membre de la flotte avait perdu au moins un proche au vu de ce qu’avait annoncé le défunt colonel Ferguson. C’est d’ailleurs cette colère mutuelle qui avait animé ce gout pour la bataille passé et le combat à mort. Mais que faire désormais, d’après les dires de Fergusson les sidoniens possédaient une flotte supérieure en nombre, et avait déjà anéanti tant de choses, tué tant de gens. Ils étaient renégats maintenant, ils avaient désobéi aux ordres du gouvernement fédéral reditionniste.

       Le personnel avait besoin de temps pour digérer la situation, l’amiral s’était replié dans ses quartiers. Les discussions et les rumeurs allaient bon train dans la septième. Les sidoniens avaient bombardé Paris sans prévenir. Nathan pensa que Loumène et Cassandra étaient probablement mortes, quelle douleur de ne pouvoir savoir. Quelles souffrances pour ces gens d’être si proche de l’espoir de se revoir puis de se rendre compte que cela était surement reporté à jamais. Quelle douleur est la guerre, quelle douleur était-ce pour l’esprit de se poser toutes ces questions. Toutes ces questions que tous se posèrent, qui firent tant souffrir. Dans le but d’essayer de comprendre une seule chose, qu’est-qui valait tant de souffrances? A quoi va servir la mort de tant de personnes qu’on l’on connait et que l’on aime?

       En pensant au Stella Serena, ils se rassurèrent tous en se croisant du regard dans les coursives à bord que cela servit quelque chose de plus grand car aucun sacrifice n’était vain. Malgré tout, toute vie prise est dénuée de sens et veine, d’où cette torture infernale. L’amiral était toujours dans ses quartiers, l’équipage répara le vaisseau comme il le put. Il se demanda ce qu’il pouvait bien faire ensuite. Nathan but quelques verres et repensa au Stella Serena, à Meyer et à son équipage. Powell entra dans la pièce, les deux hommes ne se quittèrent plus du regard. Powell s’assis face à lui et pris la parole :

       –On est condamné maintenant, nous avons tous refusé d’obéir aux ordres de capitulation. Quitte à en finir, je préfère démolir du sidonien jusqu’à ce qu’à ce qu’on en puisse plus.

Nathan sourit, faisant tourner le contenu de son verre en main :

       –James, nous avons perdu la guerre, c’est terminé. Meyer et ses hommes ont fait ce qu’ils pensaient bien de faire. Ça a marché, mais plus de soixante personnes sont mortes pour nous faire gagner du temps, et pour nous faire gagner cette bataille. Seulement, nous ne pourrons jamais rattraper la défaite, les humains ont perdu. On ignore ce qu’il est en train de se passer sur nos planètes.

       –Tu suggères qu’on tente de se rendre ?

       –Je n’en ai pas vraiment envie mais je ne veux pas qu’il y est plus de morts par ma faute, je n’ai pas beaucoup réfléchi l’autre jour. Je n’ai pas le droit de vie ou de mort sur toutes les personnes de la flotte. Nous avons fuis après tout ça mais notre voyage est limité on finira par manquer de ressources vitales. Je pense qu’on les a vraiment énervé, pas sûr que l’amnistie sera toujours valable, les officiers seront surement exécutés.

Powell avait aussi conscience de tout ça aussi, mais il s’efforça de rassurer le commandant en chef de la septième :

       –On sait tous, que plus rien ne sera plus jamais comme avant, mais on peut continuer.

       –Pourquoi faire ? l’interrompit Nathan.

       –Pour le Stella, pour tous ceux qui sont morts, pour l’honneur des hommes. Si nous devons vivre sous leurs pieds, montrons leurs qu’on n’est pas des merdes. Qu’on ne se laissera pas dompter si facilement puisqu’ils veulent nous maitriser. Ils nous ont fait la guerre parce que nous étions une menace, nos leaders ne l’ont pas vu venir. Les sidoniens ne nous verrons pas venir. Bordel j’emmerde ces putains de sidoniens !

Nathan souri, puis il dit :

       –Tu es complètement taré James. Qu’en pensent les équipages de la flotte ? On peut continuer à se battre jusqu’au bout, il faut savoir jusqu’où on va.

       –Pratiquement tout le monde est en colère et conscient de l’issu du voyage.      

       –Mon dieu, Powell, finissions au moins les réserves de mon bar avant celle de carburant, ce serait idiot de mourir ainsi, répondit en riant l’amiral. 

       Il lui servit un verre et ils continuèrent à discuter, parlant de tout et de rien comme deux hommes condamnés. Ils parlèrent d’une guerre qui avait effacé le monde tel qu’ils l’on connut aujourd’hui, la troisième guerre mondiale.

