V – Foi

Sarabande

« Nous qui incarnons les yeux, les oreilles, les pensées et les sentiments cosmiques, commençons enfin à nous interroger sur nos origines. Poussières d’étoiles contemplant les étoiles. »  

Carl Sagan, astronome américain du 20ème siècle.


       Voilà presque dix jours que la septième flotte continua de suivre aveuglément l’amiral Nash qui leur avait promis des solutions à venir à l’issue de ce long voyage périlleux.

       Il ne resta plus que quelques heures avant d’effectuer le septième saut. En attendant l’amiral était curieux d’en apprendre plus du journal de la petite fille trouvé à bord du vaisseau fantôme. Alors, Il alla voir le docteur Keller dans son laboratoire, à qui il l’avait confié. Il arriva et l’observa, elle avait toujours sa blouse ouverte et un air déluré, elle leva les yeux :

       –Bonjour amiral, ravie de vous voir, ça faisait un moment ! lui dit-elle.

       –J’ai été très occupé ces derniers temps. Je voulais savoir si vous aviez eu le temps de travailler au sujet du vaisseau fantôme.

       –Oui bien sûr ! Heureusement que la base de données du Bellérophon est complète, c’est bien. Alors oui le vaisseau date bien des années 2150, soit presque 50 ans après avoir découvert Terre Nova. La technologie du vaisseau, les armes et les habits, tout ça date bien cette époque-là. Je me suis également renseignée sur la Galaxy Express Corporation. Elle n’existe plus aujourd’hui, elle avait été rachetée autour de ces années-là justement, faute d’héritiers depuis que son patron avait disparu en mission.

       –Son patron, je l’ai peut-être croisé, mort et congelé. Acheté par qui vous dites ?

       –Une ex-filiale du consortium bancaire de l’époque. Ils avaient racheté énormément de compagnies marchandes dans l’import-export à cette période. Elles étaient très florissantes, mais très fragiles.

       –J’ai du mal à comprendre pourquoi ils les ont achetés. Si je regarde aujourd’hui, le consortium bancaire interplanétaire est l’une des institutions les plus puissantes de notre système. Vous avez un listing de noms de la flotte de vaisseaux qu’avait eu cette compagnie ?

       –Oui, mais ça ne sont que des noms, il n’y a pas les numéros matricules.

Nathan prit la tablette de Keller et lu la liste. Quand soudain ses yeux restèrent bloqués sur un nom. Il relut ce nom au moins trois fois pour en être sûr. Puis, il posa la tablette et sortit de la poche de son uniforme le bout de papier que la ministre Claire Swan lui avait donné en main propre. Ce papier étant frappé du sceau « Naglfar ». Curieuse, le Docteur Keller s’approcha et vit le papier, puis s’écria :

       –Mais où avez-vous trouvez ça ?

       –Ecoutez, n’en parlez à personne docteur.

       –Mais il porte le même nom que le vaisseau amiral du patron de la Galaxy Express corporation.

       –Le vaisseau du patron ? Demanda-t-il.

Elle prit sa tablette et lui montra un vieil article de news archivé.

       –Oui regardez-là !

« Naglfar, vaisseau amiral de la compagnie. Porté disparu en voyage entre les deux mondes en 2152. Tous les membres d’équipage, et toute la famille est portée disparue. »

       Des millions de questions vinrent d’un coup se bousculer dans la tête de Nathan : Qu’est-ce toute cette affaire ? Ces coordonnées écrites sur une note provenant d’un vaisseau marchand du siècle passé? Qu’a voulu lui montrer Swan? Quelle était le lien entre tous ces éléments ?

       Nathan était un peu perdu, et la ministre devait surement être morte aujourd’hui. Elle avait tenu à lui transmettre cet ultime message. Il n’arrivait pas à comprendre où elle voulut en venir. Il avait envie d’en savoir plus, car tout ceci devait avoir un lien.

       –Docteur ! Vous avez un déconditionneur de vide ? Demanda-t-il.

       –Oui bien sûr !

       –Bien. Je voudrai que vous décongelez le journal que je vous aie apporté sans le briser.

Ils firent quelques mètres devant le congélateur. Ainsi, le docteur Keller, avec soin et précision, décongela le journal de la fillette, d’une température de -300° Celsius à une température ambiante, et tout ça le moins brutalement possible.

       –Cela prendra quelques jours. Je vous informe dès que c’est bon. Je n’ouvrirai pas ce journal sans vous. Ne vous inquiétez pas, lui dit Keller. Quant à Haiden, il n’y touchera pas. Il veut se rendre utile, il a des notions en génie de la mécanique des énergies. Il doit surement être avec votre ingénieur des armes. Il passe tout ce temps à réparer ce que vous les militaires cassent.

       Trois jours passèrent et ne fallait plus que quelques instants à attendre afin de pouvoir effectuer le septième bond. Forcément, Nathan était de quart et il continua de s’interroger sans cesse.

       –Vous avez l’air pensif, lui demande Da Silva.

       –Je contemple les étoiles, major.

Pour faire face à l’ennui, l’équipage discutaient :

       –Vous ne trouvez pas que la vie est plus intense quand nous sommes tous ici, bien plus que la vie terrestre où tout le monde est virtuellement absorbé, demanda Oswald à Luciano.

       –En tout cas, elle est plus dangereuse, répondit Luciano.

       –C’est par ce qu’ils oublient de vivre, repris Oswald.

       –Silence ! S’écria l’amiral.

L’intuition du danger fit mettre Nathan sur ses gardes. Il leva les yeux sur les différents radars, rien à signaler. Il demanda :

       –Vous n’entendez pas ? Lieutenant Oswald, vous avez quelque chose?

       –Rien monsieur.

       Le vaisseau commença à trembler. Tout le monde s’étonna. Logan et Powell demandèrent une visiophonie à l’amiral :

       –Que se passe-t-il? Demanda Powell

       –Monsieur ! Regardez à l’horizon, droit devant ! s’écria Luciano.

       –Non de dieu ! S’écria l’amiral.

       La lumière forme une spirale et ils étaient dedans, l’intercom commença à se brouiller et la liaison risqua de se couper. Nathan jeta un œil sur sa position, il était bien positionné et était très proche du prochain saut. Il fallait encore attendre mais il craignit de perdre la communication avec les autres vaisseaux, ne pouvant les faire sauter aux coordonnées que lui seul connaissait. Les vaisseaux de septième tremblèrent de plus en plus, tout l’équipage eut du mal à tenir en place debout. Il fallait faire vite :

       –Augmentez toute la puissance des moteurs, ordonna l’amiral.

