II – Néant

Lacrimosa

«Sans le mystère de l’inconnu, l’âme humaine ne pourrait vivre heureuse »

Peline Eline, l’âme du maître d’école.


       Nathan se réveilla au côté de sa femme, une nouvelle journée commença. Aujourd’hui était le jour crucial des séparations. Deux mois s’était déjà écoulés, il était temps pour le militaire de reprendre du service. Cassandra se réveilla aussi, Nathan regarda sa femme dont les yeux s’ouvraient à peine. Ils ne purent dire un mot mais se comprirent. Elle ne voulait jamais rater un départ, toujours inquiète de voir son militaire de mari ne jamais revenir. Car Nathan partait toujours vers l’inconnu, nul ne sait ce qu’il pourrait lui arriver. Il n’y avait rien de plus effrayant pour une femme aimante. Nathan aimait l’inconnu, son besoin d’explorer et son courage rassurait toujours sa femme.

       La porte s’ouvrit, c’était Loumène.

       –Ah tu es revenue parmi nous ! S’écria Cassandra.

       –Je suis venue te dire au revoir papa !

       Nathan était touché et il sourit, car le père et la fille avaient perdus l’habitude d’être proches. Mais cette fois-ci, ils s’étaient tous accordés du temps en famille. Voilà que la jeune fille de 17 ans s’était vautrée sur son père dans le lit parental.

       –Tu vas me manquer papa…

       –Vous me promettez d’être sages les filles.

       Nathan fit un gros câlin à sa fille qui alla se recoucher après s’être exceptionnellement réveillée.

       Après être restés entrelacé, pendant semble-t-il une éternité. Il se leva et alla à la douche, puis il enfila son uniforme militaire. Sa femme ne dormait plus mais était restée au lit en train de l’observer, elle se leva pour lui dire au revoir comme si c’était la dernière fois. Il l’embrassa et la serra très fort entre ses bras. Ils se détachèrent l’un de l’autre et ils se fixèrent dans les yeux. Ils pouvaient capter leurs âmes mutuellement, pleines de passion, d’amour et d’inquiétudes inexpliquées. Le temps pressa, il se devait de partir, il n’en avait pas envie mais il le devait. Un dernier baiser volé, deux mains qui se lâchèrent avec regrets, un dernier regard suppliant puis Nathan sortit de la pièce. Ce matin-là, ayant préféré paresser au côté de sa femme au lit, il déjeunera pendant le trajet.

       C’était une belle journée ensoleillée et fraiche, cela lui donna du courage. Il utilisa l’habituel train magnétique le menant jusqu’à la base militaire de Stuttgart. Bien qu’il fût attristé de quitter sa famille six longs mois. Il était heureux de conserver son métier qu’il aimait et son équipage.

       Il revit cette publicité dans le train concernant la maternité. Il pensa que le monde devait manquer d’amour. Il était toujours convaincu que de découvrir un nouveau monde plus spacieux, devrait ouvrir de nouvelles perspectives. Il s’inquiéta, cela ne finirait-il pas par un conflit colonial comme pour Terra Nova ?

       Il déjeuna dans le train, regarda autour de lui. Comme toujours, la plupart avait le regard vide, plongés dans leur tablette. Nathan était toujours trop curieux et passa sa vie à toujours regarder autour de lui.

       Le trajet lui rappela des souvenirs de ces moments passés en famille. A peine le temps d’y penser encore, qu’il était déjà arrivé. Il se rendit au hangar militaire du spatioport en marchant.

       Il monta à bord d’un Vulture, cette fois en passager et escorté de deux chasseurs SS-16 jusqu’à la station orbital Eole. Le vaisseau de reconnaissance traversa l’atmosphère et trembla, c’était ce moment où l’on franchi le ciel pour être parmi les étoiles. Ils arrivèrent proche de la station orbitale où le pavillon amiral de Nathan, le Bellérophon venait de finir ses réparations après son combat contre le vaisseau de guerre pirate, Lazare.

       Depuis le hublot, Nathan pouvait y voir l’Andrasta, le Stella Serena et le Eureka Nine, alignés, prêts pour le long voyage vers l’inconnu.

       Vu de l’extérieur, Nathan avait oublié à quel point son vaisseau amiral était magnifique. Le Bellérophon était peint d’un sublime gris mat, sa haute tour de contrôle lumineuse orné de radars surplombait le bâtiment en son milieu. Le vaisseau possédait cinq tourelles d’artillerie photons longues portés, chaque tourelle avait trois canons. Il y avait deux tourelles devant la tour, une derrière et les deux dernières étaient en dessous.

       Bellérophon possédait des batteries anti-aériennes automatiques et rétractables sur ses flancs capables d’annihiler n’importe quelle offensive de chasseurs. Le canon Aegis, surnommé Instrument de Dieu n’était pas au point et n’avait jamais servi, faute de budget. Cette arme, unique, était potentiellement capable de grandes œuvres de destructions, il fonctionna grâce aux particules d’énergie du vide spatial.

       Au-dessus, bien protégé des intrusions. Il y avait un grand pont d’envol pour toutes sortes d’appareils de chasse ou de reconnaissance.

       Mais le plus majestueux travail d’œuvre que l’architecte ait pensé à vouloir faire sur ce vaisseau de guerre était sans contexte sa figure de proue. C’était sa touche personnelle et il avait obtenu gain de cause. La figure de proue représentait Bellérophon, guerrier demi-dieu issu de la mythologie grecque, armé de sa lance en chevauchant Pégase. C’était comme si il irait affronter la chimère, coloré d’or et de blanc. Le Bellérophon était sans contexte l’un des vaisseaux les plus majestueux de la flotte. L’amiral faisait beaucoup d’envieux.

       Le vulture apponta dans le hangar d’Eole. L’amiral en descendit sous escorte de deux marines. Puis il se rendit au centre de commandes voir l’officier de la station pour chercher les clefs de démarrage des vaisseaux de la septième flotte.

       Arrivé sur les lieux, il tomba sur la ministre de la défense. Elle avait promis qu’ils se reverraient, Nathan ne pensait pas de sitôt. Il fut quelque peu surpris qu’elle fasse le déplacement.