       La dernière guerre moderne ultime entre terriens, c’était dans l’histoire. Elle avait éclaté à la moitié du 21ème siècle. Tous les belligérants du monde entier finirent à bout de souffle, complètement embrasés. C’était à ce moment-là que l’humanité s’était demandé jusqu’au où cette guerre irait, jusqu’au où elle mènerait, ce qu’elle apporterait mais surtout ce qu’elle avait détruit, à tout jamais. Deux puissantes entités aux intérêts divergents se faisait face, l’ancien monde Occidental contre l’Asie et le Moyen-Orient. L’humanité était face à un choix, celui de disparaitre ou de perdurer. En tant qu’espèce intelligente sur le point de s’effondrer dans l’usure. Les anciens finirent par se mettre autour d’une table et à discuter au lieu de se fracasser les uns et autres sans cesse. Les ancêtres terriens en étaient arrivés là pour le profit de ressources épuisables au détriment de sa survie même. C’était lorsque les personnes se pensant intouchables furent atteintes qu’ils remirent en cause leurs motivations.

       Tous, en était arrivé à la conclusion que pour survivre il ne fallait plus courir dans la surenchère de l’orgueil matériel. Il était devenu impossible de posséder les plus majestueux biens du monde si nul ne pouvait le fabriquer. Il était inutile de posséder obsessionnellement toutes les richesses matérielles du monde si nul ne pouvait les admirer. Il était devenu inutile d’être riche et puissant si même les derniers fruits et légumes ne pouvaient plus pousser sur Terre. Il était nul de détruire si on ne pouvait suffisamment recréer.

       Pour survivre, il fallait penser au collectif. Ainsi l’humanité du 21ème avait pris un tournant, évoluant consciemment dans cette idéologie. Il était temps de partager, de faire disparaitre les frontières, de mener une croissance de la civilisation, non plus axée sur la croissance infinie consommant des ressources finies mais sur les connaissances, sur la préservation des ressources et son renouvellement. Trop de ressources ayant disparu par pur gâchis, puisque la concurrence entre les hommes avait toujours accéléré le processus.

       Ces progrès ont permis à l’exploration spatiale de décoller, aux hommes d’aller sur Mars et de découvrir l’ethérium. Malheureusement, ce courant de pensée avait régressé avec la découverte de Terra Nova.

       La troisième guerre était évoquée entre les deux hommes car c’était la dernière grande guerre que l’homme avait subi il y a presque deux cent ans. Pour eux, il y avait des leçons à en tirer. Elle avait fait réfléchir l’humanité, tout comme la deuxième avec la première utilisation de l’arme atomique. L’excuse pour en arriver là fut toujours la même finalement. « Sans cela nous n’en serions pas là aujourd’hui, il fallait le faire, il fallait payer ce tribut pour pouvoir faire autrement. »  Etait-ce vraiment le cas, ne pouvait-on pas réfléchir avant d’en arriver là ?

       Durant cette  discussion purement philosophique, les deux leaders de la flotte, chefs de guerres assumés se demandaient alors. L’humanité réagit-elle uniquement lorsqu’elle se trouve au pied du mur ? L’amiral Nash reprit la parole sur un autre sujet :

       –C’est le désespoir dans la flotte. Ils sont tous usés, de ce voyage, de cette bataille, de comprendre cette guerre. Cela se lit sur les visages, mais pourtant nous avons fait la guerre ensemble. Contre quoi je n’en sais rien encore, mais nous l’avons fait. 

       –Avons-nous fait le bon choix Nathan?

       –Pour tout te dire James, je n’en sais rien. J’ai cherché l’approbation de mes pairs avant de me décider. J’ai juste suivi ce sentiment de colère lisible dans les yeux de tous. Pour conclure, je pense malheureusement, que nous parvenons à avancer que lorsque nous sommes au pied du mur. Sans quoi, nous sommes tous incapables de nous remettre en question.

       –Il ne s’agit plus de nous seuls, mais de la septième. D’après Fergusson les sidoniens auraient tout détruits, reprit Powell.

       –Détruire notre civilisation pour mieux la reconstruire à leur image, conclu-t-il.

       Les deux hommes se quittèrent après cette longue et douloureuse soirée en questionnement.

       L’amiral retourna sur la passerelle, prendre son tour de garde et contrôler que tout se passa bien. La flotte isolée était toujours en alerte, il donna la main à son troisième, le lieutenant Dogett.