       –Amiral, on sait de quoi il s’agit. Nous devrions sauter maintenant s’écria Da Silva

       –Major ? Demanda Oswald.

       –C’est un trou noir, si on doit s’en approcher de plus en plus, on va se disloquer lentement !

       –On ne le voit pas, ni aux écrans, ni en visuel, reprit Oswald.

       –Il n’y a pas assez de particules de lumière. Il est juste au-dessous de nous, il a échappé en brouillant les instruments, répondit Nash.

       L’amiral se ressaisit et commença à entrer les coordonnées de bond spatial pour la septième flotte avant que les instruments ne se grillent. Le tout au moment même où les coordonnées théoriques sur sa tablette s’alignèrent avec l’endroit où il se devait de sauter.

       Les portails s’ouvrirent et les trois vaisseaux entamèrent leurs sauts qu’ils franchisèrent avec difficulté. Les portails semblèrent instables et ils grésillèrent. Cela ne fit que monter l’inquiétude de tous les équipages sur l’issue du voyage proposé par l’amiral.

       Le portail était blanc brillant de l’autre côté, on n’avait du mal à y voir au travers l’habituel espace noir et flou à la proue du vaisseau. Certains reculèrent même d’un pas, un à un les vaisseaux de la septième se retrouvèrent de l’autre côté. Aussitôt, les portails franchis, les vaisseaux penchèrent et commencèrent à tomber telles des pierres vers l’avant :

       –Luciano ? Demanda le Major.

       –Je ne comprends pas, nous ne sommes plus dans l’espace traditionnel. Il n’y aucune force d’inertie, tous les indicateurs déconnent, il n’y rien ici. C’est impossible…  je sais juste que nous sommes tous en train de tomber, répondit-il.

       Les trois vaisseaux commencèrent à ralentir dans leurs chutes car une sorte de poussière dorée s’accumula en tombant. Cela finit par épouser la forme des vaisseaux et avait fait effet de rétention. Quand soudain, les indicateurs cessèrent de bouger. Les vaisseaux de la septième flotte arrêtaient de chuter. Ils étaient désormais immobiles dans cet endroit défiant les lois connus de l’univers.

       Tous étaient complètement hypnotisés par l’endroit où ils étaient. Powell et Logan, toujours en intercom, demandèrent des explications à l’amiral :

       –C’est de la folie ! Où nous avez-vous emmenez amiral ? Demanda Logan. 

       –Avons-nous sauté dans le trou noir ?  Demanda Da Silva.

Nathan vit tous ses hommes sur la passerelle le fixant. Il s’avança jusqu’aux vitres et il observa. Cet endroit était d’un blanc brillant aveuglant, il n’y avait rien d’autre à l’horizon. Cela était déroutant pour tout le monde, changeant de l’obscurité de l’univers. Ses officiers se joignirent à ses côtés, ils regardèrent ensemble. Cette poussière blanche se déposa sur le Bellérophon, le recouvrant lentement comme de la neige.

       –Amiral, vous savez ce que c’est ? Demanda Oswald.

       –De la poussière d’étoile, répondit-il. Messieurs, je crois bien que pour être proche de la vérité, nous avons dû franchir les ténèbres.

       –Nous sommes dans le trou noir ? Demanda Powell qui comprit la métaphore.

       –Peut-être, mais ne vous en faites pas, ce n’est qu’une étape du voyage. Maintenez un angle d’élévation de quinze degrés. Sergent Hansen, moteurs à vingt pourcent, maintenez le cap droit devant, déclara-t-il.

       Nathan semblant sûr de lui, rassura tout le monde, puis le pilote exécuta les ordres. Les trois vaisseaux avancèrent droit devant à lente vitesse de croisière. Nathan regarda à nouveau sa tablette, elle lui calcula toujours des coordonnées théoriques du prochain bond. Ils allèrent devoir refaire un saut demain. Personne ne compris ce qu’était cet endroit, Nathan lui-même l’ignora mais il garda son sang-froid pour ne pas inquiéter la flotte qu’il emmena vers l’inconnu.

       Cependant, il espéra peut-être trouver des éléments de réponses dans le journal de la fillette. Sans réelles convictions, mais c’était tout ce dont il disposait en lien avec ce papier donné par Swan. Il céda le commandement de la passerelle à son officier exécutif pour se rendre au laboratoire du docteur Keller :

       –Docteur, avez vu pu sauver mon journal ?

       –Oui, il est là, je ne l’ai pas touché. Il est en parfait état, la décongélation ne l’a pas abimé.

       Elle s’approcha de lui en lui donnant le livre qu’il prit. Il ne put s’empêcher de remarquer la couverture avec le cygne, qui avait retrouvé toute sa brillance. C’était fait main, par une enfant douée sans aucun doute, c’était à la base un journal de bord papier marqué du sceau Naglfar. Au moins, il était fixé sur l’identité du vaisseau fantôme. Il ouvrit la première page et lu. Cela racontait la vie d’une petite fillette de sept ans qui voyagea beaucoup. Nathan vit à travers ses lignes qu’elle se sentit souvent seule. Il continua à tourner les pages et à lire.

       Quand soudain, les dernières pages intéressèrent sa lecture :

« Cher journal, aujourd’hui Papa a très peur. Il dit que nous sommes suivis et que des gens veulent nous tuer. Il fait peur. J’ai pleuré, maman m’a consolé, ils se sont disputés. »  

       Deux jours après, il fut écrit :

« Papa hurle qu’il est coincé, il est énervé, il frappe partout. Il dit qu’il ne comprend pas comment ils le retrouvent. Papa hurle qu’ils sont de plus en plus proches. Il dit à maman qu’il faut faire un saut n’importe où. Elle n’est pas d’accord avec papa. J’en ai assez de les voir s’engueuler, je n’aime pas ça. Je vais aller me cacher. »

       Le lendemain, il lut :

« Nous avons fait un saut spatial, je vois toujours la même chose par le hublot, il y a moins d’étoiles. Alors que maman dit à Papa que nous sommes perdus. Papa n’a jamais trop eut le temps pour moi, et il m’a dit aujourd’hui qu’il était désolé de ça. Petit Journal, cet après-midi, un vaisseau gris vient d’arriver maintenant, je le vois ! Je le vois de ma fenêtre, il y a de la lumière partout et le Naglfar tremble et brûle. J’ai peur, je crois que nous nous allons tous mourir».