       Elle le vit arriver et se retourna. Elle congédia le commandant de la station Eole, lui faisant comprendre qu’elle se chargeait de remettre les clefs à l’amiral. Elle demanda à Nash de la suivre pour être à l’écart. Elle sembla toujours autant froide, stoïque et fière. Nathan la suivit dans le bureau du commandent de la station. Elle se tint debout face à lui, elle ne prit pas place assise. Elle lui donna les clefs de lancement :

       –Amiral Nathaniel Nash, voici vos clefs de lancement. Je vous rappelle que conformément à la constitution fédérale des nations unis de la Terre et Terra Nova. Par délégation présidentielle, ministérielle et de ces citoyens. Vous avez pleine autorité pour faire usage des armements, nucléaire compris ainsi que de tout autres moyens de défense mis à votre à votre disposition pour préserver le genre humain que vous avez juré de servir et de protéger.

       –Madame, je me permets de vous dire qu’il est bien rare que l’on me remettre les clefs de lancements d’une flotte de guerre avec autant de convenance.

       –Il est parfois bon de reformuler certains principes qui s’oublient.

       –Certainement, Madame, lui répondit-il.

       –Je vous avez promis que l’on se reverrait à notre dernière entrevue,  Amiral. Je tenais à vous remettre personnellement les clefs et à vous rappeler qui vous servez, je pense qu’il est bon de ne jamais l’oublier.

       –Je sers l’intérêt général, Madame.

       –Bien. Comment vous sentez ce voyage vers Z-BX-34 ? La planète aux confins de l’univers?

       –Sachez Madame, que je suis plutôt confiant, je place toujours beaucoup d’espoir en mes voyages, je suis convaincu qu’un jour l’homme aura droit un nouveau départ.

       –Un nouveau départ, c’est une idée que je ne peux qu’apprécier. Le gouvernement fédéral place énormément d’espoir en votre mission. Une des raisons pour lesquelles des crédits supplémentaires difficiles à obtenir ont étés alloués pour réparer votre vaisseau. Le genre humain a toujours besoin de nouvelles ressources naturelles à exploiter. Il serait bon de pourvoir y trouver des terres cultivables, ces ressources alimentaires deviennent compliqués à gérer sur nos deux mondes pour notre population croissante. Vous savez, longtemps les hommes se sont battus pour l’or, le pétrole, et même l’eau. J’aimerai autant pouvoir éviter une guerre de la famine pour le siècle à venir.

       -Je comprends, Madame.

       –Amiral, j’ai quelque chose de la plus haute importance à vous remettre.

       –Bien sûr. Je vous écoute.

       –Comprenez bien cela, Nash. Il s’agit d’un document sacré. Je vous le remets car j’ai confiance en vous.

       –Je vous en remercie. Voulez-vous dire secret défense ?

       –Non, sacré. Seul vous et vous seul doit en avoir connaissance.

       –De quoi s’agit-il, Madame ?

       –C’est un lieu, que vous ne pouvez comprendre à ce jour. Les êtres qui s’y rendent sont très rares mais ont beaucoup de chance. Il est important que personne, je dis bien personne ne doit pouvoir y accéder, excepté vous, m’avez-vous bien comprise ?

       –Oui, madame, mais j’ai du mal à comprendre où vous voulez en venir.

       –Ecoutez-moi, dit-elle en lui coupant la parole. Si un jour tout vous semble perdu. Je vous ordonne de vous y rendre.

       –Qu’y trouverai-je ? Vous y êtes  déjà allé ? Demanda-t-il.

       –On y trouve toujours ce que l’on cherche, amiral. J’y suis allé une fois, et cela m’a toujours poursuivi, comme une aide et une malédiction. C’est un endroit dans lequel les êtres qui ont perdus espoir se rendent.

Nathan était déboussolé. Elle lui tendit un vieux bout de papier jauni sur lequel était écrit au dos « Laissez-vous guider par la poussière d’étoiles ». Il y avait un filagramme « Naglfar » en haut de la feuille. Il y voyait écrit douze séries de treize chiffres écrit à la main. Il s’agissait d’une suite de douze coordonnées de bons spatiaux.

       –Oui, il s’agit bien de ce à quoi vous pensez. Reprit-elle.

       –C’est bien la première fois qu’une note confidentielle me soit confiée sur papier, Madame.

       –Vous savez, les notes électroniques sont encore plus volatiles. N’inscrivez jamais ceci dans l’ordinateur de bord sans être hors connexion et sans historique de bord amiral.

       –Je ne vous cache pas, Madame, que j’ai beaucoup de mal à comprendre où vous voulez en venir. Je garderai cette note de la plus haute importance toujours sur moi.

Il ouvra la poche boutonné situé en haut à gauche de son uniforme il y rangea la note.

       –Je vous donne ceci, parce que je sais à qui j’ai à faire. J’ai confiance en vous. Vous m’avez surprise il y a bientôt six mois. Je sais que vous ferez les bons choix.

       –Madame, qu’est-ce qui fait que vous m’accordiez autant de confiance depuis six mois?

       –Je dois partir. Mon homologue sidonien, le commandant Stanislas, va m’attendre.  Vous savez que nous avons une opération conjointe à mener pour neutraliser le Lazare. Je vous souhaite un bon voyage et de bien nous revenir. J’espère que vous trouverez ce que vous cherchez. Au revoir, amiral. 

       Ainsi, sur cette note de respect. Ils se serrèrent la main puis il se tint face à elle au garde à vous, discipliné. Elle sortit du bureau, Nathan ne compris pas la démarche de Swan. Il sut juste qu’il avait une autre destination secrète, visiblement très longue à atteindre pour le jour où « tout lui semblera perdu » 

       Il reprit le papier qu’elle lui avait donné et il se posa mille questions. La porte s’ouvrit de nouveau. Il avait fixé ce vieux morceau de papier une éternité sans s’en rendre compte.  Le commandant Meyer du Stella Serena entra dans la pièce. Nathan rangea le vieux morceau de papier. Meyer lui parlait logistique pendant que Nathan observait par le baie vitré le Bellérophon à quai. Puis ce fut les commandants Powell et Logan, respectivement du croiseur Andrasta et du ravitailleur Euréka Nine qui entrèrent dans la pièce. Ainsi les leaders de la septième flotte étaient au complet, ses trois commandants continuèrent à discuter, l’amiral étant trop perdu dans ses pensées. La pensé qui était toujours la plus réconfortante était l’amour de sa famille. Il n’en avait que faire des préliminaires de mission. Il se retourna et regarda les trois hommes, puis il s’écria :

       –Messieurs, il est temps de partir. 