       Nathan voulut se rendre dans les hangars du pont d’envol de son vaisseau pour discuter avec l’ingénieur en chef et les pilotes d’attaques dont le capitaine Miller. Nathan arriva sur place pour demander à l’ingénieur en chef si ses « frelons » étaient opérationnels, si leurs camouflages radars pouvaient réellement être efficaces contre les sidoniens. L’ingénieur répondit que théoriquement oui, puisque leurs tests d’aptitudes avaient étés positifs. L’amiral sembla satisfait de pouvoir poursuivre sa guerre et le chef d’escadrille comprit pourquoi.

       Peu de temps après, Nathan rassembla son état-major, donnant lieu à une réunion stratégique. Il avait déterminé un plan pour lutter contre les sidoniens, il n’avait que cela en tête. Les personnalités importantes de la flotte étaient présentes, Powell, Logan et seconds, ainsi que Miller, Da Silva et l’ingénieur en chef étaient présents. Nathan déclara devant l’assemblée, réunis en salle tactique des opérations :

       –Nous allons mener des opérations de harcèlements, type guérilla. Le plan est simple, un frelon, chasseur furtif Blackhornet saute près d’un bâtiment sidonien. Ce qui n’est pas dur à trouver dans la zone spatiale humaine, neutralise les systèmes de motricité du croiseur ennemi sans se faire repérer. Puis la flotte fait un bond, les empêchant d’utiliser la plupart de leurs armes conventionnelles et on les attaque avec Aegis. Le croiseur sidonien ciblé sera  immobile, il sera vite détruit, portant un coup à leur suprématie spatiale.

       –Avons-nous un risque de perte élevé sur les chasseurs ? Demanda Miller.

       –Nous partirons avant de subir trop de pertes. Il ne faut pas que les chasseurs s’attaquent aux croiseurs, ils devront se contenter de défendre la flotte des chasseurs ennemis. Les Blackhornet sont un concentré de technologie, ils produisent tellement peu de traces énergétiques, qu’ils sont invisibles au radar. Ils sont capables de bondir au dos d’un croiseur ennemi et de le neutraliser, embarquant suffisamment d’armes pour ne pas se faire repérer. Il est vrai qu’une fois qu’ils aient attaqués, ils peuvent être repérés et sont vulnérables.

       –C’est-à-dire ? Demanda Luciano.

       –Il peut rendre vulnérable un vaisseau sidonien.

       –Cela semble facile, les sidoniens ne sont-ils pas capables de nous le faire aussi ? demanda Miller.

       –Je l’ignore, mais nous le serons bien assez tôt, seulement voilà. Ils sont visiblement présents dans tout l’environnement spatial connu par l’homme et ils n’ont pas peur de se montrer. Alors que nous, ils ignorent notre position depuis que nous avons déconnecté les vaisseaux des Panopticons.

       –C’est un excellent outil pour mener une guérilla, répondit l’ingénieur du pont d’envol.

       –Nous pouvons alors nous mettre en chasse, déclara le commandant Powell.

       Pleins d’entrain du désir de vengeance, la flotte se mit en alerte de chasse. L’amiral ordonna un bond pour retourner dans l’espace connu de l’homme, Andromède. Nathan gardant les coordonnées de la ministre près de lui. Elles étaient dans la poche de son uniforme pour plus tard. Car il était encore le temps de la vengeance et de la colère, tous le désiraient.

       Les jours passèrent, et les vultures en reconnaissance sautaient en amont du Bellérophon cherchant une cible potentielle sur le radar ou en visuelle. La galaxie d’Andromède étant immense, les jours défilèrent et la tâche pour trouver une cible n’était pas aisée. Le personnel profitait de chaque jour de liberté comme le dernier lors de ces moments, signifiant le calme avant la tempête. Ils profitèrent d’être ensembles, ils voulaient gagner du temps car ils pouvaient subitement mourir telle une partie de l’équipage du Stella. Le monde tel qu’ils l’avaient connu avait surement dû changer avec la guerre. Ils n’oublièrent pas au fond d’eux que le refus de se rendre les avait menés à la déchéance de leur statut de militaire fédéral. Désormais, ils étaient considérés comme des renégats, des pirates, ennemis de l’état à abattre. Personne n’oublia l’équation des ressources limités, en carburant, en nourriture, ainsi chaque jour passé à vivre les consomma irrémédiablement.  Chaque jour passé sans chercher à négocier une quelconque reddition les rapprochaient de la mort certaine. Mais entre la mort et le désir de vengeance, la majorité préférait pour l’instant la deuxième option.

       Un jour, un vulture revint et rapporta l’observation de deux croiseurs sidoniens près d’une ressource stratégique en carburant pour les hommes quand ils contrôlèrent cet espace. Aussitôt la nouvelle sue, l’amiral prit ses dispositions, il rassembla son état-major pour exposer son plan de bataille qui était très simple comme au moment de la réunion.