       Nathan tourna encore une page, Il n’y avait plus rien, excepté une page arrachée. Il sortit de la poche de son uniforme, le papier jauni avec les coordonnées écrites dessus que la ministre lui avait donné. Il déplia le morceau de papier, puis juxtaposa les deux cotés arrachés. Ce papier vint bien de ce journal, Nathan avait du mal à y croire. Le Docteur Keller ne comprit pas pourquoi Nathan avait ce papier, même si elle comprit que leur voyage avec un lien avec tout ça.

       –Où avez-vous eut ça Nathan ? Demanda-t-elle.

       –Docteur, il est très important que vous me fassiez confiance et que vous n’en parliez à personne, répondit-il. Elle le fustigea :

       –Nash ! Vous me rapportez un journal de fillette vieux de presque cent ans, qui vient d’un vaisseau marchand perdu de l’univers après avoir été attaqué. Vous avez une pièce du puzzle sur vous. Et, vous vous obstinez à ne pas me donner d’explications ?

       –Cette pièce du puzzle m’a été remise par une personne de la plus haute importance au sein du ministère. Il contient les informations sur notre destination finale. Et nous nous y rendons. Je dois savoir ce qu’il y a au bout de tout cela, pas vous ?

       –Savez-vous seulement où nous allons ? Ce qui est certain, c’est que cette personne voulait qu’on arrive là.

       –Je l’ignore, mais je pense que ce voyage ne sera pas vain, tout ceci ne peut pas être un hasard.

       Nathan quitta le laboratoire et se rendit dans ses quartiers. Il lut encore le journal de la fillette, essayant toujours plus de se plonger dans son existence, se disant que c’est tout ce qu’il resta d’elle, se demandant ce qui avait bien puis lui arriver. Il avait vu les cadavres de ses parents, mais aucune trace d’elle, peut-être les pirates l’avaient embarquée. Certaines choses lui échappèrent comme le fait que le vaisseau pirate de l’époque sut tracer le Naglfar.

       Il était inquiet que la destination finale soit dangereuse et n’aboutisse à rien. Il ne craignit pas le dernier vaisseau pirate encore actif, Lazare, qui avait même sauvé sa flotte. Il but un verre et resta évasif dans ses pensées. Il prit sa tablette et ouvrit le dossier sur sa famille, lui rappelant de bons souvenirs passés avant de s’endormir.

       Le lendemain, il fit le point sur les réserves qui s’amenuisèrent. Ce voyage était sans retour, cela était certain. L’arrêt de mort de la septième flotte était signé s’ils ne trouvèrent rien d’intéressant à l’issue de ce voyage. Nathan alla sur la passerelle. Il n’y avait toujours rien à l’extérieur, à part un environnement infiniment lumineux, pas d’étoiles, pas de gazeuses, rien.

Nathan se plaça comme toujours face à son second qui s’avança face à lui pour lui adresser la parole calmement :

       –Bonjour amiral.

       –Major.

       –Je trouve cet endroit vraiment, mais vraiment hors du commun. Il est peu oppressant et j’ai fait des rêves si réels cette nuit.

       –Ah bon ? Demanda Nathan.

       –Oui j’ai rêvé de ma sœur, elle me disait qu’elle était heureuse pour moi et qu’elle veillera sur moi et mon futur enfant. C’était étrange, elle est décédée depuis quatre ans maintenant.

        –Major, je vous avoue que moi aussi, j’ai fait un rêve cette nuit qui me semblait réel. J’ai vu ma femme et ma fille, elles me disaient que tout allait bien se passer. Je me devais toujours croire en nous. 

       Le major Da Silva retourna derrière la table tactique. Intrigué, Nathan demanda autour de lui :

       –Lieutenant Oswald !

       –Oui monsieur !

       –Avez-vous des rêves cette nuit ?

       –Monsieur ?

       –Oui, avez-vous fait un rêve cette nuit ?

       –Oui je crois bien.

       –Faites une analyse sur le spectrogramme, ordonna Nash. Puis il ajouta, si ce n’est pas indiscret, de quoi vous avez rêvé ?

       –Analyse spectrogramme négatif, monsieur. Cette nuit, j’ai rêvé de  mon meilleur ami, il m’a dit qu’il était mort sur Terre. Il m’a aussi dit, amiral, que nous suivons le bon chemin.

       Etonné de cette réponse, il demanda au lieutenant Luciano :

       –Luciano ? Et vous ?

       –J’ai rêvé de mon père qui me disait qu’il était fier de moi avec une bonne tape sur l’épaule, il était un homme rustre !

       –Votre père est-il décédé ?

       –Oui, depuis longtemps déjà.

       –Dogett ? Demanda Nathan.

       –C’était si réel, j’ai rêvé de mon ex-femme. Elle m’a dit que je serais toujours tête brulée, et que nos enfants étaient heureux. Elle m’a aussi dit que je la reverrai bientôt et que nous serions ensemble. C’était une sensation rassurante.

       –Vous teniez toujours à elle ?

       –J’ai toujours pensé que notre divorce était une connerie, je suis certain que l’on a toujours pensé l’un à l’autre.

       –Et vous Sergent Hansen ?

       –J’ai rêvé de ma fiancée restée à Hencka. Elle m’a dit que j’étais un idiot, qu’elle était déçue, je ne comprends pas. C’était très désagréable, mais ce n’était qu’un rêve.

       Nathan regarda Da Silva, puis il lui dit discrètement :

       –Décidément cet endroit est surprenant. Spectrogramme plat, j’espère que nous n’ayons pas subit une attaque mentale.

       Nash s’avança vers la baie vitrée et remarqua qu’il y avait toujours plus de ce qu’il avait appelé de la poussière d’étoile s’agglutinant autour du vaisseau. C’est cette accumulation de matière qui avait freiné la septième flotte dans sa chute dans le vide lumineux.

       –Sergent ?

       –Monsieur ?!

       –Coupez les moteurs.