       Les trois hommes quittèrent la pièce pendant qu’il continua de regarder les étoiles. Il se dit qu’il y avait encore tant de monde, tant d’espace, si proche de nos yeux mais si loin d’atteinte. Il se retourna et traversa la station Eole jusqu’au sas menant au Bellérophon.

       Il était accueilli par ses gardes du corps. Il traversa le sas et entra dans son vaisseau, il enleva son gant blanc pour toucher de sa main droite la peinture fraichement posée dans les entrailles de son vaisseau. Il enleva l’autre gant pour le mettre dans sa poche droite et continua d’avancer escorté jusqu’à sa passerelle, le cœur du vaisseau situé dans la tour. Il s’arrêta un instant devant la porte et souffla. La porte s’ouvrit et il retrouva toutes les personnes qu’il voulait à ses côtés pour faire naviguer ce lourd croiseur de guerre dans le vide intersidéral   

       La passerelle était grande, donnant vue sur l’espace au travers l’imposante baie vitrée. Chaque officier avait une spécialité et dirigeait du personnel. Lieutenant Dogett, le bras armé, dirigea les artilleurs qui se tenaient juste devant la baie vitré.  Vers la droite, les communications, ils écoutaient et transmettaient avec les autres vaisseaux de la flotte, orchestré par le lieutenant Da Silva, également officier en second. Plus à gauche, pour la vision, se tenaient les analystes radars, charge du lieutenant Oswald. En retrait près de l’amiral, le lieutenant Luciano, ce ceux qui sentaient le potentiel d’un bond spatial, les hommes de la cartographie. Enfin, répondant présent depuis les quartiers du pont d’envol, le capitaine Miller, chef d’escadrille principal.

       Nathan, quant à lui se tenait au milieu de tout ce beau monde, devant sa table tactique face à Da Silva. Devant lui, la baie vitré donnant cette vue du vide infini et au-dessus, un immense écran. Il servait pour la visiophonie, pour s’adresser directement aux autres officiers commandants des vaisseaux de la flotte.

       Tous ses officiers, se tinrent au garde à vous dès qu’il entra dans la pièce. C’était bien plus que du respect protocolaire, mais aussi un respect pour l’homme en qui ils avaient confiance. Heureux de le retrouver aux commandes, suite à ses problèmes avec le haut conseil de sécurité. Il avait pris la bonne décision contre Lazare, sauvant peut-être son équipage.

       –Repos, dit Nathan. Il avait le cœur réchauffé de voir autant d’enthousiasme.

Il s’avança jusqu’au centre de la pièce vers sa table tactique, il les fixa tous. Puis il prit sa clef de lancement et l’inséra dans la table.

« Bienvenue, amiral Nash» Dit la petite voix de l’ordinateur de bord. Tous les systèmes étaient opérationnels et accessibles. Les départs étaient toujours de grands moments pour les voyageurs. Tout était prêt :

« Autorisation de départ sur ordre de l’amiral Nash »

       –Demande d’autorisation de décoller de la station Eole.

       –Demande accordé, amiral Nash, répondit la station.

L’amiral s’adressa à son pilote, le sergent-chef Garry Hansen :

       –Hissez mon pavillon, désencrage, dirigez nous vers les autres bâtiments de la septième flotte.

Le Bellérophon se désancra de la station de maintenance.

       –Lieutenant Da Silva, Intercom flotte, ordonna Nathan.

       –Bien, Monsieur, s’exécuta-t-elle.

L’écran visiophone au-dessus se connecta avec celui des autres vaisseaux et les commandants se virent les uns et les autres.

       –Andrasta, Stella Serena, Eureka Nine, autorisation de décoller, ordre de suivre pavillon amiral. Bond spatial suivant coordonnées de sauts transmises. Informa l’officier communication.

       Le Bellérophon se détacha de la station et s’avança jusqu’aux autres bâtiments alignés de la flotte et les dépassa. Le lieutenant Luciano transmettra les coordonnées. Nathan sortit sa tablette car il avait reçu un message vidéo de Cassandra et Loumène. Il sourit et il leur répondit à l’écris de la manière la plus concise qui soit avant le saut ; tout ira bien, je vous aime pour toujours. Ainsi, pour montrer l’exemple du plongeon vers l’inconnu, le Bellérophon entama son bond spatial. Le portail avala le vaisseau amiral puis les autres vaisseaux de la flotte suivaient.  La septième flotte se retrouvaient de l’autre côté, elle avait quitté le système solaire.

       –Premier saut réussi avec succès, Monsieur, dit Luciano.

       –Parfait, bon travail lieutenant, lui répondit Nash.

La tablette de Nathan était désormais hors ligne car trop loin de la Terre. Alors il la rangea sous sa table tactique.

Il demanda à son second de rétablir la communication suite au bond :

       –Lieutenant, intercom flotte avec haut-parleurs.

       –Bien, amiral, répondit-elle.

Elle regarda son subordonné à la manœuvre et ce dernier s’exécuta.

       –Intercom établie, reprit-elle.

Les commandants  Meyer, Logan et Powell étaient toujours à l’écran. Cette fois-ci, toute la flotte pouvait entendre ce que l’amiral voulait dire. Il était l’heure du speech de Nathan. Il prit son oreillette, Lydia face à lui, le regarda.

       –Mesdames, Messieurs, nous allons vers Z-BX-34, un monde potentiellement intéressant pour l’homme découvert il y a bientôt huit mois par une sonde autonome longue portée.  Nous venons de réussir de sortir du système solaire. Au prochain bond, nous allons sortir d’Andromède ainsi que l’espace connu par l’homme pour un voyage à vitesse de croisière ponctué de plusieurs bonds. N’ayons jamais peur de l’inconnu et de la nuit noire, car elle nous cache ses merveilles. Vous me connaissez tous, l’objectif est d’offrir un meilleur avenir à l’humanité qui connait la misère. L’exploration spatiale à un rôle important à jouer pour l’expansion des hommes. Il ne nous suffira plus de plonger dans les mondes de rêves. L’humanité et sa jeunesse doivent pouvoir s’en réchapper avec un nouveau départ plein de promesses. Comme toujours, j’espère que notre voyage aboutira. Votre amiral, terminé.