       Le lendemain, la septième flotte se mit en alerte de combat. Tout le monde sur la passerelle était prêt, suivant le plan, Bellérophon et Andrasta étaient prêts à sauter, l’Aegis était chargé et était prêt à tirer avant de sauter. Puis, deux Blackhornet sautèrent non loin des vaisseaux sidoniens repérés. Tout le monde avait le souffle coupé, espérant qu’ils ne se fassent pas repérer par les sidoniens.

       Les Blackhornets avaient discrètement sautés et ne semblaient pas avoir été vus. Ils s’avancèrent jusqu’à leurs cibles. Ils en étaient désormais très proches, dos à elles. Miller en tête déverrouilla les armes. Il appuya sur le bouton rouge, un missile parti de son chasseur et s’avança vers le croiseur sidonien qui ne réagit pas. L’autre pilote en fit tout autant, les deux missiles touchèrent leurs cibles. C’est-à-dire leurs moteurs, ils explosèrent instantanément, paralysant les deux croiseurs ennemis. Miller rapporta aussitôt l’information pour que les vaisseaux de guerre humains sautent dans la zone de combat tout aussi vite. Les croiseurs sidoniens déployèrent alors leurs forces de frappe aérospatiale, mais ils restèrent incapables de manœuvrer, comme prévu. Une fois arrivé sur place avec l’Andrasta, Nathan ordonna :

       –Lieutenant Dogett, feu.

L’artilleur principal libéra alors la puissance de feu du Bellérophon. Le vaisseau en recula de quelques mètres, le feu d’Aegis sorti du canon du vaisseau amiral suivant sa route droit vers ses cibles.

       Le premier croiseur se mit difficilement sur le côté pour attaquer les vaisseaux humains arrivés mais il fut déchiré en son milieu par la lumière dévastatrice de Béllerophon. Cela le transperça et le fit exploser, Dogett continua encore de diriger le tir toujours bien alimenté vers le deuxième vaisseau qui ne vit que cette lumière. Cela ne prit que quelques instants pour être également traversé, entrainant immédiatement sa destruction.

       Les sidoniens étaient désabusés, les chasseurs ennemis se dirigeant confiant vers les croiseurs humains rebroussèrent alors chemin sans possibilité de fuite, mais ils n’étaient pas la cible de Nathan. La mission était un franc succès, les sourires étaient visibles sur les visages des membres de la passerelle. L’amiral ordonna immédiatement le retour des deux Blackhornet, face à l’efficacité de l’Aegis, il n’avait pas eu à ordonner le déploiement des SS-16. Il fallait partir avant qu’une armada sidonienne prévenue par les survivants n’arrive. Le mal était ainsi rendu, il fallait désormais partir afin de fuir les représailles. La septième flotte quitta alors la zone de combat en faisant un saut.

       Après ce succès militaire, les dirigeants de la flotte en profitèrent pour se réunir afin d’en parler. Tous remarquèrent avec effroi l’efficacité de cette arme expérimentale. La récente expérience avait démontré que cela était possible, que la guérilla pouvait prendre tout son sens.

       Les ressources restantes pouvaient le permettre pendant un certain temps. Le vaisseau ravitailleur Eureka Nine pouvait encore assurer longtemps le traitement de carburant s’il trouvait le minerai nécessaire. Quant à l’eau potable, le Bellérophon pouvait assurer un renouvellement décent malgré une légère perte d’usure. Quant aux ressources de nourritures, l’urgence en protéine se ferait assez vite ressentir.

       Quoiqu’il en soit cette opération de guérilla était un exploit à renouveler afin d’assouvir ce sentiment de vengeance partagé. Pour l’ensemble de la septième flotte, il fallait continuer ainsi, car il n’était pas question d’errer sans réel but dans le vide intersidéral de l’espace.

       Ainsi les vultures sous l’égide de Nash et de Powell continuèrent de rechercher des cibles potentielles dans la galaxie Andromède prise par les sidoniens aux hommes.

       Les jours passèrent et une nouvelle cible isolée s’offrit à la septième flotte qui saisit aussitôt l’occasion. Le même plan de bataille se mit en marche, un Blackhornet sauta et  neutralisa la mobilité du vaisseau ennemi. Puis le Bellérophon et l’Andrasta sautèrent à leur tour, l’Aegis chargé envoya son feu dévastateur sur le croiseur sidonien, les détruisant en un instant.