       Hansen coupa les gaz, le vaisseau perdit de la vitesse et continua d’être poussé par sa force inertielle. Le Bellérophon ralenti, Nathan fixa le compteur de vitesse qui continua à diminuer. Puis il ralentit de moins en moins vite, cela surprit Nathan. Quand soudain le compteur finit par se stabiliser, puis commença à progresser de plus en plus vite, le Bellérophon reprit de la vitesse sans ses moteurs. Ainsi le vaisseau s’avança tout seul. Da Silva décrocha l’appel de Powell qui demanda pourquoi le Bellérophon s’était arrêté. Surprise, elle lui demanda simplement de faire la même chose puis elle raccrocha.

       –Il semblerait que nous allons économiser du carburant, major. 

       Nathan suivit les conseils écrits au dos du papier où étaient écrites les coordonnées.

       Dans quelques heures la flotte allait faire son huitième bond. Nathan continua d’observer à travers les vitres qui s’étaient automatiquement teintées.

       Cette partie de l’univers était intensément lumineuse, sans étoiles, sans noirceur, sans lois physiques qui s’y appliquent. Cette poussière d’étoile qui s’était collée sur les vaisseaux jusqu’à les recouvrir entièrement, s’était mise en synergie pour faire avancer la septième flotte.  

       Le temps s’écoula vite et les heures passèrent. Nathan fixa sa tablette, il était temps de partir, il se sentit un peu lourd de quitter cet endroit fantastique. Mais ils devaient partir, il entra les coordonnées pour toute la flotte, et elle entama son bond. Ils passèrent le portail, l’univers sombre et froid refit aussitôt son apparition. Aussitôt le sentiment de sérénité qui Nathan avait de cet endroit se dissipa.

       Ils avaient la tête à l’envers par rapport au sens de navigation habituel. Nul ne s’en était rendu compte dans l’autre univers. Nash ordonna à Hansen de les remettre dans le bon sens. Sortis de leurs sauts, les vaisseaux firent alors un tonneau à contre sens afin de se remettre la tête à l’endroit. Au même moment, la poussière d’étoile se détacha des vaisseaux de guerre formant une spirale lumineuse. Telles les étincelles d’un feu d’artifice, la poussière d’étoile décrochée disparaissait aussitôt dans la noirceur de l’espace.

       –Nous revoilà dans l’espace que l’on connaît désormais, même si j’ignore toujours où nous sommes, déclara Luciano

       –Moi je sais lieutenant, répondit Nathan.

       L’amiral quitta la passerelle pour se rendre à ses quartiers. Il ne revint sur la passerelle uniquement dans ses prochains quarts pour entrer les coordonnées sauts. La flotte fit le neuvième bond, puis quelques jours plus tard, le dixième. Il sembla de plus en plus clair que les étoiles dans l’horizon de l’espace se faisaient de plus en plus rares et lointaines. Ce voyage vers l’inconnu absolu le plus sombre effraya de plus en plus de monde.

       Les ressources énergétiques et surtout alimentaires commençaient à atteindre un stade critique. L’amiral avait beaucoup de pression et ses officiers subalternes lui remontent des comportements indisciplinés qui se multipliaient. Il espéra vraiment avoir eu raison de suivre son instinct guidé par la ministre, puis le pirate. Tout cela était lié et ne pouvait être le fruit du hasard. Il n’y avait plus que deux sauts à faire, le suivant était dans une heure et le dernier, sept jours plus tard. Nathan sera enfin où il a emmené ses équipages, là où « les êtres ayant perdus espoirs se rendent ».

       Nathan regarda trop souvent les photos de Loumène et Cassandre sur sa tablette. Il posa son verre, puis se leva et reboutonna son uniforme et se rendit à la passerelle sous escorte. Il était temps d’exécuter l’avant dernier saut spatiale, il avait hâte d’arriver.

Il prit place face à son second, à la table tactique, il lui sourit :

       –Nous sommes proches, major.

       –Je sais, amiral. 

Miller était sur la passerelle et discuta avec Luciano. Nathan régla de petits problèmes quotidiens avec des sous-officiers. La pénurie de certaines choses nécessaires au quotidien commença vraiment à être pesante sur le moral de toute la flotte.

       Quand il était temps, l’amiral prit les commandes de sauts de la flotte et commença à entrer les coordonnées du onzième bond.

       Quand soudain, des coups de feu retentirent dans le couloir accédant à la passerelle. Aussitôt, Nathan cessa d’entrer les coordonnées et dégaina son arme. Il fut aussitôt interrompu dans son geste.

       –Déposez votre arme, amiral ! Entendit-il hurler. Nathan tourna sa tête et vit le sergent-chef Hansen le viser, arme au poing.

       Vous aussi major, ou je le tue, reprit-il.

       Da Silva avait l’arme en main, ils se regardèrent puis ils lâchèrent leurs armes. Ainsi la moitié de la passerelle était en train de se mutiner et pointèrent leurs armes sur l’autre moitié, stupéfaite.

       Dogett se leva discrètement de son siège et profita d’être dos à Hansen pour essayer de le prendre en otage. Il s’avança accroupi derrière la table tenant la vitre cartographique. Au moment même où il se releva pour bondir sur Hansen. L’un des complices du sergent vit le lieutenant Dogett et tira une balle qui le toucha grièvement.

Dogett fut coupé dans son élan et fit quelques pas en arrière, avant de tomber sur le sol, dos appuyé sur sa console de tir. Le coup de feu dans la passerelle avait été automatiquement détecté, cela verrouilla alors les accès du vaisseau.

       Hansen se retourna et vit Dogett tombé en arrière, son sang était en train de se répandre. Pendant ce temps des marines mutins prirent le contrôle de la passerelle, confisquant les armes, et attachant les mains.

       –J’avais dit pas de coup de feu ! Hurla Hansen qui perdit la commande ouverte de l’amiral sur sa table tactique numérique.

Nathan se précipita vers Dogett sans se soucier du sergent Hansen qui le visait. Dogett était en train de mourir. Da Silva hurla à Hansen d’appeler l’équipe médicale mais ce dernier était sous le choc. Nathan s’approcha de Dogett et posa une main sur son épaule.

       –Accroche toi vieux, ne meurt pas maintenant. Il y a quelque chose que tu dois voir à l’issue de ce voyage.