       Le message clair était passé. La septième flotte refit un bond, sortant de la galaxie Andromède, voisine de la voie lactée et frontière spatiale connue de l’humanité. La flotte croisa la dernière balise Panopticon sur son chemin. Ces dernières sont dispatché à travers les deux galaxies et fonctionnaient tels des relais, indiquant la position de tous les vaisseaux connectés dans l’espace connu et maitrisé. Elles étaient importantes sur les plans civils et militaires, elles permettaient de gérer les flux des routes spatiales.

       Dépasser ces frontières était dangereux et interdit, aux risques et périls de ceux qui tentaient. Il fallait toujours sonder le terrain avant, il y avait d’immenses dangers dans l’espace inconnu. Le septième flotte permettait de croitre la cartographie spatiale de cette immense environnement et créer de nouveaux passages sûrs. C’était le travail de l’équipe de Luciano, experte en cartographie spatiale.

       Il faudra trois mois pour atteindre la planète inconnue avec cette flotte suréquipée et autonome. Les jours passèrent de manière routinière, la flotte voyagea au rythme prévu au programme. Il n’y avait rien à l’horizon, à part les limbes fascinants de cet immense vide universel.

       Pour passer le temps et renforcer les liens, Nathan convia souvent d’autres officiers dans ses quartiers. Meyer et Powell étaient là, les trois hommes discutèrent autour d’un verre :

       –Votre discours de départ était bien dit. Je suis convaincu que les hommes ne changeront jamais. Quand nous avons découvert Terra Nova, nous n’avons pas pu nous empêcher de nous battre. L’ancienne planète Terre surpeuplée, manquant de ressources vitales, comptait trop sur les coloniaux de Terra Nova pour l’aider. Le temps et l’éloignement a fini par créer trop de divergences, culturelles, économiques entre les deux mondes. Terra Nova avait voulu son indépendance pour se gérer elle-même et ne pas gaspiller ses ressources pour la Terre mourante qui ne voulait pas perdre son seul moyen de survie. Polémiqua le commandant Meyer, originaire de Terra Nova.

       –Cela me fait penser à l’histoire du 19ème siècle quand les américains, explorant un continent riches de ressources voulait se détacher de la veille Angleterre. Rappela Nathan.

       –Sauf que les anglais avaient perdu, les forces Terriennes ont gagnés, répondit Powell.

       –Au prix de frappes nucléaire ayant rendu un quart de la planète inhabitable. L’histoire ne fait que se répéter, dit l’amiral.

Le commandant Meyer, insista à expliquer les choix passés de son monde :

       –Terra Nova ne voulait plus gâcher ses ressources pour trainer la Terre. Un seul monde pour en nourrir deux. Mes ancêtres voulurent conquérir librement leurs mondes pour se développer sans entraves.

       –La Terre avait besoin de survivre. Je vous rappelle que sans ses ancêtres Terriens, Terra Nova n’aurait pas eu cette avance qui lui donna les moyens de ses ambitions. La Terre a beaucoup sacrifié pour arriver à tous ces progrès dont ce monde a pu profiter. Ca n’était qu’un juste retour des choses, répondit avec détermination.

       –La Terre a su rester prudente, gardant toujours une certaine avance militaire. Terre a déclaré la guerre quand les Terra Noviens commencèrent à prendre trop d’avance à son goût, rétorqua Meyer.

       –Ce que j’en dis messieurs, c’est que cette histoire est surement plus complexe qu’on ne peut l’imaginer. La collaboration n’est pas évidente mais est toujours plus fructueuse que la guerre, trancha Nathan.

       –Que voulez-vous dire ? Demanda Powell.

       –Je pense que des négociations qui n’aboutissent pas, c’est le fruit de la cupidité des uns et des autres camps. Certains préfèrent la guerre parce que ce n’est pas nécessairement eux qui y vont. Ils oublient peut-être un peu vite que ça dégénère toujours dans une escalade de violence incontrôlable. Personne n’aurait voulu qu’un quart de Terra Nova soit rayé de la carte, mais c’est arrivé. 

       –Putain, c’est beau ce que vous dites amiral, s’exclama Meyer.

       –Je crois que le scotch y est pour quelque chose, répondit Nathan en souriant.

       –La prochaine est pour moi amiral, reprit Powell.

Ainsi les leaders de la flotte regagnaient chacun son pavillon. Nathan alla se coucher, son prochain quart était dans quelques heures. Comme à son habitude, il s’endormit en regardant des photos de sa famille qui lui manquait. L’alarme du vaisseau retentit, il fut réveillé en plein milieu de la nuit en raison d’une alerte de radiations solaires. Il fut coupé dans son sommeil, il en fut soulagé car il faisait un affreux cauchemar apocalyptique.

       La flotte fit un saut spatial et se retrouva toujours plus éloigné de ses mondes mais toujours plus proches de son objectif. Les journées défilèrent inlassablement jusqu’à l’objectif et chacun accourait à ses tâches quotidiennes. L’amiral retrouva régulièrement d’autres officiers pour discuter, s’assurer que tout alla bien. Il y avait une certaine solitude à voyager dans l’espace, confiné et loin de tout, sans rien d’autre à faire que d’attendre. Paradoxalement, cela permettait de resserrer les liens entre les personnes. Ce qui ne se fait plus de manière aussi authentique depuis l’avènement technologique des mondes virtuels.

       Nathan était sur la passerelle, toujours face à sa table tactique numérique. On lui rapporta un conflit qui éclata entre deux techniciens de maintenance à bord. Il ne voulait pas trancher, alors il fit payer leurs indisciplines en geôle pour les calmer. Nathan détesta la violence à bord.

       Le lieutenant Dogett quitta son poste pour discuter avec l’amiral :

       –Amiral, l’opération conjointe avec les Sidoniens mobilise beaucoup de moyens. Vous pensez qu’ils l’arrêteront ?

       –Je l’ignore lieutenant.

       –Vraiment ?

       –Il y a cinq mois, n’avez-vous pas eu le pressentiment qu’il n’a pas réellement abandonné le combat ? Il semblait aussi vulnérable que nous, mais je n’ai pas eu l’impression qu’il l’était.

       –C’était compliqué de poursuivre le combat.

       –Ce qui était compliqué, c’était que j’avais l’impression horrible qu’on se battait contre nous-même. Il nous rendait chaque coup qu’on lui mettait à la même intensité. Pas vous ? lui demanda-t-il.

       Intrigué, le lieutenant Dogett répondit :

       –Vous avez peut-être raison amiral.