       Ainsi, chaque jour qui passa, chaque fois que la flotte tomba sur un croiseur sidonien isolé était un jour béni. Puisque l’Aegis régla son compte en un battement de cil. Cette arme, très puissante était une chance, utilisée intelligemment, elle permit d’éviter de risquer son vaisseau porteur et de nettoyer la zone spatiale humaine avec une efficacité redoutable.

       Les sidoniens étaient confiants en s’appuyant sur leur suprématie numérique spatiale pour s’assurer le contrôle de la zone. Seulement, ils leurs étaient impossibles de repérer facilement l’élément perturbateur, car la septième flotte était isolée et bougea sans cesse.

       Pour la septième, faire le ménage devint monnaie courante mais cela semblait ne pas avoir de fin. Les jours défilèrent et pourtant, régulièrement des croiseurs sidoniens étaient si facilement effacés de leur contingent. Par lassitude, les résistants commencèrent à penser que cela n’avait pas de fin et était inutile malgré le défouloir offert.

       Les sidoniens perdirent tant de vaisseaux, la septième faisait tant d’efforts mais tout cela sembla ne pas effrayer son ennemi. Les sidoniens gardèrent leurs positions et ne changèrent pas de stratégie. Les équipages avaient la sensation que ces efforts de guerres étaient futiles, faute de persévérance sidonienne. Malgré tout, l’espoir de faire mal aux sidoniens ne retomba jamais, car Nathan et Powell menèrent cette guérilla avec détermination et dextérité.  

       Au sein même de la flotte, le quotidien faisait fit de se passer. Les officiers se rendirent chaque jour sur la passerelle. Les hommes et femmes composant l’équipage s’occupèrent comme ils le pouvaient. Ainsi des liens nouveaux se créèrent entre eux avec le temps. Bien plus fort que le strict protocole militaire l’obligeait et cela les réunissaient. Da Silva continua à voir discrètement Miller, elle était toujours en retard à l’heure de sa prise de poste quand elle quitta sa couche, toujours le visage aussi jovial. Ses collègues de même rang savaient qu’elle venait de passer un bon moment, personne ne lui tint rigueur. Nathan le voyait bien lui aussi, mais n’y prêta guère attention, car il savait qu’ils avaient tous dépassé le temps d’isolement recommandé d’une mission classique.

       Da Silva, en tant qu’officier second face à lui, en était son exemple le plus visible à ses yeux. Nathan était conscient que l’amusement hors règlements se multiplia dans la flotte, les équipages évacuant le stress comme ils le pouvaient. Powell et Logan lui rapportèrent souvent ce genre d’affaires dans leurs équipages, Nathan leur recommanda sa ligne de conduite. Possible que cela pouvait nuire au bon fonctionnement de l’ordre à bord mais ça lui semblait également important de rester souple avec ses hommes vis-à-vis de la rigidité du protocole militaire. Pour l’amiral, il fallait exploiter les rapports humains à bon escient pour conserver et renforcer leurs relations entre eux.

       Il se devait de garder en ordre sa flotte ainsi que leur donner de nouveaux objectifs ambitieux, sans quoi la lassitude et le désir d’abandonner risquerait de prendre place. Un leader comme lui devait faire preuve de créativité et d’imagination pour inspirer et motiver tous ceux qui le suivaient. La guérilla pour se venger était une excellente source de motivation pour ses équipages. Mais, il fallait aller encore plus loin, car les sidoniens se jouèrent des efforts de la septième, comme s’ils étaient vains en ne répliquant pas avec énergie.

       Beaucoup, tel que de le commandant Logan, suggérèrent d’envoyer en observation des Blackhornet sur Terra nova. Pour Nathan, cela sembla beaucoup trop dangereux de s’approcher d’aussi près Terra Nova. Même s’il n’y avait pas de retombées immédiates, la stratégie de guérilla d’harcèlement était plus sûre en attendant. Le principal intérêt étant d’utiliser l’Aegis afin de les violenter.

       Les officiers dirigeants de la flotte continuèrent à se voir pour parler de stratégie à court terme et des problèmes quotidiens de la flotte. Ainsi pendant que Nathan vaquait à ses rêveries, Powell, Logan et leurs seconds parlèrent de tout cela entre eux. L’amiral se contenta d’arbitrer tout en fixant l’horloge avec la date terrienne dessus. L’année 2235 approcha, cela faisait déjà presque deux mois qu’ils naviguèrent dans l’espace en éliminant tout croiseur sidonien.

       Nathan pensa à sa fille et à sa femme, comme toutes les personnes de la septième pensèrent parfois à leurs proches. Souvent, ils se demandèrent tous comment était désormais façonné le monde dans lequel ils vécurent autrefois.