Agonisant et dans un dernier souffle de vie, Dogett lui répondit :

       –Je n’ai aucun regret, je me suis bien éclaté. Elle m’a dit que je la reverrai bientôt, tout ira bien…  

       Il sourit une dernière fois en regardant dans les yeux Nathan puis il expira son dernier souffle. Nathan se retourna, jetant un regard terrifiant, empli de colère envers le sergent Hansen. Ce dernier en fut pétrifié de peur pendant une fraction de seconde. Nathan se releva, il déclara.

       –Vous avez tué un homme de grande valeur, il était bien plus courageux que jamais aucun de vous ne le sera.

Hansen ordonna aux  marines d’emmener tout le monde aux fers sauf Nash et Da Silva. Les complices de Hansen prirent place sur la passerelle. L’équipe médicale, neutre, emmena le corps du lieutenant Dogett à la morgue. Nathan regarda cela et croisa le regard triste du docteur Keller, venue chercher le corps.

       Hansen s’adressa ensuite à l’amiral :

       –Donnez-moi les clefs d’accès du vaisseau où je la bute.

Il pointa son arme sur le major Da Silva qui répondit sereinement :

       –Ne donner jamais les accès mon amiral.

       –Je buterai tous les officiers à commencer par vous deux jusqu’à ce que le protocole donne l’accès au lieutenant Sting.

Nathan et Da Silva se regardèrent et esquissèrent un rictus, Nathan lui répondit :

       –Vous me semblez pas très bien au courant du protocole, si je meurs, ma puce envoie bien les accès à l’officier inférieur. Mais nous sommes une flotte, l’accès aux commandes du Bellérophon seront bien remis à mon second, sur validation du commandant Powell, qui deviendra amiral. Il ne validera pas un mutin qui aura tué toute la chaîne hiérarchique puis il détruira ce vaisseau inoffensif. Powell ne vous cédera jamais, il préférera détruire ce vaisseau. Vous ferez mieux d’arrêter les dégâts maintenant, Hansen.

       –Nous n’avons pas le choix, vous nous emmenez vers la mort amiral !

       –Non, Sergent.

       –Nous n’avons bientôt plus de carburant, nous manquerons aussi de bouffe. Vous nous avez emmener dans un endroit perdu de l’univers. Nous allons tous mourir par votre faute !

       –Nous ne mourrons pas là-bas, Hansen. Je n’ai rien dit à personne pour assurer le secret de notre destination.

       –Peu importe, comment pensez-vous gagner une telle guerre ? Les sidoniens ont gagné, ils sont plus forts. Nous, nous pensons qu’il faut se rendre aux sidoniens, nous devons faire demi-tour.

       La conversation s’arrêta, Hansen devait réfléchir avec Sting, son complice. L’amiral Nash fut emmené aux fers avec son second par des marines. Nathan vit les corps des personnes qui sont mortes en s’opposant à la mutinerie.

       Beaucoup de personnes s’étaient entretués et à entendre les coups de feu ici et là, de nombreuses personnes continuèrent à résister. D’autres personnes, non armés et surprises par le changement de pouvoir avaient pris une posture neutre et étaient sous surveillance.

       Nathan se retrouva, enfermé seul, son garde l’empêcha de de se reposer. Nathan était affaibli par cet exercice de torture mais il garda à l’esprit que donner les accès sonnerait le glas de la mort pour tous.

       Le Bellérophon était à l’arrêt sans ses accès, il ne fallait surtout pas s’éloigner de sa onzième zone de bond spatial. Il s’inquiéta de savoir comment Powell et Logan allaient réagir. En tout cas, ils n’avaient pas ouvert le feu sur son vaisseau. Nathan pensa que Hansen essaya de gagner du temps et qu’ils étaient en train de négocier.

       Peu de temps après, Hansen réapparut dans la pièce. Il prit une chaise qu’il mit à l’envers pour s’asseoir et redemanda à Nathan, impatient :

       –Faut vraiment que tu me donne ces putains de clefs.

       –Que comptes-tu faire si tu les as ?

       –Nous nous rendrons à la ceinture d’astéroïdes à la frontière nébuleuse d’Andromède, nous ne pourrons pas aller plus loin sans jus. De là, nous finirons sans doute par croiser des sidoniens  à qui nous nous rendrons.

       –Ils vous tueront.

       –Nous n’avons fait qu’obéir.

       –Les sidoniens ne vont pas négocier, ils vont ne pas s’emmerder avec vous. De toute façon, vous n’aurez jamais assez de nourriture et de carburant pour rentrer.

       –C’est désormais possible avec ces quelques bouches en moins à nourrir. Pour l’ethérium, les dernières réserves de la flotte seront suffisantes.

Nathan ria de lui.  

       –Vous êtes tarés, par simple question de survie, vous pensez vraiment que Powell et Logan vous laisseront les dépouiller tranquillement puis mourront sur place. Ils préfèreront détruire le Bellérophon.

       –Ils ne détruiront pas le Bellérophon. Ils savent que sans vous, ils ne pourront faire les deux derniers sauts.  

       –Ecoutez, toute la flotte peut se rendre là où il y a de l’espoir pour tout le monde. Votre solution de vous rendre est pire que la mienne, c’est à peine si le Bellérophon pourrait arriver seul avec toutes les ressources de la flotte. Vous nous avez fait perdre de précieuses heures, Hansen.

       Le lieutenant Sting entra dans la pièce, c’était un pilote chef d’escadrille. Il était 43ème sur la liste des successeurs hiérarchiques des commandes. Il fit ouvrir la porte de la prison et dit à Hansen qu’ils avaient assez discuté. 

       Sting fit attaché Nathan afin de le passer à tabac, Nathan pris la souffrance physique pour lui et ne lâcha rien. Ensuite, il fut torturé avec la bassine d’eau, la technique de la noyade à chaque plongée. Nathan ne lâcha toujours rien à ses bourreaux.

       L’amiral étant désormais trop affaibli à cause de ses séances de tortures. Le docteur Keller avait été appelé à s’occuper de Nathan pour le mettre d’aplomb et le faire parler. Elle dut prendre un dopant et un sérum, elle était escortée de deux marines.