       –Vous savez, ce pirate ne m’intéresse pas. Il échappe aux autorités depuis plus d’un siècle, lieutenant. D’après d’anciens militaires, ils ne se sont jamais comportés comme les pirates d’autrefois. Je ne comprends pas leurs motivations. Je n’arrive pas à combattre efficacement ce que je ne comprends pas.

       –J’espère qu’ils les tueront pour la paix entre humains et sidoniens.

       –Toutefois, ce qui me trouble, c’est que ce vaisseau pirate n’attaque pas de vaisseaux humains, sauf si l’on y force. Les chargements Sidoniens lui semblent plus attractifs que nos convois civils.

       La conversation finissait là, l’amiral fixa l’écran radar juste au-dessus de lui, rien à signaler, comme toujours.

       Plus tard, la septième flotte était à mi-chemin et continua sa traversée jusqu’à sa destination finale. La flotte traversa un univers pleins de dangers. Les émanations solaires étaient régulières et intenses sur ce secteur. Le prochain bon spatial sembla dangereux car la sonde en avait souffert.

       –Amiral sur la passerelle ! S’écria l’officier de garde qui passa la main.

       –Lieutenant, sonnez alerte niveau deux, tout le monde à son poste de manœuvre.

L’alarme sonna, tout le monde accoururent à son poste. Concentré, Nathan fixa l’écran radar juste au-dessus de sa table ainsi que l’écran des statuts de bond spatial.

       Ce prochain endroit de l’univers inconnu était visiblement très dangereux, avant de risquer la flotte et le Bellérophon. Suite aux données de la sonde exploratrice assurant une route praticable, ils envoyèrent un vulture de reconnaissance. Il revint intact, assurant une voie sûre mais cyclonique. Alors Nathan décida que la prudence était de rigueur et le vaisseau amiral devait sauter en premier. Nathan ordonna alors au lieutenant Luciano de faire sauter le Bellérophon à destination. Séraphin exécuta l’ordre et programma les coordonnées pour la destination.

Le portail électrisé envahissait la coque du vaisseau depuis la proue du bâtiment de guerre puis il le franchi. Ils se retrouvèrent ainsi tous de l’autre côté en quelques secondes.

       Le Bellérophon entra en zone inconnu et l’équipage fut stupéfait. Un lieu rarement trouvable dans l’univers, composé de gazeuses, nuageux et orageux. Ils avaient l’impression d’être au cœur d’un ouragan terrestre. La figure de proue déchira les nuages et les orages éclatèrent près de la tour de contrôle, éclatant de luminosité l’intérieur de la passerelle derrière ses épaisses vitres.

       –Ce n’est pas possible nous devons être près d’une planète ! s’exclama Luciano, il fixa les écrans. Nous sommes tout près de l’atmosphère d’une planète, un peu plus et nous aurions plongé, reprit-il.

       –C’est le chemin emprunté par la sonde, lui répondit Oswald.

       –Heureusement, le système de saut a automatiquement régulé les réacteurs afin de résister à l’attraction gravitationnelle de la planète. Une sonde n’a pas la même attractivité gravitationnelle.

       –Très bien, je veux savoir ce qu’il y a sous pied. Envoyez deux vultures sous escortes, et qu’ils lancent un drone satellite, ordonna l’amiral.

       Les ordres furent exécutés et deux vultures, accompagnés de quatre chasseurs SS-16, commandés par Miller sortirent du pont d’envol pour s’aventurer plus bas. Il pleuvait sur la vitre du cockpit du capitaine Miller, il faisait sombre et l’orage continuait à gronder. Cela donnait une inquiétante et impressionnante atmosphère.

       L’escadrille traversa les nuages, puis ils arrivèrent rapidement sur une planète noire. Le drone satellite traversera cet orage brumeux dans le même temps et se mit en position d’observation. Ainsi sur le grand écran au-dessus de la baie vitrée de la passerelle pouvait-on voir les images projetées par le drone. Tout comme était projeté l’image des casques-pilotes sur demande. L’amiral aimait avoir une vision d’ensemble des choses.

       L’escadrille amorçait sa descente sur la planète noire. Les vultures se posèrent, le capitaine Miller en chasseur continua de voler autour, en couverture. Le reste de la flotte attendait l’ordre de pouvoir effectuer ce bond.

       Les vultures se posèrent et ouvrèrent leurs portes arrière. Les membres d’équipages dont le Docteur Haiden de l’équipe scientifique en sortirent. Les hommes regardèrent l’horizon, rien d’autre qu’un champ de poussière noire. Le scientifique, accroupi, regarda plus près au sol et plongea sa main dans la terre et la releva, une poussière noire et sèche s’écoula entre ses mains.

       –Il n’y a rien d’intéressant ici, déclara l’officier en second Da Silva.

Nathan les observait au plus près sur grand écran grâce à son drone satellite en vol autour de la zone d’exploration.

       –Prélevez un échantillon et revenez tous à bord, ordonna l’amiral.

Le Docteur Haiden préleva alors un échantillon de ce sol noir et remonta dans le vulture. Puis Miller les escorta jusqu’à bord du Bellérophon. Alors que Nathan retourna à ses quartiers, il prit en appel à son oreillette le Docteur Haiden, expert en matériaux pour lui intimer l’ordre de faire faire au plus vite dans l’analyse de cet échantillon. Le lieutenant Da Silva prit le relais du commandement sur la passerelle et elle avait autorisé le saut du restant de la flotte. Elle ordonna la préparation du prochain bond qui est toujours précédée par un une exploration préalable d’un vulture.

       Perdue dans l’immensité de l’univers, la septième flotte traversa des systèmes solaires par dizaines, déjà connu par les nombreuses sondes humaines. Des systèmes vides, des planètes glacières trop éloignées de la lumière, ou brulées, trop proches de cette dernière. Il fallait un juste mi lieu pour qu’un monde soit prospère et que la vie s’y développa. Statistiquement comme pour la Terre ou Terra Nova cela n’arrive qu’une fois sur plusieurs millions de fois. C’était comme s’il faudrait que Nathan gagne au loto pour trouver son monde viable. Cependant il espérait toujours que le désastre de la guerre n’arriverait plus, un comble pour un militaire de carrière. Quand il parlait de la guerre avec mépris, il répondait systématiquement à ses détracteurs « Je suis bien plus un explorateur prudent qu’un chef de guerre avisé. »

       Les jours passèrent inlassablement. Tout le monde avait hâte d’être arrivé à destination. Un jour le directeur de l’équipe scientifique, le docteur Haiden demanda à voir l’amiral. Nathan sur la passerelle prit l’appel et se rendit au laboratoire de ce dernier, installé à bord du Bellérophon.

       –Docteur, vous avez demandé à me voir ?

       –Oui, nous avons les résultats de la matière collectée sur la planète noire.

       –Alors qu’en est-il ?

       –Il s’agit de décompositions radioactives datant d’au moins d’un siècle, cette planète a été entièrement atomisée jusqu’à ce qu’il n’en reste que poussière à tout jamais. Nous avons imaginé plusieurs scénarios possibles. Mais l’hypothèse la plus probable est que cette planète a accueilli une forme de vie quelconque avant d’être irradiée. Le spectrogramme nous parle peu mais le docteur Keller est convaincu d’avoir déjà vue cette signature radioactive quelque part.

       –Docteur Keller ? Lui demanda Nathan en la fixant. Hésitante, elle répondit :

       –Je suis sûre d’avoir déjà vu ça quelque part durant mon doctorat mais je ne serai vous dire à quoi cela correspond précisément.

       –Vous avez étudiez quoi durant votre doctorat ?

       –J’étudié un peu de tout pour le compte du ministère de la défense, client de l’université. Pour être franche, Monsieur.

       –Mademoiselle Keller ! dit le Docteur Haiden en lui coupant la parole.

       –Laissa la donc parler ! reprit Nash, avide de vérité.

       –J’ai étudié les signatures énergétiques sidoniennes que la flotte spatiale avait collecté au début qu’on les a connu mais pour tout vous dire, ce projet a été abandonné. Cela n’intéressait plus le ministère de savoir. Je pense que les données radioactives issues de la planète noire sont concordantes avec celles datant des radiations émanant de l’armement sidonien lors de nos premières rencontres avec eux il y a neuf ans maintenant.

       –Docteur vous pensez que les Sidoniens sont venus à cet endroit ? Demanda-t-il sur un ton insistant.

       –Je n’en ai pas la certitude Monsieur, ce n’est qu’une présomption, nous ne possédons pas à bord les bases de données nécessaires à l’analyse complète de ses échantillons. Tout ce que je peux vous dire c’est que cette signature radioactive ressemble, de mémoire, au spectrogramme de celles sur lesquelles j’avais travaillé durant mon doctorat.

       Nathan, très choqué et aussi sceptique au vu de l’immensité de la base de données informatique de son vaisseau, reprit :

       –Mademoiselle, à quelle type de signature énergétique cela vous évoque-t-il? Sur quoi avez-vous travaillez à cette période?

       Nathan cherchait à en savoir plus.

       –Monsieur, d’après des rapports préliminaires de prélèvements d’armements Sidonien. Cette signature pourrait correspondre à une ogive nucléaire à fission, extrêmement dévastatrice. Je vous rappelle juste que je n’en suis pas sûre.

       –Pourquoi vos recherches n’ont-elles pas pu aboutir  il y a neuf années ?

       –Comme je vous l’ai dit, cela n’intéresserait plus le ministère, mon tuteur, chercheur enseignant m’avait bien fait comprendre une forme d’omerta, sous peine de privations budgétaires.

       –Une omerta ?! S’insurgea Nathan.

       –C’est simple, les financements du gouvernement se seraient arrêtés si nous avions continué à travailler sur un projet qui ne les intéressait plus. Il ne fallait surement pas inquiéter la population de l’armement Sidonien il y a neuf ans. Je vous le dit en toute franchise Monsieur car vous me le demandez, mais j’espère sincèrement qu’on ne me reprochera pas de vous en avoir parlé.

       –Ne vous inquiétez pas pour cela, Docteur Keller, je vous remercie d’avoir été franche, répondit Nathan avant de sortir du laboratoire.

       Le docteur fixa le docteur Keller, d’un air de négation qui alimenta le désespoir de la franchise de cette dernière face au commandant de la septième flotte, c’était un sujet tabou dont il craignit des retombées sur sa carrière.

       L’amiral marchait dans les coursives de son vaisseau et pensa à ce qu’elle lui avait dit. Si cela s’avérait vrai, cela signifierait que les Sidoniens auraient lâché une arme de destruction massive sur un monde peut-être habitable, brisant un de ces rêves. Il se dit qu’il s’agissait peut-être du monde belliqueux dont les Sidoniens avaient parlé, contre qui ils avaient été en guerre. Une guerre dont ils avaient éradiqué le problème, peut-être même que le gouvernement fédéral était informé et avait cherché à étouffer l’affaire vis-à-vis des recherches du Docteur Keller. Il lui paraissait alors étrange que le programme de la sonde Céleste de Swan le fit passer par ce chemin. Cependant il devait d’abord s’occuper de sa mission, s’occuper à trouver un nouveau monde viable pour les gens d’aujourd’hui, qu’importe les guerres passées. Malgré tout, cela ne pouvait empêcher de titiller son esprit mais il se refusait de s’en inquiéter plus que ça. Ils étaient proches, a part cet incident il ne restait plus que huit jours avant d’atteindre l’objectif, Z-BX-34.

       Ces huit jours passés, l’alarme de niveau deux retentit à travers toute la flotte. Pour le moment de la prise de garde des officiers de poste de la flotte. L’amiral Nash, Da Silva, Dogett,  Oswald, Luciano étaient sur la passerelle. La septième n’était plus qu’à un seul bond de sa destination finale. Tous prirent position à son poste dans une agitation pas possible pour l’avènement final de ce voyage. L’excitation était à son comble. Nathan regarda Da Silva et lui ordonna de lui ouvrir le canal intercom de la septième flotte afin de passer un message général :

       –Mesdames, Messieurs, nous voilà bientôt arrivés, nous sommes à un saut de notre destination, préparez-vous. Lieutenant Luciano ? Lui adressa-t-il hors communication en le fixant.

       –Prêt à sauter monsieur, rapport de saut du vulture d’exploration positif ! Lui répondit-il.

       –Bien, à toute la flotte, faites tous le bond. 

L’escadrille d’exploration de Miller et les scientifiques embarqués à bord des vultures se tenaient prêts à partir, non sans stress. La septième flotte amorça son dernier bond jusqu’à Z-BX-34. Les portails de chaque vaisseau les faisaient tous passer de l’autre côté face à ce nouveau monde. Il ne fallut que quelques instants pour arriver de l’autre côté.