       En quittant son laboratoire elle vit les entrailles du vaisseau meurtrit par les combats, du sang et des impacts de balles sur les murs, des cartouches au sol. En passant devant un hublot donnant vue sur l’extérieur. Elle vit les bouches en moins à nourrir pour Hansen et Sting flottées dans l’espace. Le message était clair, les gens inutiles à la mutinerie et pour le retour seront sacrifiés. Elle pensa que se rendre n’était toujours pas une option envisageable pour ceux qui continuer de résister à bord, vu ce qui leurs attends.

       Elle entra dans la salle où était enfermé Nathan, au même moment une explosion se fit retentir dans le vaisseau. Son escorte s’en alla aussitôt et la laissa avec le gardien qui la reluqua. La porte de la pièce était fermée et Nathan était dans les vapes. Elle s’avança alors près du gardien, se rinçant l’œil :

       –Puisque c’est la fin du monde, lui dit-elle, aguicheuse.

       Elle commença à plonger doucement sa main dans son pantalon et à le toucher. Ce dernier levait les yeux, en extase. Cela faisait surement bientôt dix mois qu’il n’avait pas été touché par une femme.

       Pendant qu’il pensa à son plaisir donné par la main de la ravissante docteur Keller sur son sexe. Elle mit son autre main dans sa poche et s’empara d’un sédatif qu’elle planta aussitôt dans son cou. Elle lui avait mis une dose de cheval, il s’endormit aussitôt, tombant comme une masse.

       Keller vola le badge et entra dans la cellule de Nathan. Elle lui mit des claques pour le réveiller, sans succès. Alors, elle lui jeta le sceau d’eau en pleine figure, cela ne réveilla pas plus que ça. En dernier recours, elle prit une autre seringue et lui injecta. C’était un dopant, Nathan rouvrit les yeux et puisa par tricherie ses dernières forces. Il put se lever et sortit peu à peu de son état groggy.

       Les coups de feu continuèrent à retentir à bord, Nathan compris que la bataille pour le contrôle du vaisseau n’était pas terminée. Les bruits et le dopant stimulèrent Nathan, il enfila la veste de son uniforme rapidement qu’il laissa ouverte.

       Il se saisit du fusil d’assaut du gardien et donna l’arme de poing à Keller. Cette dernière lui exposa la situation, les cuisines et l’armurerie secondaire résistèrent encore. Il fallait trouver un moyen de les aider ou de libérer les autres, bien gardés.

       L’amiral voulut se rendre aux prisons, libérer ses hommes étaient la meilleure chose à faire. Ils entendirent des coups de feu, ils décidèrent de s’en approcher. A la croisée d’un couloir, ils tombèrent sur un combat. Nathan reconnut l’un des marines présent au moment de la prise de la passerelle, il ne put l’oublier. C’était celui qui avait abattu Dogett, sans réfléchir, il sortit de sa cache. Par surprise, il put tirer une balle qui se logea dans l’œil gauche de cet homme qui tomba aussitôt mort. Nathan continua de tirer et vida le chargeur dans ce couloir comme un fou. Morte de peur, Keller resta cachée. 

       Soudain, un homme attrapa Nathan par derrière qui faillit se faire tuer en représailles une fois son arme vide. Surpris, il se retourna, il vit à son écusson que c’était un marine de l’Andrasta.

       –Monsieur, est-ce que tout va bien ?

Nathan le regarda sans répondre, le marine constata les pupilles dilatées de l’homme. Il comprit son acte de folie, Keller renchéri :

       –Je crois que je lui ai donné un dopant un peu trop fort.

       –Amiral, nous devons vous extraire. On va pouvoir lever le camp.

Le marine saisit Nathan sous le bras et ordonna par radio de quitter le Bellérophon.

       –Lâchez-moi ! Hurla Nathan qui vola une grenade au marine et la dégoupilla aussitôt pour la balancer dans le couloir tenu par les mutins. Nathan se releva au-dessus du barrage et continua à tirer n’importe où pendant que ça explosa.

       Le sous-officier marine soupira en regardant Keller, exaspéré de voir l’officier général dopé à la folie.

       –Nous ne partirons pas, je n’abandonnerai pas le Bellérophon et mon équipage ! Expliqua Nathan.

       –J’ai reçu mes ordres du commandant Powell ! Répondit le marine.

       –Je commande Powell, il est hors de question que je laisse le vaisseau à Sting et Hansen.

       –Monsieur, vous ne pouvez plus rien faire, c’est un carnage. Ils tiennent votre vaisseau. Powell pense que nous devons chercher l’aide là où vous seul pouvez emmener la flotte.

       –Sergent-chef, la guerre est perdue à tout jamais sans le Bellérophon. Passez-moi votre oreillette.

       L’homme resta dubitatif, mais finit par obéir à l’amiral. Nathan expliqua la situation à Powell et lui demanda du renfort. Ce dernier était hésitant, mais il décida d’envoyer tous ces marines disponibles. Ces marines allaient aborder le vaisseau, comme pour les premières équipes sur place. Sting ne pouvait les empêcher de venir sans les accès du Bellérophon. Il ne pouvait rien faire fonctionner sans le déverrouillage de Nash.

       Les équipes déjà sur place commencèrent à infiltrer le vaisseau et à prendre position à bord. Ils repoussèrent les forces de Sting, de coursive en coursive, salle après salle. Sting se replia, prit position avec ses hommes à la prison où étaient enfermés les hommes fidèles à Nathan.

       Très vite, le chaos à bord s’intensifia. Du personnel se croisèrent parfois dans le vaisseau sans savoir de quel camp ils pouvaient être. D’autres encore, devinrent paranoïaques et avaient la gâchette facile. Seuls les affinités entre personnes pouvaient éviter les massacres inutiles, car beaucoup étaient perdus.

       Des explosions d’abordages retentirent encore. La rébellion avait de fortes chances d’être matée. Sting tenait la prison et ses otages, pendant que Hansen, escorté, voulut chercher Nathan comme monnaie de négociation.

       Il remarqua qu’il n’était plus dans sa cellule. Enervé, comprenant que les événements commencèrent à lui échapper. Il se dirigea vers une armurerie auxiliaire. Elle était quasiment dépouillée après plusieurs heures de lutte, ses hommes abandonnaient les lieux pour renforcer la prison. Cependant, il trouva des explosifs puis il se rendit en direction de la salle des machines du vaisseau.