       –Au rapport ! s’écria Nathan plein d’enthousiasme.

       –RAS. Répondit Da Silva, suivit des autres officiers communication des autres vaisseaux de la flotte.

       –Sergent, amorcez l’approche, visiophone de la caméra du Bellérophon sur Z-BX-34. Capitaine Miller, déployez escadrille, ordonna-t-il.

       –Miller, reprit Da Silva, l’officier exécutif en second, déployez deux drones satellites, coordonnées suivant ordre de mission. Autorisation de vous poser sur Z-BX-34.

       Les vultures, escortés par les chasseurs du capitaine Miller sortirent du pont d’envol du Bellérophon en direction du nouveau monde, les chasseurs lancèrent deux capsules, libérant les drones satellites. Ainsi l’œil du Bellérophon et des drones satellites donnèrent une vue d’ensemble sur le lieu propice à l’exploration grâce à l’écran géant de communication de la passerelle des vaisseaux de la flotte. Tous pouvaient suivre leurs progression, il le fallait bien après trois longs mois d’attente. L’escadrille traversa d’épais nuages brumeux et atterrissait sans encombre sur Z-BX-34.  

       Les scientifiques et ses aventuriers militaires sortirent, en combinaison afin de prendre les premiers relevés, observés de tous, tout là-haut par la flotte. Les premiers relevés satellite des drones n’indiquaient rien d’intéressant, peu de faune, peu de flore, première déception. Tous attendaient beaucoup des premiers avis de l’équipe au sol. Les docteurs Haiden et Keller furent les premiers à sortir. Cette dernière s’avança et regarda autour d’elle, elle souffla. Elle prenait ses premiers échantillons à même le sol. Son ordinateur indiqua que l’air était respirable. Les satellites indiquèrent un environnement difficile à vivre pour l’homme. Le cœur de Nathan, au vu de ses résultats préliminaires finirent par lui serrer la poitrine. Les premières images satellite, d’un monde quasi aride lui donnait la sensation d’un échec semi-cuisant. Z-BX-34 ne semblait pas aussi prospère qu’il espérait, il garda cependant espoir que cet environnement à première vue compliqué puisse malgré tout offrir une nouvelle échéance à l’humanité. Les explorateurs continuaient leur traversée rigoureuse, dans un désert tempétueux, humide et glacial.

       Il y avait de l’eau, c’est déjà ça, il y avait peu de flore et peu de faune adjacente. Les relevés de terres en diront plus. L’amiral cessa de fixer les écrans et détourna le regard :

       –Qu’ils en fassent le tour et prennent ce qu’ils leurs plaisent. Meyer aux commandes des opérations, déclara-t-il amèrement. Puis il retourna à ses quartiers, se faisant ouvrir la porte par ses marines de gardes.

       Au fur et à mesure des relevés, la passerelle, désormais commandée par le lieutenant Da Silva feint de cacher un désespoir partagé. Tous comprirent sans plus de détails que la vie pour l’homme serait difficile sur ce monde, il ne faut pas attendre l’analyse des relevés pour comprendre qu’un monde où la terre ne permet pas de faire pousser beaucoup de choses ne pourrait permettre une agriculture viable.

       Le commandant Meyer, par son ancienneté eut les commandes du déroulement de la mission, tous furent étonné du désenchantement de l’amiral qui ne sut cacher sa déception et prit refuge dans ses quartiers. Au bout de sept jours, la mission d’exploration commençait à toucher à sa fin, l’équipe au sol finissait de prendre ses relevés pour faire leur rapport qui remonterait jusqu’au gouvernement fédéral.

       Meyer quitta le Stella Serena pour rendre visite à l’amiral dans ses quartiers, ce dernier l’autorisa à entrer :

       –Nash, je vous ai rarement vu aussi contrarié, je sais bien que nous nous attendions à mieux mais notre mission n’est pas facile. Il faut tomber sur le bon lot et cela peut prendre plus d’une vie mon amiral.

       –Cette mission est un échec il m’a fallu peu de temps pour m’en rendre compte, toute cette paperasse administrative de relevés idiots du programme Céleste qui durent des mois. Tout ça pour que ces bureaucrates fédéraux se rendent compte après deux ans d’analyses qu’au final ce monde est inhabitable. Finalement, Ils vont mettre trois ans pour accorder une nouvelle mission qui mettra encore six mois ou plus pour se rendre sur un monde malheureusement inintéressant. Il y a tant à découvrir dans cet univers et j’ai si peu de temps. Mais les décideurs qui vivent dans leurs bulles oisives ont tous leurs temps, faisant perdre le mien ! Hurla-t-il énervé.

Abasourdit par ce monologue plein de perspicacité. Meyer qui voulait aider un ami, ne savait plus trop quoi lui dire.

       –Vous savez, nous avons mis beaucoup de temps en exploration spatiale pour découvrir Terra Nova. Il est vrai que la Terre et Terra Nova, frères de la Terre n’avons pas pu nous empêcher de nous faire la guerre, il existera toujours cette petite rivalité. Alors je ne pense pas que le nouveau saint graal de l’exploration spatiale se fera si facilement.

       –J’aimerai Jon, parce qu’il le faudrait. Et comme vous le dites, cette guerre que nous avons connu, pour laquelle nous avons contribué, a détruit bien des choses, qui mettent à mal les générations futures, nos enfants. J’ai servi à bord du croiseur Héraclès à mes 19 ans en tant que mécanicien, lorsqu’il a bombardé Terra Nova, pour la forcer à se rendre. J’observais tout cela depuis un hublot, j’imaginais ces villes brulées, ces gens mourant par dizaines de milliers. Je me disais que cela amènerait la paix, je me disais, comme le voulait la propagande de l’époque que nous n’avions pas le choix et que c’était la seule issue. Alors je ne trouvais pas de mal à voir ses bombes nucléaires frapper Terra Nova. Plus tard, quand la paix était revenue, j’y suis allé à l’occasion d’une escale. Là, j’ai compris, j’ai compris ce que la Terre avait gagné mais ce que l’humanité avait perdu. Nous avions tous perdus au change au lieu de nous entendre. J’ai consulté la documentation des pionniers, de Terra Nova avant la guerre. Les bombardements atomiques que j’ai observés depuis ce hublot avec consentement, avec acquiescement, se justifia l’amiral en tremblant de son bras jusqu’à son verre de scotch.

       –Nous avons commis d’atroces souffrances, d’horribles destructions qui mettront bien plus d’une vie à cicatriser. Ca a détruit ce qui a fait rêver nos ancêtres, ce pouvait faire rêver nos enfants, et ce que nous recherchons tous aujourd’hui désespérément, sans succès. Nous avons une dette pour nos actes envers les jeunes. On se contente de les abrutir sur le V-World pour gagner du temps comme si nous avions rien d’autres à leur offrir, quelle tristesse, quelle déchéance, reprit-il.

       –Vous n’étiez qu’un mécanicien de bord. Moi je n’étais même pas à l’armée, comment pouvez-vous dire que nous sommes tous responsables, vous avez juste obéis aux ordres.

       –J’étais jeune, vous aussi, nous aurions pu ne pas être d’accord, tous ensemble, nous aurions pu faire exiger ce que nous voulions pour plus tard plutôt que d’obéir et de regretter amèrement ce qui s’est passé et continuer à marcher dans leurs pas bêtement, mais nous n’avons rien fait. Vous m’entendez bien ? Rien.

       –Peu ont protesté contre cette guerre, c’est vrai. Je n’étais encore qu’un enfant vous savez. Je viens de Terra Nova, et je sais bien le prix de cette guerre et j’ai des hommes d’équipages issus de Terra Nova avec qui je discute, parfois. Pour lesquelles j’ai beaucoup de sympathie, ils ont tous perdus de la famille. J’ai beaucoup de regrets pour tout ce qu’il s’est passé.

       Après cette conversation franche, Meyer disposa. L’opération sur Z-BX-34, diligenté par le lieutenant Da Silva et Meyer se termina. La septième flotte était prête à repartir vers la voie lactée, sur Eole.

       L’amiral revint sur la passerelle et donna l’ordre de départ à la flotte. Da Silva était heureuse de le revoir face à lui, elle lui fit un sourire. Dogett se retourna également vers lui pour échanger un regard. Nathan savait qu’il était apprécié de ses hommes pour sa façon de faire les choses et qu’il leur avait manqué en passant les commandes. Son besoin d’isolement suite à cet échec avait laissé un vide. Il se tint debout, devant sa table tactique, face à Da Silva, face à ces vitres donnant vue sur les étoiles, à l’univers et son vide infini. L’écran géant visiophone au-dessus des vitres donna un aperçu des commandants de la flotte. Nathan vit un sourire de la part de Meyer. Mais tous ses hommes se comprirent et c’était suffisant, il avait une bonne équipe. Puis sur ordre de l’amiral, la  flotte fit son premier bond et quitta Z-BX-34, pour de bon. C’était parti pour un voyage retour de trois mois, encore.

       Nathan avait une meilleure humeur, car bien que la mission soit un échec, il avait hâte de retrouver Loumène et Cassandra. Le retour semble toujours plus court que l’allée et moins dangereux. Les équipages étaient plus décontractés, il n’était pas rare qu’ils faisaient parfois la fête à bord du Bellérophon. Le vaisseau amiral disposa dans sa tour, en dessous de sa passerelle, d’une immense salle de réception avec vue sur les étoiles grâce ses immenses baies vitrés.

       C’était au cours d’une de ses soirées que le lieutenant Da Silva, fut prise en flagrant délit par le capitaine Miller à l’observer. Ils s’échangèrent quelques regards, comme toujours. Il l’approcha, lassé de sa solitude et l’invita à danser sur un style de musique rythmé. Elle accepta, elle avait bu, lui aussi, exhibés vers leurs bas instincts qui les guidèrent, ils se laissèrent aller l’un à l’autre avec entrain. Ce fut une très bonne soirée pour eux et ce n’était pas les seuls. Pendant que la soirée battait son plein, ils partirent ensemble et elle rejoignit sa couche. Le règlement interdisait cela formellement. L’amiral appréciait ce genre de festivités, l’espace et le confinement rapprochait les hommes, cela ne se voyait plus vraiment sur Terre, où chacun vit ses relations virtuelles. Nathan pensa que le monde de l’exploration avait vraiment l’avantage de créer des liens. Il fermait les yeux et tolérait ce genre de choses tant qu’elle ne porte pas préjudice à sa mission, qui était désormais finit.

       Puis venait le temps des soirées privées entre commandants autour de bouteilles très vertueuses. Ils discutèrent de tout après quelques verres, d’histoires de jeunesses avec les femmes, de politique, de philosophie, de religion, du sens de la vie. Quelque part ils apprenaient à se connaitre sans tabous, sans grades.

       Les jours défilèrent pour les équipages au retour de ce périple. Un soir, l’amiral termina son « entrevue » avec Meyer puis il alla retrouver sa couche. Il était fatigué, il avait un peu abusé du cadeau écossais de son subalterne. Avant de s’endormir, il regarda une dernière fois sa tablette. Cassandra et Loumène, ses deux amours qui lui manquaient tant. Il savait qu’il lui fallait encore un peu de courage, il allait bientôt les retrouver.

       Quelques jours plus tard, l’alerte de niveau deux sonna. Le lieutenant Da Silva se leva et s’habilla, quittant discrètement la couche de Miller. Ce dernier continua à dormir, tant qu’un pilote de garde ne venait pas le réveiller pour lui dire que l’alerte le concernait.         Lydia se devait d’être discrète. Elle rejoignit la passerelle et fixa sur elle un dernier détail visuel pouvant la trahir. Arrivée à la passerelle, elle se fonda dans le décor face à Nathan.

       –Officier en second sur la passerelle ! dit un membre d’équipage.

       –Au rapport! demanda l’amiral Nash à son officier cartographe.

       –En position de saut sur la ligne rouge amiral, rapport du vulture F-154-421 positif, s’écria le lieutenant Luciano.

       –Parfait, transmettez coordonnées à la flotte. Préparez-vous à faire le bond, nous rentrons à la maison ! Dit-il avec beaucoup de joie et un peu d’amertume.

       La septième flotte fit le dernier bond spatial pour arriver à la ligne rouge. Elle entra dans le territoire spatial connu et entièrement cartographié de l’humanité. C’était dans le giron de la galaxie d’Andromède, connue et proche de la voie lactée, résidence de Terra Nova. Un silence mortel régna sur la passerelle, stressant tous de revenir à la maison après de si longs mois. Ils étaient tous heureux de pouvoir rentrer chez eux et retrouver les leurs.