       Les renforts supplémentaires arrivèrent à bord et avaient réussi à rejoindre l’équipe de Nash et Keller. Il fallait reprendre la prison et libérer l’équipage, face à l’infériorité numérique ainsi que sa défaite proche. Sting alla chercher le major Da Silva dans la cellule, la trainant sur le sol, en la tirant par ses cheveux blonds. Il ordonna le cessez-le-feu à ses hommes puis il hurla qu’il voulait négocier. Il s’avança dans le large couloir, couvert de douilles et de morts. Tout en trainant le major, affaiblie par la détention et la maltraitance. Nathan se releva et se montra face à lui, main baissée mais arme au poing. Bien que drogué, l’amiral n’était pas non plus au top de sa forme.

       –Nous faisons cela pour survivre, nous ne voulons pas mourir perdus dans l’espace. Vous êtes fou Nash, vous nous avez emmenés crever dans un coin de l’univers pour ne pas vous rendre par fierté aux sidoniens. Nous avons perdu la guerre, les humains se sont rendus, pourquoi continuer ? Nous ne reverrons jamais nos familles, nous ne serons jamais ce qui leur ait arrivé par votre faute.

       –J’ai moi aussi une famille sur Terre, peut-être sont-ils morts, peut-être que non. Nous avons plus ou moins tous pris cette décision ensemble. J’ai perdu énormément d’hommes, le Stella Serena, jamais je ne pourrai oublier le courage dont ils ont fait preuve pour nous permettre d’avoir une chance ! Ils auraient pu fuir et se rendre après, ils n’en ont rien fait, ils sont revenus mourir pour nous. Nous sommes devenus ce que ces morts ont fait pour nous. Lieutenant Sting, vous être un homme méprisable, vous agissez par égoïsme et parce que vous avez la trouille. A cause de ça, des centaines de personnes sont mortes et s’entretuent. Arrêtez ce carnage ! Il ne reste que deux sauts avant d’arriver à destination, je vous assure que nous y survivrons.

       –Je ne vous crois pas, jamais nous n’aurions dû aller aussi loin sans ressources ! Je veux le contrôle du Bellérophon sinon, tous tes hommes meurent. Je veux les ressources de la flotte pour aller à la ceinture d’Andromède.

       –Ce n’est pas possible.

       Soudain, Nathan leva son bars armé et fébrile vers Sting et tira. Il toucha l’épaule de l’homme. Cela le faisait tomber en arrière, alors il tira aussitôt avant de chuter. Il toucha l’amiral qui s’effondra, blessé sur le sol. Ils se retrouvèrent tous les trois couchés au sol, et aucun n’avait la force de s’enfuir en rampant.

       Les négociations ayant échoué, les échanges de tir entre marines reprirent aussitôt. Cependant, personne ne se s’en prenait aux trois personnes présentes au sol car elles étaient de grande valeur pour les antagonistes.

       Quand soudain une explosion toute proche se fit entendre, les hommes de Sting se retournèrent. Il y avait un trou béant dans la cloison derrière eux. Une grenade flash survint à leurs pieds, les aveuglant. C’était un autre groupe de résistants accompagnés de marines de l’Andrasta, ils étaient menés par le capitaine Miller. Les assaillants passèrent la cloison et commencèrent à abattre les marines de Sting qui tirèrent à l’aveuglette. Les plus prudents se couchèrent main sur la tête pour se rendre.

       Après ce combat éclair surprise, le calme était revenu. Sting était encore conscient, il reprit son arme et visa le major pour se venger. Miller tira dans son bras, son arme retomba au sol. Miller se précipita sur lui et se mit à le tabasser, il lui brisa le nez, lui cassa des dents, jusqu’à ce que le sergent-chef marine ne l’arrêta.

       Puis le capitaine se précipita vers Lydia, au sol. Il la prit dans ses bras car il avait eu peur pour elle, cela se vit qu’il l’aimait.

       Pendant ce temps, le docteur Keller se précipita vers Nathan, il avait été touché à son bras droit. Elle prit une trousse médicale et lui fit les premiers soins. Alors que le sergent-chef libéra les prisonniers.

       Miller décida de mener les opérations de reprise du contrôle du vaisseau, c’est-à-dire la passerelle. Alors, il reconstitua les équipes de combats. Luciano arriva encore à tenir debout, il proposa son aide. Miller lui demanda de se rendre avec quelques marines au poste de sécurité, appelé passerelle secondaire. Les hommes de Miller en avaient pris le contrôle avant de lancer l’assaut sur la prison. Luciano et son escorte s’y précipita tandis que le groupe de Miller alla reprendre la passerelle qui devait être bien être défendue.

       En se rendant sur place, Miller reçu un appel radio d’un marine lui informant qu’ils ont encerclés la passerelle et la salle des machines. C’était les deux derniers endroits encore tenus par des mutins, mais ils ne pouvaient pas lancer l’assaut. Quand Miller lui demanda pourquoi, il lui répondu que des explosifs étaient placés sur les réserves de carburants en salle de machines et que le détonateur était détenu par Hansen sur la passerelle.

       Arrivé sur place au même moment face aux écrans caméras. Luciano vit le sergent Hansen sur la passerelle face aux vitres blindées, seul avec son détonateur à la main. Il confirma la présence d’explosifs sur les réservoirs en salle des machines. Powell apprit la situation par le biais d’un de ses hommes sur le terrain. Il demanda à parler à l’amiral, apprenant qu’il était inconscient ainsi que son second. On lui apprit alors que l’officier en charge des opérations était Miller. Il lui intima l’ordre d’abandonner le Bellérophon et d’évacuer car il était hors de question de négocier. De plus, Nash, seul connaisseur des coordonnées de la destination était en sécurité. Miller refusa d’obéir et demanda au commandant de lui accorder un peu de temps. Les deux hommes savaient que l’amiral préférait mourir que d’abandonner son vaisseau. Powell soupira mais accorda à Miller que quelques minutes avant d’ordonner à ses marines d’abandonner le Bellérophon en emmenant tous ceux qui veulent le suivre.

       Miller arriva à une des portes de la passerelle qui était verrouillée. Il appuya sur le bouton communication et parla au sergent Hansen. Ce dernier se tenait là où tout avait commencé. Il y avait encore le sang du lieutenant Dogett à même le sol.

       –Tout est fini Hansen, laisse tomber. Je promets qu’il ne t’arrivera rien de plus que le cachot.

       –Je ne la reverrai plus jamais, je suis coincé ici.

Miller lui demanda à qui il fit allusion, le sergent Hansen lui répondit :

       –Catherine, ma fiancée, jamais je ne la reverrai, je vais mourir ici.

       –Tu penses qu’elle serait fière d’apprendre ce que tu comptes faire ? Hansen ! Laisse tomber. Arrête ! Trop de gens sont déjà morts.

       –Je voulais juste rentrer chez moi, répondit-il.

Miller lâcha le bouton communication, il avait un plan :

       –Bordel ! Il déraille, passez-moi Powell.

       –Powell, faites décoller un SuperSnake 16. Demandez au pilote de tirer une torpille sur la baie vitrée de la passerelle dans dix minutes. Faites évacuer le Bellérophon, moi je reste à bord.

       –Capitaine Miller, demande acceptée. Evacuation du Bellérophon, chasseur en vol, prêt à faire feu dans trois minutes trente-sept secondes, terminé. 

       Miller avait un plan pour essayer de sauver le vaisseau mais il avait toutes les chances d’y laisser la vie. Il fallait distraire Hansen, le mettre dos aux vitres blindées pour pas qu’il voit le chasseur tirer quand il brisera les vitres. Miller espère qu’il se fera éjecter dans l’espace et qu’il ne pourra pas appuyer sur le bouton du détonateur.

       A la demande de Miller, Luciano désactiva la sécurité de fermeture automatique des rideaux en cas d’avaries. Il va lui aussi se faire aspirer, mais il espère pouvoir fermer les rideaux dont la commande était assez proche.

       –Hansen, tu as gagné. Tu vas avoir le Bellérophon, mais il faut que tu me laisses entrer.

       –Je ne laisserai entrer que l’amiral.

       –Tout le monde évacue ! Regarde les vaisseaux partant sur l’Andrasta. L’amiral et le major sont inconscients, Dogett est mort. Je suis le quatrième officier, j’ai les codes validés par Powell.

       –Powell n’a jamais voulu céder, je n’y crois pas.

       –Powell ne voulait que l’amiral pour finir le voyage, il s’en fout du Bellérophon.

Dubitatif mais pensant cela possible, Hansen cru le capitaine et reprit :

       –Ok, je vais t’ouvrir mais au moindre geste suspect je fais tout péter !

       –Ce serait dommage de détruire ton ticket pour la maison, répondit-il.

Le sergent Hansen ouvrit la porte, Miller entra sur la passerelle les mains levées. Hansen le tenait en joue avec son arme et tenait le détonateur de l’autre main.

       –Maintenant ! Donne-moi l’habilitation sur toutes les commandes du vaisseau. 

Miller essaya de gagner encore un peu de temps, la torpille allait frapper dans une minute.

       –Je te demande une dernière fois. Tu es sur de toi ? Tu n’iras pas loin avec le vaisseau.

       –Powell me donnera ce que je voudrai où je le détruirai avec l’Aegis.

       –Ils s’enfuiront bien avant que tu ne tires.

       Miller arriva à l’occuper comme ça et lui faire tourner le dos à la baie vitrée. Il jeta un œil sur sa montre, encore quelques secondes. Hansen se douta, il regarda derrière lui où étaient rivés les yeux du capitaine, il ne vit rien et s’impatienta :

       –Je veux la revoir ! s’écria-t-il. Je ne veux pas crever ici loin d’elle ! Je baiserai tout sur mon chemin pour la retrouver !

       –Tu la reverras ta dulcinée, Hansen.

       C’était le moment, Miller vit la trainée de fumé en zigzag du sillage de la torpille qui se dirigea droit vers les vitres de la passerelle. La torpille fracassa la baie vitrée de la passerelle qui trembla, et toutes les vitres blindées explosèrent. Aussitôt l’air contenu dans la pièce se vida dans l’espace. Tout ce qui était volatile se trouva éjecter de la passerelle vers l’extérieur. Hansen fut abasourdi par l’explosion et fut aspiré dehors, il lâcha son arme mais le détonateur était toujours dans sa main grâce à sa dragonne.

       Au même instant, Miller voulut activer la commande des vitres blindées mais il ne le parvint pas, il fut aspiré aussi. Il s’accrocha à une console de commande pendant que l’air continua à se vider, il comprit qu’il était foutu. Miller regarda vers l’extérieur, il vit Hansen dehors s’éloignant peu à peu de la passerelle avec un tas de débris de verre et d’objets. Dans son dernier souffle il arma le détonateur et s’apprêta à appuyer. Miller compris qu’il avait échoué. Il remarqua subitement que Hansen l’avait lâché un court instant du regard, que celui-ci était vide. Hansen sourit, et enleva son doigt du bouton du détonateur. Son sourire se figea sur son visage puis il expira son dernier souffle. Son corps s’en alla flotter à tout jamais dans le vide de l’espace. Surpris, Miller se demanda ce qu’il avait bien pu se passer dans sa tête pour qu’il renonce à son œuvre de destruction.

       Pendant ce temps, la passerelle se vida de ces derniers galons d’oxygène. Miller fut agréablement surpris de voir que les rideaux blindés de la passerelle se fermaient. L’air cessa de se vider et il retomba à même le sol et put souffler à nouveau. La voix du lieutenant Luciano sortit des haut-parleurs :

       –Poste de sécurité à passerelle. J’espère que tu as apprécié le retour sur tes jambes de bipèdes.

       –Luciano, bien joué. J’ai vraiment cru que c’était la fin aujourd’hui, merci ! Je pensais que tu avais quitté le vaisseau comme tout le monde ?

       –Je suis resté avec toi et j’ai tout suivi. Félicitations, t’as assuré !

       Les deux derniers marines qui gardèrent les bombes sur les réservoirs se rendirent facilement, il n’y avait plus lieu de continuer. C’était pour eux la mort ou la geôle, de plus, le détonateur était perdu dans le vide spatial.

       La mutinerie à bord du Bellérophon était terminée. Le capitaine Miller informa le commandant Powell que le Bellérophon était sûr. Le commandant pouvait rapatrier l’équipage du vaisseau. Il y aura beaucoup de travail, les manœuvres seront désormais plus difficiles avec tout le personnel mort. Powell félicita Miller et Luciano, ils avaient sauvé le vaisseau amiral et son précieux atout, l’Aegis.